Descente - Iain Banks in Bifrost 114

Dans le Bifrost 114 , on trouve un édito dans lequel Olivier Girard – aka THE BOSS – rappelle que, en SF comme ailleurs, un part et un autre arrive. Nécrologies et anniversaires mêlés. Il y rappelle fort justement et pour notre plus grand plaisir que, vainquant le criminel effet de génération, Michael Moorcock et Big Bob Silverberg – les Iguanes de l’Imaginaire – tiennent toujours la rampe. Long live Mike and Bob !! Suivent les rubriques habituelles organisées en actualité et dossier : nouvelles, cahier critique, interview, biographie, analyses, bibliographie exhaustive, philofiction en lieu et place de scientifiction (Roland Lehoucq cédant sa place à Alice Carabédian) . C'est de Iain Banks qu'il est question dans le dossier de ce numéro, on y apprendra que la Culture n’est pas seulement « ce qui reste quand on a tout oublié ». Dans le Bifrost 114 on pourra lire une jolie nouvelle de Iain Banks, intitulée Descente et située dans l’univers de la Culture (il y a des Orbitales)

La mort blanche


Pour le sociologue américain Erwin Goffman (plus tard rejoint sur un thème proche par Michel Foucault), l’hôpital peut être défini comme une institution totale, c’est à dire « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées. ».

Dans Asiles, il montre comment ce type d’institution place en face à face deux catégories de population, les « reclus » et le « personnel », la seconde étant en situation d’ordonner toute la vie de la première. La force de l’institution engage de fait les malades dans une « carrière » qui doit correspondre le mieux possible aux attentes de celle-ci. Le malade doit y tenir son rôle, sous peine de se voir infligé des sanctions qui paraitront normales et justifiées à ceux qui les infligent. Dans ce type d’institution, le malade cesse progressivement d’être un sujet (de droit) pour devenir un objet qu’il faut traiter (à tous les sens du terme).

Au mieux ce type d’institution amène déshumanisation, perte d’autonomie, et brouillage de l’identité, au pire, toutes les dérives y sont possibles. Partant d’une célèbre légende urbaine américaine, celle du sanatorium hanté de Waverly Hills, Christophe Bec choisit l’option du pire. Il faut dire que le lieu a très mauvaise réputation, et qu’il servit, hors de toute considération paranormale, de lieu de relégation tant la tuberculose fut longtemps une maladie terrifiante car très pénible, souvent mortelle, et contagieuse par le plus simple des contacts.

Mêlant cruauté humaine et paranormal, "Pandémonium" raconte l’histoire du calvaire vécu par une petite fille et sa mère dans le sanatorium, entre détournements, brimades, folie mégalomaniaque, médecine expérimentale dépourvue de toute éthique, voire meurtres. Il montre la soumission du personnel soignant à des mandarins de droit divin, la hiérarchie impitoyable qui empêche toute révolte, la « disponibilité » de malades dont les médecins peuvent faire ce qu’ils veulent. Dans les années 50, on est loin de la loi de 2002 sur les droits des malades ; on pratique même encore la ségrégation raciale en enfermant les malades noirs, à l’écart, dans un dénuement extrême.

Comme dans Sarah, Bec parvient à raconter son histoire d’une manière qui engendre tension et malaise chez le lecteur. C’est, avec le mystère entourant l’affaire, la grande force de ce récit. C’est aussi une des choses que Bec fait le mieux (et il n’est guère facile d’effrayer à l’aide d’images fixes), dans cette série comme dans d’autres. Le récit est haletant, et les tribulations auxquelles se heurtent Cora et sa mère, malades et menacées, sont à la fois inquiétantes et émouvantes. On lit vite.

Pour cette intégrale des trois tomes parus, le graphisme s’améliore de volume en volume, et c’est surtout la colorisation qui devient de bien meilleure qualité dès le second tome (on en déduira ce qu’on voudra en lisant les crédits).

En ce qui concerne le récit, si les deux premiers tomes font monter progressivement la tension, le troisième, conclusif et publié trois ans après le second, paraît trop rapide. Il donne l’impression que l’histoire, et la série avec, devait se terminer quoiqu’il arrive avec ce seul troisième volume. C’est chose faite et c’est tant mieux (tant de séries ne connaissent jamais de fin), mais on ne m’enlèvera pas l’envie ou le regret d’une version longue (comme en DVD) tant j’ai eu l’impression d’un montage bien trop frénétique.

Pandémonium, Intégrale, Bec, Raffaele, et al.

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