Mr Gaunt and other uneasy encounters - John Langan

Mr Gaunt and other uneasy encounters est le premier recueil de nouvelles de John Langan, publié en 2008 et nominé Bram Stoker Award la même année. Elizabeth Hand l’écrit dans sa préface au recueil, John Langan écrit une sorte d’horreur psychologique qui doit beaucoup à M.R. James  ; ajoutons qu’elle doit aussi à Lovecraft, au moins par quelques références explicites. L’horreur de Langan rend hommage à une forme classique dans laquelle une tombe ou un objet très anciens sont au fondement de l’angoisse et du malheur qui suivra ( des exercices dira-t-on) . Il trouve aussi un ton plus moderne dans au moins deux des textes qui composent le recueil. Quelques mots sur son contenu : On Skua Island et Mr Gaunt sont des club stories. Vite très prévisible, On Skua Island raconte une expédition « archéologique » sur une île perdue. S’y trouvent une tombe et une « momie » viking porteuse d’une très ancienne malédiction. Morts prématurées, disparitions progressives des membres de l’équipe de pro

La Fille qui se noie - Caitlin R. Kiernan


Rhode Island, aujourd’hui. India Morgan Phelps vit seule, plus ou moins, dans une maison dont elle a vaguement hérité, entre petit boulot et isolement dans une culture classique que la modernité n’a pas pénétrée.


Fille d’une mère et d’une grand-mère toutes deux schizophrènes et suicidées, India (qui s’acronymise elle-même Imp, « lutin ») écrit l’histoire de sa hantise. Elle l’écrit pour toi, lecteur, mais aussi pour elle-même, pour sa psy, pour son amie, pour Dieu sait qui encore.

De quelle hantise s’agit-il ? D’une « vraie » hantise ? Factuelle, comme elle dirait. De la vraie hantise d’Imp donc, par la mystérieuse Eva Canning, rencontrée deux fois pour la première fois à quelques mois d’intervalle ? Ou des conséquences d’un mème arrivé jusqu’à Imp par le biais d’une fille en mal de suicide et d’un peintre aux œuvres inquiétantes qui évoquent des sirènes, sans en oublier un autre dont le malaise prend la forme floue de louves.


Schizophrène sous traitement comme ses deux plus proches ancêtres, Imp est l’archétype du narrateur non fiable. Si peu fiable qu’elle a même conscience de l’être et l’exprime explicitement.

Imp se trompe, oublie, se souvient, revient en arrière, saute des passages, ment par omission ou par nécessité. Bien fol celui qui se fiera aveuglement au compte-rendu d’Imp.

Et que nous dit-elle, si imparfaitement qu’elle s’admoneste elle-même parfois, se reprochant de ne pas dire assez la vérité ou de ne pas proposer de chronologie fiable ? Qu’elle était solitaire, qu’elle a failli ne plus l’être, qu’elle est maintenant hantée, qu’elle cherche un sens à ce phénomène, qu’elle aime passionnément une fille trans rencontrée par hasard et que la hantise d’Imp a fait fuir, qu’elle ment à sa psy mais pas toujours, qu’elle peut s’isoler et laisser sa vie partir à vau-l’eau par passion, qu’elle accumule et expose les références littéraire et artistiques comme un malade possédé par un syndrome de Diogène culturel. Jusqu’à une résolution finalement moins trouble que la progression narrative ne le laissait imaginer.


Caitlin R. Kiernan, qu’on connaît bien en France depuis Agents of Dreamland, un récit d’une surprenante maîtrise et d’une grande originalité, livre encore ici un texte, antérieur, dont la narration témoigne de belles qualités de construction. Porte ouverte dans la psyché d’une schizophrène peut-être hantée, La fille qui se noie – dont on ne sait si elle est Eva dans des eaux glacées ou Imp dans sa folie – est l’Ulysse de Kiernan, progressant au milieu des monstres du monde réel et de ceux qu'engendrent le sommeil de la raison, parcourant le fil étroit qui sépare celui d’Homère de celui de Joyce. Un roman contemporain complexe pour lecteurs de Poppy Z. Brite.

La fille qui se noie, Caitlin R. Kiernan, Bram Stoker Award et James Tiptree Jr Memorial Award


La maison ne reculant devant aucun sacrifice, trouve ci-dessous, lecteur, le tableau fictif du roman créé sur un site de fan :

La fille qui se noie

Commentaires

Thomas Day a dit…
Très belle critique...
Gromovar a dit…
Grazie mille.