Descente - Iain Banks in Bifrost 114

Dans le Bifrost 114 , on trouve un édito dans lequel Olivier Girard – aka THE BOSS – rappelle que, en SF comme ailleurs, un part et un autre arrive. Nécrologies et anniversaires mêlés. Il y rappelle fort justement et pour notre plus grand plaisir que, vainquant le criminel effet de génération, Michael Moorcock et Big Bob Silverberg – les Iguanes de l’Imaginaire – tiennent toujours la rampe. Long live Mike and Bob !! Suivent les rubriques habituelles organisées en actualité et dossier : nouvelles, cahier critique, interview, biographie, analyses, bibliographie exhaustive, philofiction en lieu et place de scientifiction (Roland Lehoucq cédant sa place à Alice Carabédian) . C'est de Iain Banks qu'il est question dans le dossier de ce numéro, on y apprendra que la Culture n’est pas seulement « ce qui reste quand on a tout oublié ». Dans le Bifrost 114 on pourra lire une jolie nouvelle de Iain Banks, intitulée Descente et située dans l’univers de la Culture (il y a des Orbitales)

Ogres - Adrian Tchaikovsky

"Ogres" est une novella fantasy/steam d’Adrian ‘serial author’ Tchaikovsky.
Lieu et dates indéterminés. Le contexte est peu ou prou médiéval et le milieu rural. Le héros (tant du récit que de l’Histoire à écrire) se nomme Torquell. C’est un jeune homme éduqué, aussi costaud et charismatique que tête brulée voire rebelle. Torquell est le fils de Tomas, le chef du village, l’autorité principale donc si l’on excepte celle du Pasteur.

Ailleurs, dans la forêt qui enserre la petite communauté dans sa viridité, se trouvent d’autres villages, avec d’autres chefs et d’autres habitants. Mais ces villages on ne les fréquente pas, ils sont loin et fondamentalement identiques ; toute vie utile se trouve ici. Seul point commun entre ces communautés, elles sont toutes peuplées par les sujets du Maitre. Peter Grimes. L’Ogre.


Si au cœur même de la forêt vivent des hors la loi qui ont fui leurs communautés pour échapper à la justice, l’essentiel des autochtones respectent scrupuleusement la loi du Maitre, autrement dit la loi des Ogres dont Grimes n’est qu’un parmi d’autres – de ça on est sûrs, même si on ne voit presque jamais d’autres Ogres, chacun vivant apparemment sur son fief.

Obéissance donc, qui a deux origines. D’une part le Pasteur y incite en invoquant la volonté de Dieu, d’autre part les sanctions exercées par les Ogres sur les contrevenants sont suffisamment sévères pour décourager la plupart des velléités de protestation ou de transgression. Si l’on veut vivre vieux, mieux vaut obéir et ne pas attirer l’attention sur soi.


Problème : Attirer l’attention sur soi, c’est précisément ce que fait Torquell lorsque, poussé par un mélange explosif de sens de la justice et de colère innée, il frappe Gerald, le fils du Maitre. Avant de faire pire encore.
Fuite dans la forêt puis au-delà, capture, attente d’exécution, Torquell est sauvé in extremis par Isadora, une Ogresse qui décide qu’elle a d’autres projets pour ce vilain si dramatiquement audacieux.
Torquell découvre alors un monde au-delà de la forêt dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Découvre aussi, au fil d’années passées à étudier sur le domaine d'Isadora, la vérité sur les causes et les origines de l’organisation inégalitaire du monde entre Humains asservis et Ogres asservissants. Que faire d’un tel savoir si ce n’est tenter une révolution ?


Avec "Ogres" Tchaikovsky offre au lecteur un texte surprenant, avec twists et rebondissements. J’ai tenté de ne pas spoiler, il conviendra de ne pas se spoiler soi-même en lisant trop des chroniques parfois très explicites qu’on trouve sur ce livre.

Mais mis à part les twists et rebondissements évoqué au-dessus, la novella est globalement décevante.

La narration à la deuxième personne, qui s'explique à la fin, n'aide pas à se sentir proche du personnage principal.

Sur le plan de l’intrigue, on sent assez vite où veut en venir l’auteur même si on admettra que la fin est surprenante (quoique…).

Sur l’arrière-plan théorique, le Marxisme pour les Nuls de Tchaikovsky serait charmant sous la plume d’un adolescent découvrant, éberlué, la lutte des classes, et se disant qu’il doit faire partager au monde sa découverte de concepts tels que ceux de classe mobilisée ou de dévoilement ; l’ogre en couverture avec son haut de forme ressemble même aux caricatures de capitalistes qu’on trouve dans Lutte ouvrière, c’est dire si nous sommes ici loin du cercle de la raison. Problème : Tchaikovsky n’est plus un adolescent depuis longtemps et son lectorat n’est, j’espère, pas constitué de lycéens époustouflés par la finesse de sa métaphore ou séduits par des représentations groupusculaires.

Enfin, et là je trouve que c’est plus grave que comique, à tel point que je vais maintenant ne plus toucher les textes de cet auteur qu’avec des pincettes, la fantasmagorie complotiste du Great Reset tangente fortement le cœur de la novella. Popularisée par des intellectuels à la dérive tels que Monique Pinçon-Charlot ou Laurent Mucchielli, cette théorie, qui raconte l’élimination annoncée d’une grande partie de l’humanité, est aussi absurde qu’obscène et n’est acceptable que lorsque c’est Thanos qui la met en application.
 
Déception donc, et regret. Tchaikovsky, qui est un auteur dont j‘aime souvent le travail, aurait dû réaliser que la rebellitude révolutionnaire est devenue la plus convenue de toutes les attitudes conformistes et rester sur des histoires d'araignées et de pieuvres.

Ogres, Adrian Tchaikovsky

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