Membre fantôme - Brian Evenson

Difficile à comprendre si on n'a pas lu son prédécesseur. Inutile sinon ? Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 119, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : Kline est hanté par le souvenir de sa confrontation avec la Confrérie des mutilés, une secte prônant l'automutilation comme méthode de purification. le cauchemar se répète lorsqu'une branche hérétique, surnommée les « Paul », lui demande d'élucider le massacre de ses fidèles. Cette enquête le conduira à la découverte d'un nouveau schisme : une secte féminine qui croit en la résurrection de la chair. Membre fantôme renoue avec la logique absurde et cruelle de La Confrérie des mutilés et la pousse encore plus loin, offrant un récit horrifique dans un monde fanatisé, émaillé de dialogues absurdes et de réflexions existentielles. Voila. Rien de plus. ...

Latah - Legrain


Vietnam, 1965. Une patrouille de huit marines arpente la jungle vietnamienne, marquant les zones à napalmer pour l'aviation. On sent bien dès l'abord qu'il y a une grande nervosité et un trouble, entre ces soldats, qui dépassent ce que devrait faire naitre en eux les patrouilles vietcongs qui écument elles aussi l'océan vert. Et pourtant, de checkpoint en checkpoint, les hommes progressent sans rencontrer d'opposition véritable. Jusqu'à ce que la chance tourne, qu'un des leurs saute sur une mine, et que les balles vietcongs se mettent à fuser. Repli, fuite, les survivants quittent leur itinéraire et s'enfoncent dans la jungle pour échapper à la mort. Sans imaginer qu'ils se dirigent en fait vers un danger bien plus terrifiant.

Latah est un album fantastique de guerre qui évoque très fortement le film Predator. Mais là où le monstre de Predator ne faisait que du sport, le Latah de Legrain a une signification qu'on pourrait dire « métaphysique ». Là où le Predator ne cherchait que son plaisir, le Latah porte la souffrance d'une terre et d'un peuple jusqu'à ce qu'il lui soit plus possible d'absorber davantage. Or, sur la terre vietnamienne, dans les années d'après-guerre et encore en 1965, les souffrances n'ont pas manqué.


Avec Latah, Thomas Legrain offre aux lecteurs un album magnifique à lire. Foisonnants dessins réalistes d'une grande précision, colorisation éclatante (la photo ci-dessous ne rend pas justice), l'auteur donne vie à une jungle vietnamienne qu'il peuple d'hommes armés et de paysans désarmés, des hommes équipés pour une guerre sans front à laquelle ils ne comprennent pas grand chose (ces boys sont des bidasses, bien différents des commandos surentrainés de Predator) et des paysans qui assistent impuissants au déploiement de force qui vient jusqu'à leur porte.

Fumigènes rouges de marquage, explosions de napalm, pluie drue et labyrinthe végétal, tout est spectaculairement visuel dans Latah, dans un découpage à l'évidence cinématographique. Grandes cases horizontales superposées comme des successions d'écrans, débordement des cadres pour encore plus de dynamisme, l'album, qui alterne phases de dialogue et phases silencieuses, moments de risque mortel et moments d'expectative, est à lire comme on regarde un film d'action, bien calé dans son fauteuil en sentant sa tension monter au moins autant que celles des personnages. Ajoutons-y un twist (kind of) puis un twist de twist, comme un générique et un post-générique, et l'impression d'assister à un grand spectacle dans un multiplexe est complète.

Si l'histoire est relativement simple, la très grande efficacité de la narration et la généreuse mise en images font de cet album un vrai plaisir de lecture à offrir ou à s'offrir.


Latah, Legrain

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