Mirror Bay - Catriona Ward VF

Sortie de Mirror Bay , la version française de l'excellent Looking Glass Sound de Catriona Ward. C'est encore une fois magistral, tortueux, émouvant et rempli de faux-semblants  (il faut en profiter, ce n'est plus le cas dans le décevant Sundial pas encore sorti en VF) . Ne passe pas à côté, lecteur.

Même si les lions parlaient, nous ne les comprendrions pas


"Le chasseur et son ombre" (titre bien plus adapté pour une fois que l'original Hunter’s Run) est un roman à six mains écrit par trois « pointures » Abraham, Dozois, et Martin, et résultant d’un très long processus d’écritures successives.

Sur ce blog, je ne résume que très peu les livres tant il est facile de trouver ce qu’on cherche sur Internet ; ici je le ferai encore moins car il est difficile de chroniquer ce roman sans spoiler. Qu’on sache seulement que l’histoire est celle de Ramon Espejo, prospecteur caractériel et violent qui fuit la police de la colonie planétaire sur laquelle il vit, et tombe à son corps défendant de Charybde en Scylla. S’en tirer, tenter de faire ce qui est juste, réfléchir enfin sur soi, ce sont les défis auxquels son aventure va le confronter.

Au début du roman, le lecteur trouvera une ambiance « classique » de planet-opera, à ceci près que la colonie est largement mexicaine ethniquement et culturellement. C’est la partie que j’ai le moins appréciée (mais il semble que beaucoup l’aiment, la trouvent drôle et enlevée). L’ambiance chicano, chaleur moite, bar à whiskey, gouverneur, macho man, femme de braise, et transpiration sous les bras, ne m’a jamais attiré, sur quelque support que ce soit. J’attendais donc de lire un FNA, qui pourrait être bon si le rythme et le récit étaient de qualité suffisante pour soutenir l’intérêt, dans un cadre qui n’est pas ma tasse de thé.

Heureusement pour moi, la partie centrale du roman, après la révélation qui s’impose à Ramon, diverge de cette ambiance. Plus lente, plus réflexive, elle amène quantité de questionnements assez originaux dans la SF. Impossible de dire qui a écrit quoi, mais la manière dont est décrite la base alien rappelle fortement les fulgurances inquiétantes du genre Weird. Par delà l’enjeu évident des difficultés de communication, mais même et surtout de compréhension, entre races fondamentalement différentes (« Même si les lions parlaient nous ne les comprendrions pas »), le lecteur assiste à ce qui est une psychanalyse métaphorique. Descendant le fleuve - Willard le remontait dans Apocalypse Now – comme on suit un cheminement intellectuel, Ramon doit se souvenir, s’analyser, se comprendre, se juger, comme de l’extérieur.
Transformé par le contact avec l’Autre et les questions qu’il lui a amenées, il est plus à même qu’avant d’adopter une métaposition, et de dépasser l’instant pour voir l’enchainement des faits et des conséquences (ce qu’il nommera le « Courant »), cette droite dont il n’est en t qu’un point.

La fin retrouve une approche classique, et conduit le lecteur vers une solution satisfaisante en ceci qu’elle conclut efficacement l’histoire et reprend de manière concrète les idées de « Courant » et d’enchainement des actes dans une version originale de don/contre-don.

Au final "Le chasseur et son ombre" est un roman agréable à lire autant par son apport distractif que par les questions qu’il amène.
Le plus important dans ce roman est peut-être (de la part du maître des Point de Vue, George R.R. Martin) la démonstration faite au lecteur en lui imposant un point de vue inhabituel. Le lecteur prendra fait et cause, dans la partie centrale, pour le « héros » qu’on lui donne, alors que celui-ci n’est pas le héros évident. Dans la plupart des romans de SF, dans la même situation, les points de vue seraient inversés, d’une manière plus logique en terme d’identification, et les sentiments du lecteur le seraient aussi. Changeant la source du dialogue interne, changeant la manière de nommer les personnages, les trois auteurs montrent au lecteur comme il est facile de le manipuler. Joli boulot.
Regrettons juste que le travail de déconstruction de chaque geste humain, entamé au début de la partie centrale, n’ait pas été approfondi ; on aurait alors eu un roman vraiment bluffant.

Le chasseur et son ombre, Abraham, Dozois, Martin

L'avis d'Efelle

Ce livre participe (en avance) au Challenge Summer Star Wars Ep I

Commentaires

Xapur a dit…
Hum, ça m'a l'air intéressant tout ça.
Et cela contribue à mon idée selon laquelle tout ce que fait GRR Martin est bien.
Gromovar a dit…
Je cherche toujours son premier mauvais texte.
Lorhkan a dit…
Laisse tomber, Martin ne sait pas écrire de mauvais textes.
J'essaierai de lire ce roman un de ces jours, il semble avoir fait son petit effet auprès de son lectorat !

On peut prendre de l'avance sur le SSW maintenant ? La taulière est d'accord ? ;)
Gromovar a dit…
Je sais pas mais ça me semblait dommage de ne pas l'inclure. Si elle me shoote, tant pis.
Raven a dit…
Oh la triiiche, tu commences en avance!
Tentant, même si je suis pas trop objective quand on parle de Martin... ^^
Gromovar a dit…
Faut pas dénoncer ;)
Lhisbei a dit…
tss tss tss. capté.
La commission disciplinaire se réunira afin de statuer sur votre cas. Les sanctions possibles : simple avertissement, blâme, exclusion temporaire du challenge, exclusion définitive, exclusion avec interdiction de s'inscrire à un SSW pendant 5 ans. Vous recevrez par mail avec accusé de réception la notification de la sanction prise à votre encontre.
Cordialement
Gromovar a dit…
Je peux tout expliquer :)