Masha la sans utérus - Raphael Eymery

Je suis surchargé de travail, lecteur. Résultat : des lectures et des chroniques en retard et peu de temps pour rattraper. Alors chroniques courtes, faisons ce qu'on peut dans le temps qu'on a ; as Chaucer said, time and tide wait for no man. Après le décadantiste Pornarina , Raphaël Eymery revient avec Masha la sans-utérus , un roman très noir, réservé par l'éditeur aux adultes. Europe contemporaine. Masha la sans-utérus raconte l'histoire de deux vieux amis. Vieux car se connaissant depuis très longtemps, vieux car tout simplement âgés. Le premier, dont on peut penser un temps qu'il est le personnage principal, se nomme Augustin. Comme ce saint et penseur chrétien qui, après une jeunesse de débauche, devint un ascète de la pire espèce. Comme cet homme qui avait pris le sexe en telle horreur qu’il écrivit «  je suis né dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché » ainsi que l'inénarrable « c'est entre fèces et urine que nous naissons » . ...

Les blogueurs parlent aux blogueurs : Patrice



Patrice a beaucoup d'activités. Il anime le blog Russkaya Fantastika, traduit, avec Viktoryia, des auteurs russes à n'en plus finir (je précise pour ceux qui n'aura pas compris que Russkaya Fantastika, c'est du russe), édite la revue Géante Rouge, écrit des articles sur Quirinus, a sûrement lu Mircéa Eliade, et j'en passe. Il vit à Lisieux, près de Sainte-Thérèse, ce qui lui permet d'acheter sans difficulté des images pieuses pour sa petite fille ;-)



1) Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux…jusqu’au néant)

Patrice. Bientôt 36 ans. Marié, une petite fille. Est né à Lisieux, a étudié à Caen, habite Lisieux, et ne peux pas encadrer saint Thérèse. Gros lecteur. A longtemps fréquenté les milieux de l’archéologie, pour avoir fait des fouilles chaque été pendant dix ans, à raison de plusieurs mois par an et de façon plus ou moins professionnelle. Docteur en Histoire des religions comparées. Travaille au CNRS. Fin du CV.

2) Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?

Régulièrement je postais des avis de lecture sur le forum d’ActuSF, mais j’avais envie de pouvoir plus m’étaler, que ce soit en musique ou en littérature, ou n’importe quoi. Sans pour autant conserver le ton sérieux de Russkaya Fantastika, le blog que je tiens avec Viktoriya, ma femme : mon blog est plus libre dans son expression. Finalement, très vite la littérature l’a emporté, mais je me réserve le droit de continuer à placer des coups de coeur musicaux sur ce blog.

3) Combien de temps y consacres-tu ?

Je ne sais pas, je ne compte pas.

4) Blogues-tu tout ce que tu lis ?

Presque, oui. En dehors des livres scientifiques dont je place les comptes rendus ailleurs le plus souvent.

5) Comment choisis-tu ce dont tu parles sur ton blog ?

Au hasard, selon l’envie et le courage.

6) As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?

Non.

7) Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?

Probablement depuis mes dix ans, je pense.

8) A quel rythme lis-tu ?

Deux à trois livres par semaines, mais ce n’est pas toujours de la littérature.

9) Que trouves-tu dans cette littérature de genre ?

C’est difficile à dire. A la fois de l’évasion – je n’ai pas envie de lire ce que je vois au quotidien, la littérature à la Angot, c’est du journal pour emballer les poissons – et en même temps, paradoxalement, une réflexion sur notre monde à nous. On va dire que j’envisage l’Imaginaire comme une littérature propre à la parabole.

10) Partages-tu cette passion avec ton entourage ?

J’ai réussi à contaminer Viktoriya, ce qui est déjà pas mal. Autrement, non, les discussions sont plutôt rares.

11) Quel a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?

Je ne sais plus exactement. Sans doute un roman de Philippe Ebly. Mais le premier roman clairement identifié SF que j’ai lu est Les Rois des étoiles, d’Edmond Hamilton.

12) Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?

