Tolkien une biographie - Humphrey Carpenter

Sortie récente de la troisième édition de la biographie de Tolkien par Humphrey Carpenter, dont la v1 date de 1977. Juste quelques mots sur un texte qui a déjà été maintes fois commenté dans la presse ou sur des blogs. Enrichi de photos, l’ouvrage raconte Tolkien de sa naissance à sa mort. Il raconte l’homme derrière l’auteur. Et, écrit par un biographe qui a rencontré son sujet et eu accès à pléthore de documents originaux, il est passionnant. La vie de Tolkien est d’abord celle d’un homme de la toute petite bourgeoisie du début du XXe siècle. Né en Afrique du Sud où son père dirige une agence bancaire, Tolkien rentre en Angleterre avec sa mère et son jeune frère car le climat ne convient guère à la jeune femme ni, dit-on, à ses enfants. Son père, qui doit les rejoindre, meurt de maladie avant de pouvoir le faire. Tolkien sera donc élevé par sa mère – avec dans un premier temps un soutien familial –  jusqu’à la mort de celle-ci, des complications de son diabète. Doublement orphelin à

Les griffes et les crocs - Jo Walton - Retour de Bifrost 88


Quel étrange roman que "Les griffes et les crocs" ! Quelle étrange idée de l’avoir écrit ! Et quelle merveille encore qu’il ait obtenu le World Fantasy Award en 2004.

Qu’on en juge. Le Digne Bon Agornin se meurt, le Digne Bon Agornin est mort. Ce petit self-made aristocrate rural laisse derrière lui deux fils – Penn, un pasteur, et Avan, un citadin ambitieux en ascension sociale – et trois filles – Selendra et Haner, encore célibataires, et Berend, mariée « vers le haut » à l’Illustre Daverak. J’ai oublié le principal : tous ces gens sont des dragons.

En postface, Walton dit avoir grandi en lisant des romans victoriens. Elle dit s’être demandé s’il était possible de biologiser les comportements incongrus que ces romans attribuent à leurs personnages, notamment féminins, et s’est donc lancée dans cette adaptation libre de La cure de Framley d’Anthony Trollope. Dans "Les griffes et les crocs" donc, les dragonnes virent au rose quand un homme les touche ou les approche de trop. La nouvelle nuance qu’elles arborent à compter de ce moment les signale au monde comme potentiellement sexualisées. Acceptable pour les fiancées et les femmes mariées, le rose marque d’un signe d’infamie les dragonnes sans dragon et en fait des « dragonnes perdues ». Cette contrainte de pureté virginale qui ne pèse que sur les femelles est la preuve de leur infériorité sociale, justifiée ici par leur absence de serre.
A l’inégalité des sexes s’ajoute une inégalité sociale forte, avec des serviteurs aux ailes entravées et le droit pour les dragons puissants de dévorer les plus faibles afin d’en tirer force et pouvoir.

Notons qu’on dévore aussi, pour la même raison, ses enfants débiles ou ses ancêtres morts, et c’est sur un coup pendable à ce propos que s’ouvrira l’intrigue du roman. Car si le vieux Bon avait laissé par testament le plus gros de sa fortune à ses trois enfants non installés, ses instructions concernant son cadavre étaient moins claires ce qui permit à Daverak et à sa femme de s’attribuer, à l’esbroufe, la part du lion. A partir de cette spoliation, le roman est victorien, ou, pour franciser la chose, balzacien. Inégalités sociales et sexuelles, stratification du prestige, religieux omniprésent, testaments, héritages, morts en couche, projets de mariage, recherche d’homogamie, importance de la dot, développement urbain, aventuriers et prévaricateurs, premiers chemins de fer, procès et avocats, jusqu’à une conclusion où tout finit par s’arranger au mieux, avec même l’une de ces épiphanies généalogiques au terme desquelles on réalise que le dernier était en fait un premier caché.

Si on aime, on pourra aimer. Mais, outre le caractère un peu surréaliste – jusqu’aux avocats dragons portant perruque ce qui est le pompon – d’une société victorienne draconique que Walton décrit toujours un peu à distance sur le plan technique tant elle est, de ce point de vue, difficile à justifier, je me suis demandé durant toute la lecture à quoi servait cette transposition. Et je n’ai pas trouvé de réponse. Les deux ou trois métaphores faciles (changement de couleur, draconophagie, entrave des ailes) n’apportent rien à un récit qui est strictement classique. Pour ces thèmes et ces histoires, on peut lire Austen ou Balzac. Pourquoi lire Walton ? Je l’ignore.

Les griffes et les crocs, Jo Walton

Commentaires

Tigger Lilly a dit…
J'aime beaucoup Jo Walton, mais comment dire... Je sais pas... Bref...
Gromovar a dit…
Moi aussi. D'habitude.
Valeriane a dit…
Ah le voilà enfin ce commentaire :-)
(Je n'ai pas encore posté le mien non plus en fait....#shame).

Au début de la lecture, j'étais plutôt emballée. Je trouvais l'idée pas mal, le ton sympathique (elle interpelle souvent le lecteur, ça donne une dimension "je te raconte l'histoire"- je ne suis peut-être pas toujours réceptive, mais là, ça me plaisait). Puis petit à petit j'ai commencé à m'emmerder en fait ;-)
Je me demande si ce n'est pas à partir du moment où le gamin tombe dans la crevasse... en gros avant la moitié.

Donc oui, déception par rapport à ce que j'avais lu d'elle avant.
Mais je lui laisse quand même "sa plume" qui était argéable à lire (dommage pour le fond).
Gromovar a dit…
Ben oui, étrange (et ancien) livre.