La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

La neuvième maison - Leigh Bardugo - Retour de Bifrost 101


Leigh Bardugo est une écrivaine américaine spécialisée dans le YA. Elle se lance avec "La neuvième maison" dans le New Adult (un genre dans lequel les personnages principaux ont entre 18 et 30 ans, destiné principalement à un lectorat qui leur ressemble ; les délires créatifs des marketeurs sont sans limite).

"La neuvième maison" est donc l'histoire d'une jeune femme, Alex 'Galaxy' Stern. Fille d'une mère baba et d'un père enfui, Alex a connu la lente descente aux enfers de la drogue, du deal, de la prostitution occasionnelle. Signe d'une grande force, elle a survécu tant à ces années d'errance qu'à leur fin sanglante.

Alors qu'elle se remet à l’hôpital d'un énième problème, et que le seul avenir qui lui est promis est un retour vers le même, elle reçoit la visite d'un doyen de l'université Ivy League de Yale qui lui propose d'intégrer le prestigieux établissement en première année d'art. Cette offre aussi inespérée que généreuse est une couverture pour l'admission de la jeune femme dans la maison Lethé, la plus secrète des sociétés secrètes d'une université qui n'en manque pas (huit, parmi lesquelles la Skull and Bones dont furent membres d'anciens présidents des USA entre autres).

Elle y sera l'apprentie de Darlington, un troisième année qui est l'agent de terrain du Lethé. Elle y apprendra à remplir la mission du Lethé, à savoir empêcher que les agissements des huit autres sociétés n'aient de conséquences néfastes sur des innocents. Car, écrivons-le, les sociétés secrètes de Yale pratiquent la magie – à l'insu du commun des mortels –, dans le but d'aider à la carrière et aux accomplissements professionnels et personnels de leurs membres. Et que, n'oublions pas de l'écrire, Alex doit la proposition inespérée qui lui a été faite à un pouvoir très rare qu'elle détient (même au sein des maisons) : celui de voir les fantômes.


En commençant son roman presque par la fin puis en revenant sur deux fils en flashback tous les deux séparés de quelques mois, Leigh Bardugo met immédiatement le lecteur dans la position anxieuse de celui qui sait que des événements très graves se sont produits mais ne sait pas lesquels, ni pourquoi, ni surtout comment ils se concluront. Elle met la barre haut en faisant de sa magie une force réellement menaçante qui peut provoquer la mort de ceux qui y sont confrontés – on n'est pas ici dans une sitcom lycéenne. Elle tisse une histoire complexe mais jamais obscure dont la progression est cohérente en dépit de la profondeur de la timeline considérée. Elle construit un personnage – Alex – dont la force et la résilience forcent l'admiration, et qui parvient à s'opposer victorieusement à des forces profondément maléfiques alors même qu'elle éprouve un fort syndrome de l’imposteur. Elle décrit finement une université (et des sociétés) dont la fonction principale est de légitimer la reproduction des élites américaines (faisant ainsi du roman une version ludique du très critique The Meritocracy Trap, de Daniel Markowtz, lui-même professeur à la Yale Law School). Elle raconte une jeunesse dorée et indifférente à autrui – même si ce trope-ci est plus banal. Elle fait tout cela à travers une histoire nerveuse qui fait du roman un vrai thriller, et évite habilement la mièvrerie YA en tournant le dos à toute velléité de romance.


Prix Goodreads du meilleur roman fantastique 2019 et loué par Stephen King 'the serial blurger' himself, "La neuvième maison" oscille entre fantastique et urban fantasy soft pour raconter une histoire policière dont les tenants, aboutissants, et résolution sont de nature strictement magiques. Une histoire de débutante aussi, plongée dans un monde, de fait deux – le Yale visible et l'invisible –, qui lui sont inconnus et mettent durement à l'épreuve sa confiance en elle.

Ce n'est pas, n’exagérons pas, le meilleur roman de l'année, mais c'est une lecture très plaisante qui revendique un lectorat jeune sans jamais rendre la chose rédhibitoire. Ne serait-ce que pour ça...

La neuvième maison, Leigh Bardugo

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