La Dissonance - Shaun Hamill

2019, quatre adultes qui furent jeunes et le sont moins maintenant sont invités à une commémoration dans leur ancien lycée de Clegg, une petite ville du Texas. Les vies actuelles des quatre anciens élèves, qui ne se sont pas revus depuis des années (et auquel s'ajoutera un cinquième protagoniste involontaire, Owen, encore adolescent) , illustrent, hélas pour eux, diverses formes de l'échec professionnel, sentimental et social. On comprend vite qu'une partie de l'explication à ces vies insatisfaisantes se trouve dans des événements tragiques survenus à la fin des années 90 alors que les « héros » (ce n'est pas le mot juste) du roman était encore scolarisés au lycée de Clegg. Et que de vieilles histoires sont encore à régler. La Dissonance est le second roman de Shaun Hamill qui avait offert au lectorat le très réussi Une Cosmologie de monstres . C'est une friandise pour nostalgiques de bike stories des 80's (même si ici, âge aidant, c'est en voiture qu...

Retour de chronique : Epouvante et surnaturel en littérature - HP Lovecraft

Retour de chronique publiée dans Bifrost 73

En 1925, à peu près au milieu de sa vie d’écrivain, Lovecraft reçut de son ami Paul Cook (pas le batteur des Sex Pistols) la commande d’écrire un article sur « les éléments de terreur et d’étrange dans la littérature ». En fait d’article, Lovecraft écrira un essai de plus de 100 pages, certainement l’un des plus complets et marquants sur la littérature surnaturelle, qu’il ne cessera jamais de réviser jusqu’à sa mort. Lovecraft y procède à une recension, exhaustive ou presque, du genre jusqu’à son époque. Il y pose aussi quelques-uns des principes qui guident sa propre écriture. Le connaisseur d’HPL y reconnaitra enfin, dans quelques-uns des résumés, certaines des sources d’inspiration du reclus de Providence.

« L’histoire étrange typique de la littérature est un enfant du 18ème siècle ». C’est parce que Lovecraft l’analyse ainsi qu’après quelques rappels historiques, remontant jusqu’à l’Antiquité gréco-latine, il commence son essai par les premiers vagissements du Gothique, singulièrement par Le château d’Otrante d’Horace Walpole. Malgré les nombreux défauts formels qu’y pointe HPL c’est pour lui la point de départ d’un mouvement qui conduira au Weird contemporain. De cette racine, HPL développe l’arbre généalogique du Gothique, passant par Ann Radcliffe, Grégory Lewis, Charles Maturin, et bien d’autres encore. En dépit de la qualité qu’il juge globalement faible de ces écrits, il pointe justement la « montée en gamme » qui marque le genre, comme si chaque auteur, parmi les mémorables, partait du niveau de ses prédécesseurs pour aller un peu plus loin, le Melmoth de Mathurin, loué par de très nombreux littérateurs du 19ème siècle, étant peut-être le chef d’œuvre du genre.

Le Gothique donna l’impulsion dont avait besoin l’horreur surnaturelle pour se développer. Dans la foulée de ce mouvement naquirent donc le Frankenstein de Mary Shelley et les ouvrages de Le Fanu ou Stevenson entre autres, ainsi que, plus tard, les magistraux Dracula de Bram Stoker et Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde.

De pays en pays, sans oublier la France de Baudelaire ou Maupassant, HPL emmène le lecteur au long de sa vision encyclopédique d’un genre qu’il connaît parfaitement, et c’est passionnant car très complet et qu’on y voit combien d’auteurs, connus pour d’autres choses, se sont essayés à l’étrange.
HPL développe longuement l’œuvre des auteurs qui lui semblent les plus importants et dont il s’inspira plus ou moins directement.

Un chapitre entier est donc consacré à Poe, clef de voute du genre horrifique pour HPL en ce qu’il synthétise et améliore ce qui s’est fait avant lui et sert de modèle à ceux qui lui succèderont.

Puis, de chapitre en chapitre, HPL traite en détail ceux des auteurs qui ont eu la plus grande influence sur lui. Ambrose Bierce et sa Mort d’Halpin Frayser, Robert Chambers, auteur du Roi en jaune, par là même père d’Hastur, W. H. Hodgson dont La maison au bord du monde ou Le pays de la nuit offrent des aperçus d’espace et de temps incommensurables, Arthur Machen dont Le grand Dieu Pan lui offrit l’alphabet Aklo, Algernon Blackwood qui poussa à l’extrême, notamment avec The Willows, la vision lovecraftienne d’une littérature étrange qui est d’atmosphère plus que de faits, Lord Dunsany, touchant bellement cette vison « cosmique » dont HPL pensait qu’elle était un élément essentiel de la littérature étrange dont il voulait parler - hors donc du mystère psychologique ou de l’horreur physique - et formant avec M.R. James les deux pans du traitement de l’étrange qu’on trouve dans "Les contrées du Rêve".

On sort de cette lecture enrichi, ayant appris et compris. « Suggérer assez, et dire le moins possible » fut la règle cardinale de l’écriture d’HPL, il l’énonce ici, ainsi que cette autre, qu’il déduit de MR James et qu’il fera sienne : « une histoire de fantôme doit être située à l’époque moderne dans un environnement familier, ses manifestations doivent être malfaisantes, et la patois technique de l’occulte doit être évité ».

NB : Si on lit l’anglais, il faut lire la version annotée par S.T. Joshi.

Epouvante et surnaturel en littérature, HP Lovecraft

Commentaires

Praline a dit…
Wahou, ce texte a l'air génial !