La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

The book that Jack wrote


Avec "American Gothic", son dernier roman, Xavier Mauméjean propose la biographie de Daryl Leyland, auteur trop méconnu d’une version américaine culte des Contes de la Mère l’Oye. Seul problème : Leyland n’existe pas, pas plus que sa version des Contes (quoi qu’en dise un Wikipedia devenu complice involontaire de la mystification littéraire de l’auteur). C’est donc à Mauméjean de l’inventer et de le rendre crédible. Pari tenu.

Suivant Parisot, le biographe français, qui suit Sawyer, le biographe américain, le roman promène le lecteur le long des traces laissées par la vie de Leyland dans un décor qui est celui de l’Amérique du début du XXème siècle. Construit comme un patchwork de témoignages, notes, souvenirs, reculant puis avançant dans le temps comme dans un assemblage de poupées gigognes, "American Gothic" raconte Daryl Leyland, son seul ami Max Van Doren (l’illustrateur des contes), mais aussi les contes eux-mêmes (du moins certains d’entre eux). Il raconte une histoire de l’Amérique, réelle et fantasmée, dans laquelle se mêlent le maccarthysme, la prohibition, Al Capone, les immigrés, italiens, irlandais, allemands, qui ont fait l’Amérique, les fermiers américains dans les grandes étendues tempétueuses, les maires corrompus,  les orphelinats d’une époque où on se débarrassait facilement des enfants qui gênaient quand on ne leur tapait pas dessus à domicile, les camps de redressement pour "petites vermines", les violences, physiques, sexuelles aussi. On y croise bien sûr la Guerre, les guerres, 14-18, 39-45, la Corée. On y voit l’âge d’or de la radio, les débuts de la télévision et de son travail de sape du cinéma, les frères Warner et leurs affidés, on y entrevoit Orson Welles et sa Guerre des Mondes, des conventions de fan, Alice au Pays des Merveilles, le Magicien d’Oz, et même le peu aimable Cotton Mather.

"American Gothic" est un beau travail d’invention, très documenté, mêlant habilement vrai et faux dans un complexe qu’il me paraît vain de tenter de démêler. Et pourtant je m’y suis pas mal ennuyé. A la moitié du roman, j’ai du admettre que la vie de Daryl Leyland ne m’intéressait pas.

"American Gothic" n’est ni Gatsby le Magnifique, ni Citizen Kane. Daryl Leyland est un gars qui a compilé un recueil de contes populaires et écrit des blagues Carambar. Son histoire, souvent émouvante, et symptomatique d’une certaine misère américaine que connurent ceux qu’on ne qualifiait pas encore de white trash (dans un pays qui avait l’excuse de n’être pas encore le plus riche du monde), n’est pas celle d’un héros plus grand que la vie. Les enjeux de son existence sont modestes, et l’effet qu’il a sur la culture américaine est involontaire et indirect ; c’est trop peu pour un personnage inventé de toutes pièces (même à partir d’un modèle réel). Quand à l’Amérique qu’il nous invite à parcourir, elle est trop pointilliste pour être autre chose qu’un décor érudit (l’amplitude temporelle étant trop grande eu égard au nombre de pages). Elle n’apporte pas d’enjeu strictement historique ni d’éclairage véritable sur une période donnée.

Un écrivain invente un écrivain et raconte son histoire par l’entremise d’un écrivain fictif s’intéressant à un scénariste inventé s’intéressant à l’écrivain imaginaire, un écrivain en et hors genre à la fois raconte l’histoire d’un écrivain à la marge devenu très célèbre et disparu avant de le devenir encore plus ; le monde des lettres apprécie (la presse est sous le charme), le miroir dans lequel il se mire l’enjolive, un monde se parle agréablement de lui-même (et la saillie sur « les services de presse » vient confirmer mon impression ; ma mère et sa crémière n’ont aucune idée de ce qu’est un « service de presse »).
J’assiste, de l’extérieur. Je suis sûrement de « ces esprits chagrins » qui « achetaient leurs exemplaires avant de les détruire ».

American Gothic, Xavier Mauméjean

Les avis (positifs) de Lhisbei et d'Efelle

Commentaires

Anudar a dit…
Oh, tu m'intéresses ! Il est sorti quand ?
Gromovar a dit…
Il y a un gros mois.
Lhisbei a dit…
Alors là, oui, sur ce coup-là tu es un esprit chagrin (et vil)(et aigri) ;)
Chuis triste : je pensais que tu apprécierais le roman (et je n'ai pas imaginé un instant que tu allais t'y ennuyer). Tu me connais mieux que je ne te connais ;)
Gromovar a dit…
Je suis tout ça et bien pire.

C'est un beau livre, mais j'ai besoin de craindre (quelle que soit la cause et la forme de cette crainte) ce qui va advenir. C'est ce qui m'a manqué ici.
Vert a dit…
Ce que j'aime bien, c'est que même si tu n'aimes pas tu donnes quand même envie de lire :D
Gromovar a dit…
Ya de quoi dans ce livre, juste pas mon genre ;)