Début des années 30, au large du Brésil.
Sanger Rainsford, un célèbre chasseur de fauves, échoue sur une île isolée après un naufrage dont il est le seul survivant. Il est accueilli par le mystérieux Comte Zaroff, un noble russe en exil, aussi raffiné que l'est le Dracula de Christopher Lee, et aussi meurtrier. Car Zaroff, loin du regard de la civilisation, est un grand chasseur de fauves qui, lassé des proies habituelles, organise des chasses humaines pour son propre divertissement. Vite, Rainsford devient la proie de Zaroff, et il doit utiliser toutes ses compétences pour survivre. Après une confrontation épique, il réussit à fuir l'île en bateau, laissant Zaroff être dévoré par ses molosses.
Cette histoire est celle des Chasses du comte Zaroff, un film d'Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel adapté de la nouvelle The Most Dangerous Game de Richard Connell.
90 ans plus tard, Sylvain Runberg aux stylos et François Miville-Deschênes aux pinceaux lui donnent une suite, dans un album somptueux sobrement intitulé Zaroff que m'a donné envie de lire la chronique radio de Lloyd Chéry.
1932. Zaroff, défiguré par ses molosses, qu'il est parvenu à vaincre, et réfugié avec ses serviteurs sur une autre île brésilienne, n'est plus que l'ombre de lui-même. Les morsures des chiens ont emporté tant la beauté de son visage que son goût de la chasse. Ses moujiks désespèrent de le voir un jour redevenir le tueur impitoyable qu'il fut, qui chassait le bétail humain et s'en faisait des trophées.
Leur espoir est exaucé quand la fille d'un gangster irlandais victime de Zaroff décide de le venger ; et qu'elle commence par menacer sa famille.
Récit d'une double traque sur une île tropicale luxuriante, Zaroff rend hommage dans sa mise en images tant au film original qu'au King Kong de Cooper et Schoedsack, deux films tournée en même temps et qui partagèrent les mêmes décors.
Sur les traces de deux groupes de chasseurs (celui de Zaroff et celui de ses ennemis) lancés dans une lutte à mort autour d'une petite bande d'otages (la petite famille, éberluée d'être là), les auteurs déploient une histoire d'aventure et de suspense parfaitement rythmée.
En infériorité numérique, obligé à prendre soin de « civils », Zaroff utilise toutes les ressources que l'île met à sa disposition dans sa lutte pour la survie. Plaçant les victimes innocentes en première ligne, faisant de l'équipe vengeresse une belle bande de salauds sans scrupules, Runberg réussit le tour de force de placer le lecteur dans la position de souhaiter ardemment la victoire de Zaroff. Ici le monstre s'oppose à d'autres monstres, et c'est précisément grâce aux compétences qui font de Zaroff un croquemitaine que seront peut-être sauvées les innocentes victimes d'une vengeance qui les dépasse et ne les concerne pas. On retrouve alors ici exactement le sentiment ressenti en voyant la scène de King Kong dans laquelle Fay Wray (la malheureuse héroïne) doit se réjouir de la victoire de Kong, son ravisseur, sur le tyrannosaure qui les attaquait et l'aurait dévorée – on retrouve d'ailleurs une scène sur un tronc d'arbre couché qui rappelle encore le film, visuellement cette fois.
Rapide, palpitant, rythmé, Zaroff est un grand thriller et une réussite de narration. Mais l'album ne serait rien sans les magnifiques dessins de Miville-Deschênes. Grandes cases, pages entières, le lecteur se trouve plongé dans une luxuriance tropicale qui rend un hommage appuyé aux décors des deux films mythiques de la RKO. La nature s'y exprime en majesté et les personnages n'y sont pas en reste, sans peur aucune de montrer la violence des combats ou le visage hideux de le mort – car on meurt beaucoup dans Zaroff. Les couleurs sont à l'avenant et le tout forme un de ces beaux albums d'aventure comme la BD sait parfois en offrir à ses amateurs. A lire si tu en es, lecteur ! Moi, je vais me procurer la suite.
Zaroff, Runberg, Miville-Deschênes
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