La lecture des Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith. Tout le cycle, mais spécialement La Ballade de C’mell et les deux romans. Une magnifique lecture. Ensuite, Desolation Road, d’Ian McDonald, qui fut une révélation. Les liens entre les deux sont d’ailleurs à mon avis pertinents, avec une bonne part de poésie et d’irréalisme. Ou plus de réalisme fantastique.

13) Quel est le livre qui t’a le plus marqué récemment ? (Répondre sans réfléchir)

Le Fleuve des Dieux, du même McDonald. C’est le plus récent en date.

14) Vers quel genre SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?

La SF, assurément. Puis le fantastique. La fantasy vient en dernier, car pour moi, elle est le genre le plus restreint, le plus limité et le moins créatif. C’est malheureux, mais du fait de mon à-côté d’historien, et spécialement d’historien des religions, notamment païennes, j’ai régulièrement l’impression que peu de récits de fantasy n’ont pas déjà été écrits. C’est un réflexe professionnel : je ne peux m’empêcher, en lisant de la fantasy, de reconnaître les thèmes et motifs des classifications internationales comme celle d’Anti Aarne et Stith Thompson...

15) Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?

Je ne saurais dire s’ils ont évolué. Je n’en ai pas l’impression. Je suis arrivé à une époque où la plupart des sous-genres de la SF étaient déjà créés, et donc dès le départ je les ai abordés. J’ai peut-être plus d’ouverture vers les choses transfictionnelles qui sont souvent les plus satisfaisantes actuellement, du moins les plus créatrices. En revanche je suis franchement étanche envers des courants que j’espère être des effets de mode comme le steampunk ou la « bit lit ». Le steampunk ne m’apporte rien. C’est de la SF qui tourne en rond.

16) Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?

Cordwainer Smith, mais parce que tout son oeuvre tient dans Les Seigneurs de l’instrumentalité.
Les frères Strougatski, qui ont su créer en 30 ans une oeuvre d’une grande cohérence, à la fois vivante et philosophique.
Michel Demuth, un immense nouvelliste. La nouvelle est une forme que j’apprécie beaucoup. D’une manière générale, je fuis les trucs à rallonge et les pavés dopés aux hormones de croissance.

17) Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas avoir lus ?

Non. Pas vraiment. Je me dis qu’un mauvais livre, j’ai quand même eu envie de le lire, au départ. Il doit donc y avoir une raison à ça, et du coup je ne peux m’empêcher de réfléchir aux causes de l’échec. C’est un enseignement comme un autre.

18) Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrait pouvoir tout lire) ?

Cela m’est impossible : il y a trop de choses à lire. Les seuls pour lesquels j’y suis arrivé, ce sont les Strougatski, mais parce qu’il y a une part de travail là-dedans. Et encore une fois Cordwainer Smith, pour la raison citée ci-dessus.

19) Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?

J’aimerais le faire plus souvent, mais je n’ai ni le temps ni l’argent. Sinon, oui, c’est toujours un plaisir de rencontrer des auteurs dont on a aimé le travail.

20) Que penses-tu de la bit-lit ? Et de Harry Potter ? (je crois que ces deux questions étaient indispensables ;-)

Cf ci-dessus. On ne peut pas dire que j’y sois allergique. C’est juste que cela m’indiffère totalement.

21) Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?

Internet pour l’ancien. Pour le neuf, ma petite librairie, « Joie de Connaître » (si si, c’est son nom), à Lisieux. Le feuilletage reste important.

22) BD, comics, ou non ?

Très peu de comics, un courant pour moi trop formaté. Des BD oui, même si moins qu’il y a quelques années. Mon dernier coup de coeur est la série Orbital.

23) Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement dans ce « genre » ?

Je ne sais pas ce que c’est, tout simplement. Mais les choses qui se rapportent strictement à l’ « ici et maintenant » ne m’intéressent pas. Il faut au minimum que ce soit ici et « un autre temps » ou ailleurs et maintenant. Et évidemment l’ailleurs et demain me convient très bien.

24) Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Qui est ton philosophe de prédilection ?

