Seule sur Terre - Charles Yu

Seule sur Terre est un petit recueil de Charles Yu. Sympathique, plutôt malin, il est d'une lecture agréable et rapide. Un petit bonbon entre deux lectures plus conséquentes. Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 119, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : Jane est la dernière personne sur Terre et elle y tient le seul commerce restant : un magasin de souvenirs. Elle n'est pas née sur cette planète, mais ses ancêtres y habitaient avant que l'IA chargée de la géo-ingénierie ne tombe en panne ; avant que les océans ne soient trop chauds pour entretenir le réseau alimentaire mondial ; avant que les humains n'entreprennent la colonisation d'autres planètes... Elle rejoindra la fac de Jupiter en automne 3020 et les jours qu'il lui reste à vendre des babioles aux touristes des banlieues d'Europa so...

La cité du rire - Sequoia Nagamatsu in Bifrost 111


Dans le Bifrost 111, on trouve un édito dans lequel Olivier Girard constate, comme tous les lecteurs anglo, à quel point l'Imaginaire US est en ce moment médiocre - trop d'eau tiède peut-être. Suivent les rubriques habituelles : nouvelles, cahier critique, interview, biographie, analyses, bibliographie exhaustive, scientifiction et jurifiction. On notera que le très complet dossier Gene Wolfe contient une excellente analyse d'Ada Palmer herself sur Le Livre du nouveau soleil.


Dans le Bifrost 111, il y a aussi une très jolie nouvelle de Sequoia Nagamatsu intitulée La Cité du rire.

Futur proche. Une nouvelle épidémie virale parcourt le monde et, contrairement au Covid 19, elle n'affecte que les enfants, chez qui elle provoque une mutation progressive des organes avec pour seule issue une mort plus ou moins rapide et plus ou moins douloureuse. Débordé, impuissant à réagir face à l'effroi et aux images de l'effroi (trop de morts, trop vite, et une recherche qui n'avance pas assez vite), l'Etat a créé un centre d'euthanasie humanisé (est-ce seulement possible ?) dans une ancienne prison repimpée en parc d'attractions. Journée au parc avec les parents, plaisir, joie, amusement, adieux dont une seule partie sait que c'en est, puis un tour final sur un grand huit justement nommé Le Chariot d'Osiris dont l'enfant sera extrait à la fin du tour, apaisé, enfin.

La cité du rire est à la fois l'histoire de l'épidémie vue du ras du sol pile au coeur des deuils, et celle du clown Skip qui accompagne les enfants lors de leur dernière journée. C'est aussi celle de Fitch, un enfant malade, et de Dorrie, sa mère, qui passent plusieurs mois dans le parc car Fitch participe à un essai thérapeutique. De la relation qui nait entre ces trois, faite de douceur, d'un peu d'espoir, et de beaucoup d'ineluctabilité. De l'acceptation dans laquelle ils glissent doucement et sans à-coups comme dans une couette que l'empathie et la pudeur ont rendue confortable.

C'est aussi l'histoire d'un monde tellement tourneboulé par l'arrivée d'un impensable qu'il adopte des solutions qu'on pourrait qualifier de situationnistes. Sûrement pour bien faire, et peut-être faisant bien.

C'est la confrontation de ces réalités qui fait la grande qualité de ce texte. D'un côté l'incongruité agressive d'un monde dans lequel les enfants meurent en masse sans solution, engendrant des réactions désordonnés à la limite de l'hystérie logique et du ridicule de la part d'Etats qui ne veulent pas ne rien faire (jusqu'à l'absurde) même s'il n'y a pas grand chose qu'ils puissent faire, de l'autre, le calme et la douceur que développent Skip, Dorrie, et Fitch qui forment un contrepoint à l'horreur de l'épidémie, à la frénésie de la recherche de solutions, à la folie douce d'une prison/parc d'attraction/centre d'euthanasie. Comme un ilot de paix au milieu du Pandemonium.

Parfait aigre/doux pour ce texte qui est (en avant-première) l'une des nouvelles qui formeront le fix-up How High we go in the Dark qui sortira au Seuil avant la fin de l'année. Yummy !

Commentaires