La Cité des Lames - Robert Jackson Bennett

Sortie du tome 2 de la trilogie des Cités de Robert Jackson Bennett. Après le très plaisant Cité des Marches , voici qu’arrive La Cité des Lames . Tu sais, lecteur, que je n’aime guère chroniquer des tomes n car la description du monde a déjà été faite par mes soins dans la chronique du premier volume. Je vais donc faire ici une sorte d’inventaire de ce qui est proche et de ce qui diffère, en pointant le fait que, de même que le  premier volume pouvait se lire seul, celui-ci le peut aussi, les événements du premier formant un background qui est correctement expliqué dans le deuxième, y compris pour d’éventuels lecteurs qui auraient commencé par celui-ci. J’espère que c’est assez clair;) Voilà, lecteur, tu sais tout, suis le guide ! La Cité des Lames se passe quelques années après les événements narrés dans son prédécesseur. Le pouvoir à Saypur a pris un virage à l'opposé de la politique colonialiste revancharde qui était la sienne depuis le Cillement qui a mis fin au Divin. Shara,

Etique


Il y a sept ans, une de mes amies est morte, de trop de sexe, de drogue, et de rock'n'roll. Si j'écrivais l'histoire des derniers mois de sa vie en quatre-vingt pages, ça n'intéresserait personne. Pourquoi ? D'une part, personne ne connait mon amie et son histoire n'est pas exceptionnelle. D'autre part, je n'aurais pas assez de quatre-vingt pages pour lui donner vie, afin que chacun ressente intensément le vide qu'elle a laissé.
Je trouve que Jérôme Soligny s'est heurté au même problème et ne l'a pas surmonté. Il raconte, plutôt bien, dans une sorte d'écriture cut faite de phrases courtes, souvent nominales, les derniers mois de la vie de son ami, l'un des premiers malades français du SIDA, à une époque où la maladie n'a même pas vraiment de nom. Il parle pour son ami, et nous fait pénétrer son angoisse et son incompréhension. Mais, dans "Je suis mort il y a vingt-cinq ans", on voit mourir quelqu'un dont on ignorait qu'il fut vivant, et l'auteur, par choix, ne s'est pas donné assez d'espace pour le faire vivre. On se sent, de fait, détaché de cette histoire qui est celle de l'auteur mais ne devient jamais celle du lecteur. En lisant je pensais au Malcolm X de Spike Lee. Dans ce film de presque quatre heures, la première est consacré à la jeunesse de celui qui allait devenir Malcolm X. A la première vision du film, on trouve cette partie un peu longue ; on est venu voir un leader politique et Spike Lee nous donne un petit voyou noir de Boston sans grande profondeur. Et pourtant, c'est l'avant qui donne valeur et sens à l'après. Le petit voyou éclaire le porte-voix charismatique de la Nation of Islam. Dans "Je suis mort il y a vingt-cinq ans" le narrateur est largement réduit à son état de malade. Il apparait ex nihilo, malade, puis finit par succomber à sa maladie, et les quelques flashbacks ne suffisent pas à lui donner chair. Le texte est sûrement émouvant pour ceux qui connaissaient le narrateur ou connaissent l'auteur, mais je ne crois pas que que l'intérêt puisse dépasser ce cercle. Ce petit roman est le cri de quelqu'un qui voulait raconter un moment bouleversant de sa vie et rendre hommage à un ami mort. C'est éminemment respectable, et c'est pourquoi je répugne à dire que je ne l'ai pas aimé. C'est pourtant le cas.
Je suis mort il y a vingt-cinq ans, Jérôme Soligny

Reçu et lu dans le cadre d'une opération Masse Critique de Babélio.

Commentaires

Guillaume44 a dit…
En effet, l'exercice est très difficile à mener. Merci pour cette chronique teintée d'épisode de vie personnelle.
Unknown a dit…
C'est quelque chose d'assez fréquent dans les récits à forte dose d'expulsion sentimentale et de confessions intimes : dans certains cas, l'auteur va faire des phrases sèches, coupantes (ce qui ne permet pas de bien expliciter les sentiments et le fond de la personne). Dans d'autres cas, on va avoir droit à des phrases quasi-proustiennes dont on a du mal à démêler le sens, alors qu'on sait pertinemment qu'il est là mais qu'il est hermétique.

C'est la raison pour laquelle tant de personne aimeraient écrire mais en sont incapables. Rien de plus dur que de mettre des mots à un un sentiment
Gromovar a dit…
Tu as tout à fait raison. Il y a un sous-texte implicite qui est inaccessible au lecteur lambda.
Efelle a dit…
Une belle chronique en tout cas.