Deryn Du - Guillaume Sorel

D’abord, c’est un cadavre de baleine qui empuantit la plage, non loin d’un petit port de pêcheurs du Pays de Galles. Parmi les témoins ébahis, à côté des humains, il y a des mouettes mais aussi des corbeaux. Un poète en villégiature traîne aussi parmi les badauds. Tout ceci, Poe l’aurait apprécié. Puis il y a un meurtre, étrange. Une petite fille et une poupée cassée, qui ne semblent pas être étrangères aux mystères en cours. Puis d’autres meurtres, de plus en plus étranges. Et toujours le poète. Qui comprend, ou sent, ou vibre à l’unisson. Le village de pêcheurs, la nuit, l’ombre, la peur qui rôde. On pense au Geôlier de Florian Quittard. La lande, les fées, un autre monde derrière le monde, on pense à Arthur Machen - le poète le lit. On pense aussi au décadentiste Maurice Rollinat , dont la petite fille (fantôme ?) cite des passages. Le poète sert de passeur entre les mondes, entre la nuit et le jour. Il peut comprendre, il est un passeur de fées, la petite fille l’affirme, in...

Car nous sommes nombreux...


Les Humanoïdes Associés sortent l'intégrale de la série de Fabien Nury "Je suis Légion", sous le titre "I am legion", au format comic et pour le prix très modeste de 13€95. Grande idée.
Loin des tartes à la crème récurrentes des méchants nazis cherchant une méchante arme magique pour gagner la guerre (qu'a popularisées en son temps Indiana Jones), Nury crée une histoire de guerre riche, violente, et tortueuse. Dans "I am legion", le marais des services secrets est agité de violents courants. En 1942 l'issue de la guerre est encore incertaine, et de grandes manœuvres opposent services anglais et allemands, mais aussi, au sein même du IIIème Reich, renseignements militaires (l'Abwehr, dirigée par l'Amiral Canaris, personnage courageux exécuté pour avoir tenté d'assassiner Hitler) et le SD SS (représenté dans la BD par un personnage rappelant furieusement Reinhard Heydrich). Nury promène le lecteur dans ce marigot sous le couvert d'une enquête des services secrets britanniques qui cherchent à comprendre pourquoi et comment l'un des hommes les plus riches de l'empire s'est suicidé. Pendant que l'enquête se déroule, les acteurs cachés, en Angleterre, en Roumanie, et au Portugal, avancent leurs propres agendas et la prise du vulgus pecum sur les évènements est mince. Les agents seront confrontés à des évènements de nature fantastique, mettront à jour un complot international, et en apprendront beaucoup sur le dessous des cartes. Il seront spectateurs plus qu'acteurs d'une lutte séculaire dans laquelle ils ne pourront faire mieux qu'être les grains de sable qui enraient un peu la machine.
Ce n'est pas de l'uchronie, comme dans le très bon Block 109, mais de l'Histoire Secrète à son meilleur, Nury mélangeant habilement faits historiques et oeuvre d'imagination. D'où l'intérêt d'avoir les deux albums pour multiplier les plaisirs.
Le graphisme de John Cassaday illustre à merveille le scénario, avec une approche cinématographique dynamique et vive qui rappelle Inglorious Bastards (mais la BD a précédé le film). Tortures, combats, explosions, mais aussi rues pluvieuses de Londres ou boueuses de Roumanie, le dessin, toujours entre calme des actions secrètes et fureur des combats, sert le texte, comme il est servi par la colorisation parfaite de Laura Martin (qui ne se fourvoie donc pas toujours avec Warren Ellis).
A noter qu'existe maitenant une préquelle, "Les chroniques de Légion", du même Nury, mais dont les dessins, partagés entre quatre dessinateurs, ne m'ont vraiment pas convaincus.
I am legion, Nury, Cassaday, Martin

Commentaires