Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

Rêves de drones - Rich Larson - Retour de Bifrost 107


Rich Larson a 32 ans. Il est canadien mais est né au Niger et a beaucoup bourlingué depuis. Grand rédacteur de nouvelles (sans oublier un roman inédit en français), Rich Larson est l'une des étoiles montantes de la SF mondiale. Pour preuve, son recueil La fabrique des lendemains a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire 2021. Rêves de drones et autres entropies est son second recueil. Il est publié par l'éditeur québécois Tryptique dans une traduction d'Émilie Laramée et sera disponible en France en mai. Il compte treize textes, dont cinq déjà présents dans La fabrique des lendemains.


Dans les mondes de Rich Larson, informatique omniprésente, réseaux sociaux intrusifs, modification cérébrale et élévation à la Brin sont la norme. On y croise des IA tristes ou devenues presque folles, des vaisseaux organiques en recherche de symbiotes, des consciences numérisées abritées dans des systèmes informatiques ou dans des corps de serfs volontaires poussés à l'effacement de leur individualité par la misère ou le désespoir, sans oublier des aliens meurtriers dans le plus pur style Men in Black. Mais les histoires de Larson ne sont pas que des rêves/cauchemars techniques. On y trouve aussi une grande part d'humanité, que Larson loge à l'interface entre les miracles de la technologie à venir et les contingences et interrogations éternelles de l'humanité – là donc où le wetware rencontre le hardware.


Prospectiviste autant que visionnaire, Larson pointe les dérives de notre temps, que la technologie accentue mais qu'elle ne crée pas. De ce point de vue, le premier texte, Les quinze minutes de la haine, s'il pouvait sembler déjà vu jusqu'à récemment, provoque une étrange sensation lorsqu'il est lu peu de temps après l'affaire Kurt Zouma, ce lynchage twitto-médiatique boursouflé qui suivit la publication de coups portés par un footballeur à son chat. Même représentation d'un réel amplifié avec Corrigé et ses thérapies de conversion neuro-administrées ou le traitement extrême de la pédophilie imaginé dans Salissure. On appréciera aussi les désespoirs jumeaux de Cu et Bébé dans De viande, de sel, et d'étincelles ou la folle Soirée en compagnie de Severin Grymes. Dans cet océan de dysfonctionnements sociétaux, l'amour raconté dans La petite marchande d'air fait l'effet d'une bouffée d'air pur, comme celles que vend l'héroïne chanceuse de l'histoire.


L'ensemble est assurément bon même s'il contient aussi un ou deux textes anecdotiques. Néanmoins ce recueil souffre de deux problèmes sans doute rédhibitoires. D'abord, il n'est pas traduit en français mais en québécois ce qui rend certaines pages confuses voire involontairement drôles. Ensuite, et ce n'est pas lié au québécois, la traduction est balourde et pataude. Elle enlève toute énergie à ces textes et donne l'impression qu'ils sont le fruit des efforts d'un auteur consciencieux mais débutant. Dommage. Très dommage.

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