La Fille qui sauva Hiroshima - Stéphane Desienne

9 août 1945. Comme chacun le sait, c'est la date du premier (et unique) bombardement atomique de l'histoire du monde. Sur Nagasaki . Quatre mois après la cataclysmique Bataille d'Okinawa  qui tua environ 100000 Japonais combattants et sans doute autant de civils. La bombe atomique au plutonium, surnommée Fat Man , fut lâchée sur la ville à partir du bombardier B-29 Bockscar piloté par le major Sweeney . Ce dernier avait choisi Nagasaki, une cible secondaire, à la place de Kokura, sa destination initiale. La bombe fit au moins 40000 victimes civiles. Huit jours plus tard le Japon capitulait. La Fille qui sauva Hiroshima est un petit roman de Stéphane Desienne. Le dernier en date. C'est une uchronie dans laquelle – tu l'auras noté, lecteur – le bombardement d'Hiroshima, historiquement le premier, fut un échec dont le monde n'eut jamais connaissance. Un échec sur lequel enquête, quinze ans plus tard et à la demande du Président des Etats-Unis, un historien a...

La Fille qui se noie - Caitlin R. Kiernan


Rhode Island, aujourd’hui. India Morgan Phelps vit seule, plus ou moins, dans une maison dont elle a vaguement hérité, entre petit boulot et isolement dans une culture classique que la modernité n’a pas pénétrée.


Fille d’une mère et d’une grand-mère toutes deux schizophrènes et suicidées, India (qui s’acronymise elle-même Imp, « lutin ») écrit l’histoire de sa hantise. Elle l’écrit pour toi, lecteur, mais aussi pour elle-même, pour sa psy, pour son amie, pour Dieu sait qui encore.

De quelle hantise s’agit-il ? D’une « vraie » hantise ? Factuelle, comme elle dirait. De la vraie hantise d’Imp donc, par la mystérieuse Eva Canning, rencontrée deux fois pour la première fois à quelques mois d’intervalle ? Ou des conséquences d’un mème arrivé jusqu’à Imp par le biais d’une fille en mal de suicide et d’un peintre aux œuvres inquiétantes qui évoquent des sirènes, sans en oublier un autre dont le malaise prend la forme floue de louves.


Schizophrène sous traitement comme ses deux plus proches ancêtres, Imp est l’archétype du narrateur non fiable. Si peu fiable qu’elle a même conscience de l’être et l’exprime explicitement.

Imp se trompe, oublie, se souvient, revient en arrière, saute des passages, ment par omission ou par nécessité. Bien fol celui qui se fiera aveuglement au compte-rendu d’Imp.

Et que nous dit-elle, si imparfaitement qu’elle s’admoneste elle-même parfois, se reprochant de ne pas dire assez la vérité ou de ne pas proposer de chronologie fiable ? Qu’elle était solitaire, qu’elle a failli ne plus l’être, qu’elle est maintenant hantée, qu’elle cherche un sens à ce phénomène, qu’elle aime passionnément une fille trans rencontrée par hasard et que la hantise d’Imp a fait fuir, qu’elle ment à sa psy mais pas toujours, qu’elle peut s’isoler et laisser sa vie partir à vau-l’eau par passion, qu’elle accumule et expose les références littéraire et artistiques comme un malade possédé par un syndrome de Diogène culturel. Jusqu’à une résolution finalement moins trouble que la progression narrative ne le laissait imaginer.


Caitlin R. Kiernan, qu’on connaît bien en France depuis Agents of Dreamland, un récit d’une surprenante maîtrise et d’une grande originalité, livre encore ici un texte, antérieur, dont la narration témoigne de belles qualités de construction. Porte ouverte dans la psyché d’une schizophrène peut-être hantée, La fille qui se noie – dont on ne sait si elle est Eva dans des eaux glacées ou Imp dans sa folie – est l’Ulysse de Kiernan, progressant au milieu des monstres du monde réel et de ceux qu'engendrent le sommeil de la raison, parcourant le fil étroit qui sépare celui d’Homère de celui de Joyce. Un roman contemporain complexe pour lecteurs de Poppy Z. Brite.

La fille qui se noie, Caitlin R. Kiernan, Bram Stoker Award et James Tiptree Jr Memorial Award


La maison ne reculant devant aucun sacrifice, trouve ci-dessous, lecteur, le tableau fictif du roman créé sur un site de fan :

La fille qui se noie

Commentaires

Thomas Day a dit…
Très belle critique...
Gromovar a dit…
Grazie mille.