En musique, je vais juste donner quelques références : la musique européenne du XVe-XVe siècle, Berlioz, Puccini, Pink Floyd, le Vangelis des années 70, Tangerine Dream période 1969-1978, The Cure, Depeche Mode, Recoil, le groupe ukrainien Dakha Brakha (une révélation pour moi), Neil Young, David Bowie.
Je vais peu au cinéma, et regarde plutôt des DVD. Question de coût et de disponibilité. On ne peut pas me qualifier de cinéphile et j’ai un mal de chien à retenir les noms tant des acteurs que des réalisateurs. Mes références : Stalker de Tarkovski, les deux Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, Blade Runner de Ridley Scott, voilà les films que je peux regarder jusqu’à plus soif.
La lecture est mon loisir préféré.
Aucun philosophe n’a ma préférence. J’en ai lu. Des anciens (surtout), des modernes (peu), aucun n’a de réelle connaissance du monde. Leur niveau scientifique est trop bas pour cela (cf. Sokal et Bricmont, Impostures intellectuelles).

25) As-tu un Reader ?

Oui, un Sony PRS 600. Un engin pratique pour le travail grâce à son stylet.

26) As-tu déjà lu en numérique, même sur moniteur ?

Oui, mais que pour le travail. Des ouvrages scientifiques ou bien les nouvelles que je reçois pour Géante Rouge. Car je ne ressens aucun plaisir à la lecture sur liseuse. Il me manque le contact.

27) Quel est ton rapport à la lecture numérique ? Penses-tu lire plus sous cette forme dans un proche avenir ?

On verra, selon l’évolution des liseuses. Et surtout à condition que tous les fabricants ne se mettent pas à en faire qui fassent aussi téléphone, télévision, console de jeu, etc. Je veux juste un truc pour lire et pour prendre des notes.

28) Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ?

Internet ? Je ne pourrais plus m’en passer. L’essentiel de mon activité se fait grâce à cet outil. Je suis connecté depuis 1997 ou 1998.

29) As-tu un lien avec le monde de l’édition ? Ou du livre plus généralement ?

Plus d’un en fait. Mon métier est assistant d’édition, au CNRS, pour une revue d’histoire. Je suis chargé d’en faire le travail éditorial (lecture et correction des textes), la maquette et une part de l’iconographie (cartographie essentiellement). Depuis peu, je suis en charge du fanzine Géante Rouge, même si à la fin des années 90, j’avais déjà créé deux fanzines à Caen (Palinods, généraliste, et L’Oeil dans le ciel, plus spécifiquement SF).
Enfin, il y a, avec Viktoriya, notre activité de traduction.

30) Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?

Juste une question : est-il encore possible de s’ennuyer de nos jours ? Moi, je n’y arrive pas.





Merci de votre attention. Et n'oubliez pas ! Duck ! And cover !

Commentaires

Efelle a dit…
Coucou,

Pas mal de pistes à explorer (ou en attente de l'être) à la lecture de cette interview.

Je ne sais pas comment mais je m'était auto persuadé que tu vivais en Russie.
Guillaume44 a dit…
Sympa interview, le métier de Patrice me fait quand même rêver ^^
FG de La Mettrie a dit…
Merci Patrice.
Comme Guillaume, ton métier me fait aussi rêver.
Patrice a dit…
Ah là là... éditer une revue d'Histoire, dans l'absolu, c'est bien. Mais dans la réalité, on reste très terre à terre, et c'est aussi lassant que n'importe quel métier.
Lhisbei a dit…
bon je suis désolée Patrice mais ton métier ne me fait pas rêver ;) par contre tes projets éditoriaux et ta démarche en matière de promotion de la littérature de SF russe ça oui ça me fait rêver !
Tigger Lilly a dit…
Pour répondre à ta question : ça devient très difficile de s'ennuyer de nos jours.

Très chouette interview :)
Val a dit…
Quelle conclusion !
Effectivement, impossible de s'ennuyer de nos jours mais je regrette quand même le temps où assise contre un arbre je m'ennuyais ferme et laissait mes idées vagabonder :)
Blop a dit…
"la musique européenne du XVe-XVe siècle". XVe siècle, donc ! ;-)
Un doctorat en religion comparée, je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait triper. C'était quoi, le sujet ?