L'arbre vient - Munir Hachemi

Munir Hachemi est un auteur espagnol qui arrive aujourd'hui en France avec son roman L'arbre vient publié chez Christian Bourgois. Salto en dit qu'il « déracine les conventions littéraires ». Phrase creuse idéal-typique ou saillie drolatique. Quant à Christian Bourgois, il parle d'une littérature nécessaire. Diable ! Aussi nécessaire que respirer, manger ou boire ? Qu'en est-il réellement ? Futur indéterminé, sur un monde qui l'est tout autant. Les Mulaï sont un peuple à l'effectif faible qui vit chichement sur un monde qui n'est pas le sien. Descendants de l'expédition Futur, qui a un jour quitté la Terre pour une autre planète, leurs ancêtres y ont été oubliés avant qu'eux-mêmes ne soient redécouverts à l'occasion d'une communication radio inattendue. Sur le monde des Mulaï, on vit dans un cercle d'une centaine de kilomètres, protégé des froids polaires extérieurs par, sans doute, un système imparfait de contrôle climatique – à l...

Latah - Legrain


Vietnam, 1965. Une patrouille de huit marines arpente la jungle vietnamienne, marquant les zones à napalmer pour l'aviation. On sent bien dès l'abord qu'il y a une grande nervosité et un trouble, entre ces soldats, qui dépassent ce que devrait faire naitre en eux les patrouilles vietcongs qui écument elles aussi l'océan vert. Et pourtant, de checkpoint en checkpoint, les hommes progressent sans rencontrer d'opposition véritable. Jusqu'à ce que la chance tourne, qu'un des leurs saute sur une mine, et que les balles vietcongs se mettent à fuser. Repli, fuite, les survivants quittent leur itinéraire et s'enfoncent dans la jungle pour échapper à la mort. Sans imaginer qu'ils se dirigent en fait vers un danger bien plus terrifiant.

Latah est un album fantastique de guerre qui évoque très fortement le film Predator. Mais là où le monstre de Predator ne faisait que du sport, le Latah de Legrain a une signification qu'on pourrait dire « métaphysique ». Là où le Predator ne cherchait que son plaisir, le Latah porte la souffrance d'une terre et d'un peuple jusqu'à ce qu'il lui soit plus possible d'absorber davantage. Or, sur la terre vietnamienne, dans les années d'après-guerre et encore en 1965, les souffrances n'ont pas manqué.


Avec Latah, Thomas Legrain offre aux lecteurs un album magnifique à lire. Foisonnants dessins réalistes d'une grande précision, colorisation éclatante (la photo ci-dessous ne rend pas justice), l'auteur donne vie à une jungle vietnamienne qu'il peuple d'hommes armés et de paysans désarmés, des hommes équipés pour une guerre sans front à laquelle ils ne comprennent pas grand chose (ces boys sont des bidasses, bien différents des commandos surentrainés de Predator) et des paysans qui assistent impuissants au déploiement de force qui vient jusqu'à leur porte.

Fumigènes rouges de marquage, explosions de napalm, pluie drue et labyrinthe végétal, tout est spectaculairement visuel dans Latah, dans un découpage à l'évidence cinématographique. Grandes cases horizontales superposées comme des successions d'écrans, débordement des cadres pour encore plus de dynamisme, l'album, qui alterne phases de dialogue et phases silencieuses, moments de risque mortel et moments d'expectative, est à lire comme on regarde un film d'action, bien calé dans son fauteuil en sentant sa tension monter au moins autant que celles des personnages. Ajoutons-y un twist (kind of) puis un twist de twist, comme un générique et un post-générique, et l'impression d'assister à un grand spectacle dans un multiplexe est complète.

Si l'histoire est relativement simple, la très grande efficacité de la narration et la généreuse mise en images font de cet album un vrai plaisir de lecture à offrir ou à s'offrir.


Latah, Legrain

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