La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Gegen die rote Bestie


Quelqu’un ne connaît pas la très bonne série uchronique Block 109 qui en est à sa quatrième suite indépendante développant le monde du volume initial ? Wer ? Ich erwarte. Savez-vous que ne pas connaître Block 109 est considéré comme un crime de haute trahison passible de la peine de mort (là nous dépassons mes capacités préscolaires à parler allemand).
Après le quelconque « Etoile Rouge », le bon et référencé Opération Soleil de Plomb, le très décevant New York 1947, retour à une installation de bien meilleure qualité avec "Ritter Germania", le rythme est d'un sur deux apparement.
Rappelons rapidement le contexte. Le IIIème Reich a survécu à l’assassinat d’Hitler en 1941. Ses successeurs font moins d’erreurs stratégiques, ils parviennent donc à neutraliser leur front de l’ouest, et ne reste pour eux que l’interminable front de l’est au moment où débute la série, c’est à dire en 1953.
"Ritter Germania" se passe en 1950. Deux hauts dignitaires SS sont assassinés, leur corps mis en scène dans une posture qui suggère la trahison. Le point de départ pourrait rappeler le fameux Fatherland de Robert Harris, qui est sûrement l’une des meilleures uchronie écrite sur le IIIème Reich. Mais nous sommes ici dans Block 109 et, sur les lieux, on trouve une signature, celle du Ritter Germania.
Héros fictif créé par les services de la propagande de Goebbels, grand utilisateur du cinéma dans notre réalité comme dans celle de la série (on se rappellera entre autres inepties du très hilarant Kolberg, tellement outré avec ses incrustations récurrentes en bord d’image qu’il en devient comique), le Ritter Germania est une sorte de super-héros, chevalier teutonique moderne censé incarner les valeurs de courage, de force, et de chevalerie. En fait, l’acteur incarnant le Ritter, ancien héros du front de l'est, a vite été dépassé par son succès, et s’est transformé en une sorte de loque alcoolique et droguée bien peu compatible avec le national-socialisme. L’affaire semble donc pliée. Il faut retrouver le Ritter et le neutraliser. Sauf que…
"Ritter Germania" est une belle occasion de plonger (un peu) dans les arcanes d’une politique nazie qui n’est pourtant pas si éloignée de la vraie dans sa brutalité (on rappellera la Nuit des longs couteaux entre autres, ou le bien connu complot raté de 1944 contre Hitler, illustré dans le film Walkyrie, dont le but second était de neutraliser la SS et dont l’un des conjurateurs était Henning von Tresckow, personnage central de l’album). Complots au sein de la SS dirigée par Heydrich, méfiance, dossiers, filature, ces hommes s’aiment et ça se sent. Le vrai but de l’enquête est donc moins de trouver le meurtrier, connu, que de savoir pour qui il travaille et dans quel but. L’histoire, agréable et rythmée, progresse à un rythme soutenue. Elle n’est pas très complexe mais avance logiquement vers sa résolution en donnant à voir quelques arcanes peu ragoûtants du pouvoir nazi. Comme l’a montré Hannah Arendt, mais aussi et surtout Sigmund Neumann dans Permanent Révolution, le totalitarisme ne peut se maintenir dans sa dynamique qu’en installant la Terreur, en dévorant ses propres organes dans une paranoïa institutionnelle qui est au fondement même du système. "Ritter Germania" l’illustre à sa distrayante manière.
Graphiquement Toulhoat livre un bien beau travail. Il maitrise parfaitement le mouvement et la dynamique, il découpe comme un storyboard, son trait à main levée extrêmement fin rend les images aériennes. Couleurs et éclairages sont aussi très réussis, et la ville de Berlin émerge à grand peine d’une pluvieuse nuit. Et puis, Toulhoat s’est enfin rappelé qu’il n’est pas idiot de rendre les visages suffisamment reconnaissables par les lecteurs et ça améliore grandement le plaisir et la fluidité de lecture par rapport à New York 1947.
On n’atteint pas (mais on n’atteindra plus) au plaisir du volume initial, mais "Ritter Germania" est une production agréable à lire qui m’a réconcilié avec la série. On notera les belles affiches en bonus et on lira, pour se faire une idée de l’ambiance, le strip web ci-dessous.
Ritter Germania, Brugeas, Toulhoat


Commentaires

Efelle a dit…
Je me le note... Je te remercie pour ta vigie au niveau des sorties et surtout d'en faire part régulièrement.
Gromovar a dit…
You're welcome :)
Efelle a dit…
Vraiment très bon, merci Bro.
Gromovar a dit…
My pleasure :)