Juste quelques lignes pour Les Fils enchevêtrés des marionnettes , le dernier UHL d'Adam-Troy Castro, qu'il vaut mieux lire après La Marche funèbre des marionnettes qu'avant. Le décor est toujours la planète Vlhan et son incompréhensible rituel mortifère annuel de masse, le Ballet. L'action prend place quelques années après les événements de La Marche funèbre des marionnettes qui relatait la première intervention dans la danse vhlani d'une humaine augmentée, Isadora. Le personnage principal est ici un shooter de neuropics (si tu es sur ce blog, tu dois voir de quoi il peut s'agir) , Paul Royko, venu couvrir pour son nombreux public galactique le dernier Ballet en date, et singulièrement la participation à celui-ci d'encore une humaine augmentée, Shakalan, venue elle aussi de l'autre bout de l'univers pour danser et mourir avec les Vlhans. Les Fils enchevêtrés des marionnettes est encore, comme toujours chez Adam Troy-Castro, un beau texte avec de
Après avoir fait ceci et cela, être allé ici et là (on dirait la bio de Dave Vanian), Lucas Moréno ne fait maintenant plus qu’écrire, de la Suisse où il vit et qui est contenue dans ses récits. Il vient de publier "Singulier pluriel", recueil regroupant sous une élégante couverture ses nouvelles publiées.
L’écriture de Moreno est élégante aussi. Il écrit dans un style sobre, épuré, que j’ai trouvé limpide et pour tout dire reposant.
"Singulier pluriel" est scindé en deux parties, comme les deux lobes d’un cerveau, la rationnel et l’irrationnel, le conscient et l’inconscient. La première partie est axée sur le fantastique, la seconde sur la SF (grosso modo). Dans ces neuf récits il est question d’identité, d’intégration, et d’aliénation, dit la 4ème de couv’. Voyons donc ça.
Singulier pluriel, dérangeante, inquiétante, raconte comment les nouveaux voisins d’un étudiant suisse lui ouvrent des horizons insoupçonnés à un point inimaginable. Comme le chantait Virgin Prunes « My eyes deceive me, me friends are freaks ».
Le Meilleur’ ville dou monde, va encore plus loin dans l’étrange. Lynchien en ce qu’il dévoile les dessous d’une petite ville « parfaite » (remember Blue Velvet ?), il montre la pourriture toujours cachée derrière le vernis, et rappelle, comme le savent tous les économistes, que « There’s no thing as a free lunch ».
Shacham est moins originale donc plus prévisible donc moins forte. Un jeune occidental amoureux du Bouthan y atteint un niveau d’intégration difficile à surpasser. Mais n’était-ce pas ce qu’il voulait vraiment ?
Dans ces trois premières nouvelles, le sentiment de malaise domine, l’auteur sait créer des ambiances qui grattent. On y voit comment l’intégration à un collectif plus vaste, et donc peut-être plus satisfaisant, ne se fait qu’au prix d’une amputation plus ou moins violente de l’identité. Parfois voulue, parfois subie mais inconsciemment souhaitée, l’entrée dans le groupe est une épreuve car le Moi fait obstacle au Nous, c’est pourquoi il est peut-être nécessaire de se passer du corps qui en est le support matériel.
Plus légère (si on accepte le principe que les morts se lèvent et viennent parler aux vivants), Dellamorte Dellamore est un hommage non déguisé au film de Michele Soavi. Aussi décalée que le film, on y voit comment la culpabilité peut rendre fou. Mais quelle culpabilité ? N’y a–t-il pas déformation psychotique d’un contenu latent ? A l’aide Dr Freud ! Une nouvelle à double chute, les connaisseurs apprécieront.
Comme au premier jour amène le lecteur sur les traces d’un homme en quête de son trouble. Dans son cas, un passé douloureux ne suffit pas à tout expliquer. Il en faut plusieurs.
L’Autre Moi, avec IAs et voyages dans le temps, est une histoire tournée et contournée pour développer une idée qui m’a vite rappelé le film « L’aile du papillon ». Sa complexité inutile et la référence cinéma m’ont empêché d’y entrer vraiment.
Demain les eidolies est une magnifique histoire, plutôt Fantastique à mon sens même si elle se trouve en seconde partie, sur l’art comme révélateur du réel, le pouvoir de création des artistes, ou simplement de l’esprit humain. Encore une double chute, un équilibrisme méritoire.
Trouver les mots, situé dans une colonie extra-terrestre, lie langage et pensée dans un texte qui pose l’Homme comme animal parlant.
PV, la seule à n'être pas écrite à la première personne du singulier, montre comment même, et surtout, au jardin d’Eden, on peut s’ennuyer à mourir. On y sent trop vite imho ce qu’il en est.
L'ouvrage refermé, on prend conscience de son unité. Dans tous les textes, l’auteur met ses personnages face à ce qu’ils veulent vraiment, même s’ils ne se l’avouent pas et même si le prix à payer en est très (trop ?) élevé. Imprégné de notions psychanalytiques, mémoire, inconscient, traumatismes, "Singulier pluriel" oblige le lecteur à regarder la face cachée de l’individu, celle qu’il se cache à lui-même, et c’est une expérience souvent éprouvante. C’est un concept recueil, comme il y a des concept albums.
J’ai trouvé la partie fantastique plus convaincante que la partie SF, même si rien n’est rédhibitoire. Au final, "Singulier pluriel" est un recueil très agréable à lire, spécialement pour qui aime l’étrange.
Singulier pluriel, Lucas Moreno
Très exceptionnellement je suggère ci-dessous une bande-son pour commencer le recueil.
Ah, le nom de l'auteur me disait quelque chose : je raccroche le wagon avec la nouvelle "demain les eidolies", autrefois publiée sur Bifrost (le n° spécial consacré à Roger Zelazny).
Je n'avais pas du tout accroché : prévisible et déjà lu (le réel issu d'une création de l'esprit - quelques titres me viennent en mémoire) malgré un style certain.
Commentaires
Ah, le nom de l'auteur me disait quelque chose : je raccroche le wagon avec la nouvelle "demain les eidolies", autrefois publiée sur Bifrost (le n° spécial consacré à Roger Zelazny).
Je n'avais pas du tout accroché : prévisible et déjà lu (le réel issu d'une création de l'esprit - quelques titres me viennent en mémoire) malgré un style certain.
Bon, je passe.
@Chris : Quels sont les titres dont tu te souviens qui ont pour thèmes : le réel issu d'une création de l'esprit ?
@ Julien : Tu auras d'autres occasions