Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

The Book of all Skies - Greg Egan


Imaginez un monde « coupé » en un très grand nombre de morceaux. Des morceaux qui, chacun, semblent un monde à part entière ou au moins un pays, dotés chacun d'un nom, d'une population (souvent), d'une « ambiance » physique ou zoologique, d'une plus ou moins grande proximité avec son étoile.

On passe de l'un à l'autre de ces morceaux à travers un « anneau » ou « cerceau », accessible depuis un point géographique précis du monde présent dans chaque morceau, ce qui fait de ce monde un espace multiplement connecté. Si on utilise l'anneau dans un sens on atteint un certain morceau (« ciel », d’où le titre) qu'on peut se représenter comme « au-dessus », et si on l'utilise dans l'autre sens on atteint le « ciel » qui serait « en-dessous » – tout ceci hors de toute verticalité physique bien entendu. De saut en saut on ferait – si tout était optimal – une boucle sans fin qui finirait par ramener le voyageur à son point de départ.


Sous l'un de ces cieux – à la technologie pré-électrique – vit et travaille Del, une conservatrice de musée. Elle vient enfin d'acquérir pour son établissement le mythique Book of all Skies (le Livre de tous les cieux), vestige archéologique écrit par une population disparue qui aurait réussi à atteindre tous les cieux du monde (autrement dit à en visiter tous les morceaux). Cet exploit revêt un caractère fabuleux car le cluster de cieux auquel appartient celui de Del est doublement borné : d'un côté par une montagne qui empêche tout usage de l'anneau en le bloquant de fait, de l'autre par la fin des cieux quand celui qui suit le dernier accessible ne contient plus que du vide. Trouver un moyen de visiter tous les cieux par un chemin caché sous la montagne est donc une quête constante pour nombre d' aventuriers du cluster, d'autant qu'il est question d'un ciel distant qui serait le plus prospère et le plus généreux de tous ; le livre, en l’occurrence, représente l'espoir qu'un tel voyage soit possible.


Mais sitôt arrivé au musée, le livre est volé. Très peu de temps après, Del est contactée par un « savant » qui pense que la voie sous la montagne est illusoire et qu'il y a sûrement un moyen de franchir le vide au-delà du dernier ciel pour rejoindre les cieux en regard de celui-ci et atteindre donc la moitié inaccessible du monde en faisant une boucle complète, grâce à la construction d'un pont à la structure étrange dont la fonction sera de relier le dernier ciel du cluster de Del avec le premier du cluster inconnu en franchissant autant de cieux de vide que nécessaire. Commence pour Del et quelques autres une expédition qui va les amener à valider une théorie, à atteindre un « monde » perdu, à faire un grand détour anthropologique, et à apprendre la vérité sur l'histoire du monde et des anneaux.


Monde peu satisfaisant, investigations scientifiques (ici le gros de le réflexion se fait autour de l'électrostatique et de la gravité), projet grandiose de construction d'un équipement gigantesque inédit qui permettrait de rallier un monde vivable ou simplement meilleur, folie douce de scientifiques qui se dressent contre l'incrédulité de leurs contemporains, "The Book of all Skies" ressemble à beaucoup de textes de Greg Egan, de l'excellente trilogie Orthogonal à la novella Phoresis en passant par le très pénible Dichronauts. Le lecteur se retrouve donc en terrain connu – pour le meilleur ou pour le pire.

La première moitié n'est guère engageante, personnages, mondes, lieux ne sont que très légèrement décrits, hors-sol et presque cookie-cutter. Même les scènes du vol du livre, de la poursuite du voleur, de l'attaque au camp (et les autres aussi qui pourraient ou devraient inquiéter) sont si étiques dans leur description et si peu dynamiques dans leur déroulement que, si on y ajoute le crépuscule permanent du ciel de Del, on se croirait véritablement dans un strip de Tom Gauld – une impression qui ne m'a jamais vraiment quitté.

Puis arrive la seconde moitié – meilleure car corrigeant, en partie seulement, les défauts ci-dessus – dans laquelle est atteinte l'autre moitié du monde par Del et sa compagne de voyage Imogen. Et là, c'est une société radicalement différente qui se donne à voir, à tous égards, semble-t-il, meilleure que celle qu'elles ont quittée. Passée la méfiance (d'Imogen surtout), passé le délicat apprentissage d'une nouvelle langue, Del et Imogen s'y intégreront sans grande difficulté même si la volonté de rentrer chez elle et de mettre en relation les deux sociétés ne les quitte jamais. Jusqu'à un retour qui leur apprendra de bien vilaines choses sur certains des membres de leur cluster d'origine.


Avec "The Book of all Skies", Egan ne fait pas que retrouver des pénates habituelles, il traite comme dans beaucoup de ses textes récents la question des migrations, de l'isolement volontaire, de la xénophobie, de l'intégration, et de l'ouverture à l'autre. Il décrit aussi une société « idéale » dans laquelle c'est la coopération volontaire et spontanée qui l'emporte toujours sur la concurrence et l'organisation, et dans laquelle l'abondance ne vient pas, comme chez Banks par exemple, du progrès technologique mais, ici, de la bonne volonté constante que chacun met à faire, donner, mettre à disposition.


Pourquoi pas ?

Mais le problème est que le roman n'est jamais convaincant. Sur les personnages et les décors j'ai dit au-dessus ce qu'ils inspirent. Mais, si on doit ajouter des clous au cercueil, on dira que :

  • le fonctionnement des anneaux est parfois obscur quand on ne maîtrise pas la topologie – certains moments rappellent un peu Dichronauts, en beaucoup moins pénibles néanmoins
  • les systèmes culturels ou politiques des divers cieux sont tout juste esquissés, donnant une impression d'irréalité, de récit suspendu dans un espace vide
  • l'intrigue du livre volé (là je spoile) est inutile et vite abandonnée
  • les sauts temporels qui accélèrent le déroulement d'une aventure linéaire au long cours en supprimant les temps morts desservent plutôt l'appropriation des personnages et l'approfondissement de leurs relations
  • la fin est si rushée qu'elle semble coupée et montre juste, comme rarement, ce qu'était le point véritable du récit par-delà les fioritures science-fictives
  • le couple Del/Imogen représente trop évidement les deux attitudes possibles par rapport à l'ouverture culturelle – même s'il évolue au fil du texte
  • la technologie avancée du cluster découvert est, au mieux, fragmentaire dans sa caractérisation
  • le modèle de société du cluster découvert paraît difficilement viable d'un point de vue scientifique ou économique


Voilà, fermons le ban. "The Book of all Skies" est un court roman auquel manquent une vraie intrigue un tant soit peu palpitante (là, c'est un peu Histoire d'un aller et retour sans dragon ni anneau magique) et un dispositif descriptif qui permette d'entrer vraiment dans la complexité du monde et pas seulement dans celle de la physique des anneaux envisagés comme portes. A lire seulement si on est complétiste.


The Book of all Skies, Greg Egan

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