L'Oiseau qui boit des larmes - Lee Young-Do

L’Oiseau qui boit des larmes (tome 1, Le Cœur des Nagas) est un roman de Lee Young-Do, premier tome d’une tétralogie de fantasy. Son auteur serait « Le Tolkien coréen » si l’on en croit le sticker apposé sur la couverture. Diable ! Qu’en est-il ? Le monde imaginé par Lee Young-Do est divisé en deux par une Ligne imaginaire. Au sud de celle-ci vivent les Nagas. Ils s’y sont installés non sans violence dans un lointain passé. Au nord on trouve les autres « humains », qu’ils soient Standards, Rekkons, ou Tokkebis. Les Nagas sont petits. Ils ont le corps couvert d’écailles. Ils entendent mal, ce qui fait qu’ils parlent beaucoup moins qu’ils ne nilhent (une forme de communication par la pensée) . Ils voient en revanche très bien, notamment les différences de température. Ils vivent dans une société matriarcale, sous la domination de matrones qui traitent les mâles comme un cheptel reproducteur – à l’exception des Protecteurs qui ont épousé la déesse et la servent dans un...

Multiversalités


Quelques mots pour parler du premier livre de la nouvelle collection Angle Mort, intitulé Multiversalités. A mi-chemin entre recueil littéraire (avec les nouvelles associées) et revue savante (avec des articles de fond et des introductions pour chaque nouvelle).

Dédiée à la science-fiction, ce genre qui, si on en croit julien Wacquez, se définit par sa limitrophie, Angle Mort a pour ambition de « penser autrement la science-fiction et le monde avec. D’explorer ce sentiment de plus en plus insistant d’exotisation qui pousse du dedans. De questionner la place qu’occupent les imaginaires dans la société contemporaine. »
Car la science-fiction a peut-être littéralement inventé la réalité dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Qu'elle est peut-être le réalisme de notre époque.
Ainsi, « à l’aide de textes courts, nouvelles de science-fiction, articles scientifiques, analyses critiques, les ouvrages de cette collection entendent mener conjointement recherche littéraire et recherche scientifique. Ils s’adressent autant à celles et ceux qui fréquentent déjà la science-fiction et souhaitent approfondir leur connaissance qu’à celles et ceux qui la découvrent. »

Multiversalités, donc, s’ouvre sur un édito de Julien Wacquez qui pose le projet, tant de la collection que de ce singulier premier volume. Singulier, voire. Car le thème de cet ouvrage inaugural est le multivers, un thème en forme d'hommage volontaire ou non rendu au caractère divers et multiple d'un genre qui peine toujours à se laisser définir et qui a peut-être autant d'aspects que d'observateurs.
Note : je ne définirai pas ici le multivers ; si tu es ici, lecteur, c'est que tu sais de quoi il retourne (sinon, Wikipedia est ton ami et Wacquez, qui propose une cartographie de la chose, aussi).

Suivent six nouvelles toutes inédites en français, chacune précédée d'une courte introduction.
  • Philip K. Dick propose une ironique (aigre-douce) multiversalité politique dans Joe Protagoras est vivant et il vit sur la Terre (le synopsis d'un roman jamais écrit, un roman potentiel donc, peut-être écrit et publié dans un autre univers).
  • Larry Niven multiplie les possibilités dans un texte qui ressemble bien à ce qu'évoque l'idée de mondes parallèles, Des Myriades de mondes.
  • 10^6 contre 1, de James Patrick Kelly traduit par Pierre-Paul Durastanti (2 personnes, 41 caractères!) est un brillant texte d'uchronie multiverselle qui fait froid dans le dos et touche comme une nouvelle de Stephen King. Prix Hugo. Must-read.
  • Le Reste n'est que spéculation, d'Eric Brown, éclaire un abîme du temps qui serait, pour une fois, dans l'avenir plutôt que dans le passé. Traduit aussi par PPD, il emmène le lecteur dans cet avenir que prophétisait Lovecraft dans lequel d'autres races auront remplacé l'humanité. Très plaisant.
  • Impanga, de Akaliza Keza Ntwari, transporte le multivers dans un cadre afrofuturiste.
  • Enfin, la chercheuse en droit pénal Lettie Prell propose Systèmes Judiciaires multiversels, un texte dans lequel elle liste, à travers les yeux de Cole, un accusé qui attend son verdict et voit ou fantasme d'autres systèmes judiciaires que celui qui le juge, une variété de système différents qui tous pourraient exister, et de fait existent peut-être quelque part dans le multivers. Je n'aime guère les textes de liste mais celui-ci est plutôt mieux foutu que d'hab.

Multiversalités se termine par deux articles : Le Multivers est-il le lieu où l'originalité va mourir, texte inquiet de la critique et poétesse Stéphanie Burt, et Futurs Moddables : la science-fiction comme laboratoire, du prof de science et humanités Colin Milburn, qui veut montrer comment SF et science s'autofécondent par le biais de mécanismes qui s'apparentent à ceux du moddage.

200 pages donc d'une lecture estimable, pour toi, lecteur, qui aime la SF.

Commentaires

Belalba a dit…
Ah, une nouvelle sur le droit ! Par une chercheuse en plus. C'est original (même si c'est du droit pénal)! Je vais lire ça!
Gromovar a dit…
Une liste d'expériences de pensée plus qu'une nouvelle mais c'est intéressant quand même.