Mon cœur est une tronçonneuse - Stephen Graham Jones

Jade Daniels est en dernière année de lycée dans la petite ville de Proofrock, Idaho. Demi-indienne par son père (tendance Blackfeet) , mal dans sa peau, JD, qui vit avec ce paternel indien alcoolo qu’elle déteste, est une espèce de punkette locale que tout le monde connaît, et pas en bien. Seul plaisir d’une vie très solitaire, JD adore les films de slashers , qu’elle regarde passionnément et dont elle a une connaissance encyclopédique. Et voilà qu’elle pense repérer des signes identifiant les débuts d’activité d’un de ces tueurs solitaires dans sa ville même. Entre cinéma et réalité, JD va tenter de négocier au mieux cette menace existentielle. Mon cœur est une tronçonneuse est un roman de Stephen Graham Jones. C’est un hommage à un genre cinématographique qu’il adore et auquel il a déjà donné un excellent roman : Un bon indien est un indien mort . Qu’en est-il ici ? Cette chronique de Mon cœur est une tronçonneuse est garantie sans spoiler ni sur le qui, ni sur le pourquoi, ni sur

Retour de chronique : Mausolées - Christian Chavassieux

Retour de chronique publiée dans Bifrost 73

Europe. Futur indéterminé. Siècle prochain ?
Les Conflits sont terminés. Ils ont culminé dans l’Année Noire et éradiqué une bonne partie de l’Humanité. Réinventant les structures de la Renaissance italienne, les hommes font leur vie dans des Cités-États largement autonomes, elles-mêmes regroupées, en Europe du moins, en une Fédération lâche et lointaine. Cette vie, même dans la version rabougrie qu’imposent les restrictions de l’Après-guerre, ne durera peut-être plus longtemps car la fertilité humaine a drastiquement diminué sous l’effet des armes chimiques et génétiques utilisées massivement pendant les Conflits.

Dans ce monde rieur, précisément dans la cité de Sargonne où il arrive en « ferrail », se présente au lecteur le jeune Léo Kargo, embauché comme bibliothécaire et biographe par le célèbre et énigmatique Pavel Khan, chef de guerre des Conflits, combattant impitoyable pour la démocratie, fléau des potentats mafieux, mercenaire devenu avec la paix milliardaire et mécène. Dans la base fortifiée de son nouveau patron, Kargo découvre un monde étrange. Une théorie d’assistants - dont la peu farouche Danoo - et de garde du corps forme le nouvel entourage du jeune homme, qui ne rencontrera pas le « souverain » Khan avant plusieurs mois ; l’immense bibliothèque de Khan, que Kargo est chargé de préserver et d’améliorer, semble lui délivrer un message par-delà les siècles. Mais comme l’Humanité entière, et sans doute pour les mêmes raisons, elle est menacée par une lèpre qui détruit les pages et fait disparaître les ouvrages. Il est temps de réagir avant que tout ne disparaisse, en espérant seulement qu’il ne soit pas déjà trop tard. Or comment espérer quand les projets de réparation génétique ne sont pas encore aboutis, quand la lèpre des livres progresse si vite qu’il faut bien admettre qu’ils tirent peut-être leur révérence car, voulant nous parler d’un monde disparu au point d’être incompréhensible, ils n’ont plus rien d’intelligible à nous dire, quand les derniers jours de Khan sont consacrés à une vieille vengeance ? La bonne idée est peut-être simplement de laisser partir ce qui a fait son temps.

Dans "Mausolées", Chavassieux présente au lecteur un théâtre d’ombres, rempli d’illusions et de faux-semblants. Nul n’y est seulement ce qu’il affirme, les non dits et les trahisons abondent ; la méfiance est, pour les résidents de la forteresse, une vertu évolutionnaire qu’ils doivent posséder sous peine de mort. La vie au palais est symbolisé par un jeu de stratégie, le Palais des Fous, créé par Khan lui-même, dans lequel chaque pièce peut être jouée indifféremment par chacun des adversaires. Persuasion, corruption, menace sont nécessaires à la victoire ; il peut même être rationnel de sacrifier une pièce utile pour empêcher l’autre de l’utiliser à son profit.

Finalement assez peu conforme aux canons de la SFFF, si ce n’est par son contexte, "Mausolées" est une histoire de secrets, de vengeance, de paranoïa. C’est un roman qui aurait pu mettre en scène des mafieux contemporains sans être fondamentalement différent. Il peut, de ce fait, décevoir le lecteur attiré par la présentation post-apo de l’éditeur. Nonobstant, c’est une très bonne histoire, lente, tendue, qui saisit le lecteur, fasciné par l’étude, presque entomologique, de la vie d’une fourmilière hiérarchisée et organisée. C’est l’histoire de la fin d’un cycle, celui de l’Humanité que nous connaissons, de sa philosophie et de ses mythes fondateurs. Car même si les hommes réussissent à maitriser assez le génie génétique - et ceux des humains qui souhaitent l’extinction et luttent pour elle - pour éviter que l’Humanité ne devienne un souvenir, ce qui nous succèdera sera très différent de nous ; comment comprendre le son que rend l’arc d’Ulysse quand on ne sait pas ce qui est une hirondelle ?
C’est aussi en contrepoint un histoire sur la volonté de survivre, de poursuivre, de faire descendance, tant physique qu’intellectuelle.
Eros et Thanatos s’affrontent dans "Mausolées" ; le lecteur assiste, médusé, à leur duel.

Rappelant plutôt le Boris Vian de L’Arrache-cœur que le Miller d’Un cantique pour Leibowitz, enfermant ses personnages comme dans le Bunker Palace Hôtel, "Mausolées" propose au lecteur un voyage dans une contrée étrange où vivent des femmes troncs nues aux membres mécaniques, où une abbaye, reconvertie en place forte, abrite des trésors culturels derrière des systèmes de destruction massive, où des vieillards agressent, depuis leur maison, les passants qu’ils haïssent, où les politiques, corrompus ou incompétents, meurent ou trahissent, où un centre pour handicapés tient lieu, parfois, de centre du monde. Un voyage en terre bien singulière, plaisamment dépaysante.

Mausolées, Christian Chavassieux

Commentaires

Baroona a dit…
Une excellente chronique à l'image d'un excellent livre.
Lorhkan a dit…
Il est dispo dans ma médiathèque et il me fait de l'oeil à chaque fois que j'y passe. Reste plus qu'à trouver un créneau de lecture, j'ai très envie de m'y plonger.
Gromovar a dit…
Plonge, plonge :)