La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

La fifille dans le pucier



"Chronique des terres mortes" est un recueil de nouvelles de Claire et Robert Belmas publié en 2001, après l'obtention du prix Alain Dorémieux en 2000. Il compte neuf nouvelles, indépendantes mais reliées par une progression chronologique et des personnages communs et récurrents, comme dans un cadavre exquis de personnalités.
"Chronique des terres mortes" regorge d’idées, de celles qu’on trouve dans les bons romans de SF, voire dans le cyberpunk. Les auteurs décrivent un monde futur très proche du notre, mais assez différent pour interroger.
Les biotechnologies se sont développés au point qu’on sait régénérer les corps et leur donner une longévité touchant les deux siècles. De ce fait, le monde est devenu gérontocratique et les jeunes sont surtout envisagés comme un cheptel sexuel disponible. Le clonage existe aussi, ainsi que les améliorations biologiques ou bioniques. Il y a même des corps artificiels, améliorés, dans lesquels les puissants téléchargent leur personnalité (Richard Morgan avant l’heure); comme l’aurait écrit Sterling « Humankind is a dead media ».
Urbanistiquement parlant, la société s’est regroupée dans des mégapoles, délaissant les espaces ruraux qui se sont progressivement vidés de leurs habitants, à quelques exceptions près. Un corps de « Régulateurs » assure un minimum de surveillance et de sécurité dans ces zones que la Nature a rapidement reconquises. Le modèle est fondamentalement celui de la clairière médiévale, espace dégagé dédié à l’occupation humaine au milieu de la grande, mystérieuse et inquiétante forêt.
Politiquement, les États nations se sont progressivement isolés les uns des autres, et ont durci leur politique de contrôle social. Puis, on comprend qu’au fil des années ils s’effacent progressivement au profit de mégacorps richissimes et surpuissantes, suffisamment pour devenir souveraines, sur la Lune par exemple.
Dans ce monde, peu accueillant sans être dystopique, les auteurs placent des aventures, rapides, rythmées, qui se lisent avec plaisir comme de bonnes petites histoires d’aventure. Il y a de l’action, du mystère, de la trahison, de l’énergie ; le livre emporte le lecteur dans un tourbillon qui peut rappeler les romans de cape et d’épée.
Alors suis-je content ? Poser la question, c’est y répondre. Malgré ses qualités indéniables, et le plaisir régressif que j’ai pris à le lire, Chroniques est presque archétypique de ce que je n’aime pas dans une certaine SF française.
Les auteurs ont un monde intéressant mais ils n’en font pas grand chose. Le world building est faible, uniquement en background, par manque de descriptions précises et détaillées, d’éléments d’ambiance, de fils narratifs annexes éclairants. N’est décrit que ce qui est indispensable au récit. Ce n’est pas du world building, au mieux du scene buildingLes personnages, eux, sont trop peu développés pour être vraiment intéressants ou attachants. Ici, c’est sans doute le manque de pages par rapport au nombre d’histoires racontées qui empêche de développer vraiment. Certes il y a le méchant Klapmann, qui tel un Fu-manchu du futur ne meurt jamais et revient toujours se venger, faisant montre d’une capacité à fuir sans laisser de trace digne d’un super-vilain Marvel. Pour le reste, on ne sait d’eux que ce qui est nécessaire à l’histoire. Ils n’existent que dans l’action puis tirent leur révérence avant de revenir dans une autre scène, comme dans une pièce de théâtre. D’ailleurs beaucoup de choses se passent backstage. Tout ça bande mou quelque part.
Le style est trop franco-franchouille. Malgré une fluidité stylistique certaine, il y a de nombreuses images ou néologismes plutôt malheureux, en tout cas guère époustouflants. De plus, et toujours j’imagine en hommage aux Tontons flingueurs, on trouve dans le recueil des termes tels que « pucier » (trouvez moi un seul flic au monde né après 1940 qui dise pucier), « fifille », ou autres, qui dans une histoire de SF font tache. De même, et j’imagine qu’ici c’est à la gauloiserie française qu’on se réfère, il y a une récurrence de scènes de nudité, de déshabillage, de désir, de sexe suggéré, qui, je le suppose, signifient qu’il y a eu une vraie libération sexuelle, mais qui, par leur côté « Sexe au premier regard » rappellent un peu la grande vogue des pornos des années 70 avec leurs MILF se tapant le plombier qui sonne à la porte.
Le recueil mélange la SF avec une forme de fantastique vaguement mystique difficilement justifiable. En gros, les ruraux ont déserté les campagnes, et les forces primitives reprennent le pouvoir. Le mélange des genres (et oui, pas très transgenre le Gromovar) me gène, et il est, quelle que puisse être ma sensibilité, injustifiable sur des échelles de temps aussi courtes.
Enfin, sur le plan scientifique, et même si les auteurs l’assument en postface, aucune effort véritable de plausibilité n’est fait. Crise économique, les gens vont en ville. Point. Une IA est capable de communiquer plus ou moins par télépathie. Point. Des créatures génétiquement modifiées communient avec leurs sœurs mortes. Point. Une bouillie nutritive prébiotique a des vertus régénératrices. Point. Et je ne parle pas des patches sous-cutanés O_o, etc…
Et pour finir vraiment, le recueil ne serait pas complet sans complot néo-fasciste, car l’auteur de SF français, tel le suricate debout devant son terrier, passe sa vie entière à guetter le complot néo-fasciste.
Voilà, par ailleurs ça m’a vraiment distrait, mais ça m’a insupporté à un point rare.
Chronique des terres mortes, Claire et Robert Belmas

Commentaires

chris a dit…
Cette description me fait vraiment penser au "cyberpunk" et à l'anticipation à la française de la période fin 80- 90... (ex: péché mortel,etc...).
RCW a dit…
Juste pour dire que tous les auteurs français ne sont pas là à guetter un complot néo-fasciste, et que c'est toujours agaçant de voir une catégorie à laquelle on appartient de fait être réduite à une minorité de ses composants. Mais bon, c'est pas grave, on a l'habitude.
Chris, je ne comprends pas très bien ce que tu veux dire quand tu évoques « l'anticipation à la française des années fin 80-90 ». Des noms seraient utiles, parce que ceux qui me viennent à l'esprit ne correspondent pas à cette description : mine de rien, la période en question, c'est celle du retour du space opera. Perso, vu la description du bouquin, j'aurais plutôt pensé à la NSFFP des années 70.
Gromovar a dit…
Entendu. Tous les auteurs français ne guettent pas le complot néo-fasciste. Tu admettras quand même que c'est une thématique assez récurrente (les tenants de la NSFFP en étant un exemple, parmi d'autres, si tu veux un exemple plus récent le recueil Appel d'Air me parait relever de cette vigilance quasi obsessionnelle).
Sur la forme, et je le pense sincèrement, j'ai toujours vu les commentaires comme un lieu où les lecteurs du blog peuvent venir m'apostropher sur mon goût complaisant pour les bons mots (admets que l'image du suricate est marrante). Donc vous êtes bienvenus quand vous venez m'enguirlander et me dire que je généralise un peu trop et je fais bien volontiers mon mea culpa (partiel).