Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

L'Evangile d'Azathoth


Comment se retrouve-t-on à lire "Divinations of the Deep", de Matt Cardin, en numérique qui plus est ? Mieux vaut que tu l’ignores, lecteur.

Ce petit ouvrage, à la couverture superbe, est un recueil de cinq nouvelles qui cherchent toutes à répondre à la question fondamentale : « Dieu peut-il vraiment être incréé ? ». La réponse de Cardin est négative. Il y a un chaos primordial d’où tout est issu. Si la Création est le fait de Dieu, Dieu lui-même n’est qu’une création, involontaire (?), d’un Infini premier. Les grecs ne disaient pas autre chose, les premiers êtres nommés, Gaïa par exemple, émergeant, on ne sait trop comment, du chaos. L’ordre ordonné du monde n’est qu’une illusion imposée par Dieu, ce marionnettiste qui agite le monde et les hommes comme des marionnettes, sans réaliser qu’il est lui-même partie d’une réalité plus vaste, à l'extérieur du théâtre.
Derrière le semblant d’ordre, il n’y a que désordre. Au cœur de la vie, on ne trouve que corruption. Le nihilisme de l’auteur est absolu.

Cinq nouvelles donc, formant un Evangile inédit (que les fans de Dan Brown diraient sans doute apocryphe, se trompant sur le sens du mot mais lui trouvant une sonorité délicieusement mystérieuse).

Les deux premières sont brillantes.
« An Aborrhence to all Flesh », et surtout « Notes of a mad Copyist », brillante et envoutante, décrivent la découverte par deux hommes très différents, un lettré contemporain et un copiste médiéval, de la réalité cachée au cœur du monde. Effroi de la révélation, séduction de celle-ci, élation, doute, peur, culte ancien ou vérité irrépressible qui veut se dire elle-même (cachée dans les interstices, où les yeux ne regardent pas d'habitude), le ton est lovecraftien dans le meilleur sens du terme, même si le thème fait de ce recueil du « Fantastique théologique ou biblique (?) ». Descriptions assez vagues pour permettre l’imagination, horreur puis séduction, sentiment de se tenir au bord d’un gouffre de connaissance qui aurait du rester dissimulé et compulsion à s’y abimer, inanité du monde, a fortiori des œuvres humaines, destruction de celui qui acquiert le savoir caché, Cardin a bien lu Lovecraft ou ils ont bu aux mêmes sources archétypales.

Les trois nouvelles suivantes sont intéressantes aussi, bien que plus conventionnelles, si le mot n’est pas absurde ici.
« The Basement Theatre » est la plus explicite. Elle n’amène rien que de l’attendu. Dire explicitement n’est pas critiquable, c’est juste dommage quand on a tenté par ailleurs d’être plus subtil. Elle se lit néanmoins sans peine.
« Judas of the Infinite » est la conclusion inévitable de l’ensemble. Dommage qu’elle soit aussi assez prévisible, mais son pessimisme est triomphant.
La plus faible imho est « If it had Eyes » dont je ne dirai rien sinon que c’est Turner meets Carpenter.

"Divinations of the Deep" est une lecture passionnante, rapide, résolument originale. Dans la lignée de Ligotti, Cardin innove dans le thème en retrouvant - car les archétypes sont ceux de l’espèce - des œuvres plus anciennes qu’il régénère en puisant dans une connaissance biblique impressionnante.

Divinations of the Deep, Matt Cardin

Lecture participant au Challenge JLNN


Commentaires

Un de mes professeur avait cette expression fameuse pour parler du chaos primordial des grecs : une béance. Le terme est plaisant, n'est-ce pas ?
Lune a dit…
Bonne année à toi !
Je te rappelle que dans le cadre du JLNN, comme tu as publié ta première chronique, tu as droit à une nouvelle numérique gratuite chez ActuSF (modalités : http://unpapillondanslalune.blogspot.fr/2012/12/jlnn-editions-actusf-faites-un-souhait.html). Communique moi ton choix par mail : unpapillondanslalune@gmail.com