L'Enfance du monde - Michel Nieva

Je suis surchargé de travail, lecteur. Résultat : des lectures et des chroniques en retard et peu de temps pour rattraper. Alors chroniques courtes, faisons ce qu'on peut dans le temps qu'on a ; as Chaucer said, time and tide wait for no man. Fin du 23ème siècle, sud de l'Argentine entre autres. Suis-moi, lecteur, nous allons rencontrer l'enfant dengue ! L'Enfance du monde est le premier roman de Michel Nieva. C'est une fable, un conte dystopique d'effondrement lent, d’effondrement en cours. C'est l'histoire de l'enfant dengue, un hybride enfant-moustique né d'on ne sait quel étrange miracle. L'enfant dengue, de père inconnu, vit avec sa mère, une femme de ménage pauvre du sud de l'Argentine, dans cette Patagonie que la montée du niveau des mers a radicalement transformé – comme le reste de la Terre. D'immenses zones – dont la capitale Buenos Aires et sa région entière – ont été inondées et perdues pour toute vie terrestre, le...

Brève revue BD : Les Montagnes Hallucinées


"Les montagnes hallucinées", écrit en 1931 et publié en 1936, est l'un des plus longs textes de Lovecraft, l'un des plus connus, et l'un des plus importants imho.

Je ne résumerai pas ici un texte très connu, ni n'analyserai un récit qui l'a déjà été maintes fois (et fort bien) par d'autres. Je ferai simplement deux ou trois remarques qui, je l'espère, donneront envie à ceux qui ne le connaîtraient pas de s'y plonger, dans les deux versions si possible - car c'est ici l'adaptation manga par Gou Tanabe qui m'incite à tapoter le clavier.

A ma première lecture (il y a des décennies), j'avais été frappé par l'inconnaissance radicale de l'Antarctique qui était celle de l'époque. Ces héros de Lovecraft qui partaient explorer le continent blanc ne savaient pas ce qu'ils allaient y trouver. Tout était possible. Terra Incognita. Il n'y a plus d'équivalent aujourd'hui, il faut aller dans l'espace pour espérer ce sentiment (Edit : il y en a encore mais beaucoup moins).
Excitation, mystère, espoir. On (les personnages comme le lecteur avec eux) plonge dans l'inconnu pour trouver du nouveau, on repousse les limites de l'expérience humaine, de la connaissance, de la science. Quelle plus belle aventure ?

La deuxième remarque concerne la gestion du temps long par Lovecraft. C'est une durée qu'il met magnifiquement en scène dans ce texte, comme dans le prodigieux Dans l’abîme du temps par exemple. De la durée des générations à celle des ages géologiques, c'est là que Lovecraft est à son aise, mettant par là-même en exergue l'absurde prétention d'humains à vie brève incapables d'appréhender complètement de telles envergures de temps.

Enfin, la citation bien connue de Lovecraft, tirée de L'appel de Cthulhu, s’applique parfaitement, comme une illustration ad hoc aux "Montagnes Hallucinées". C'est exactement le point de la citation, même dans son déroulé :
Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l'infini, et nous n'avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu'à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons ; alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel âge de ténèbres.

Voila pour l'original. Qu'en est-il de l’adaptation manga ?

Elle est très satisfaisante et particulièrement agréable à lire.
Fidèle au texte et très joliment dessinée (même si, comme souvent dans ce genre, les cases sont trop statiques).
Le dessin illustre à merveille le caractère 'bord du champ de vision' des créatures lovecraftiennes, évitant ainsi de se tromper en étant trop explicite.
Il montre aussi, dans une approche presque vernienne, l'aspect profondément scientifique de l'exploration imaginée par Lovecraft (ce sont les nouveaux avions qui permettent d'aller plus loin que jamais, etc).
Il montre enfin de manière magistrale l'immensité des paysages antarctiques, la solitude non humaine qui en irradie physiquement, l'altérité absolue de lieux aussi éloignés de la civilisation qu'il est possible de l'être. Les planches dans lesquelles les avions des explorateurs survolent des sols gelés sans fin sont explicites de ce point de vue. Et que dire de cette immense montagne noire posée comme une incongruité sur la blanche banquise ?

C'était donc bel et bon. D'autant que l'objet lui-même, sorte de carnet avec sa couverture simili-cuir est vraiment beau. Plus qu'à attendre le tome 2 maintenant.

Les Montagnes Hallucinées, Gou Tanabe d'après Lovecraft

Commentaires

FeydRautha a dit…
"Terra Incognita. Il n'y a plus d'équivalent aujourd'hui, il faut aller dans l'espace pour espérer ce sentiment." Même si c'est ce vers quoi on tend effectivement, ce n'est pas encore le cas. J'ai longtemps vécu avec une "exploratrice" de profession, et je peux t'assurer que des Terra Incognita (oubliées ou jamais explorées), il en reste un peu partout à la surface de la Terre (pour ne parler que de la surface).
FeydRautha a dit…
Cela dit, ouvrage commandé !
Gromovar a dit…
Terra Incognita : Je le note. Tombons d'accord sur le fait qu'il y en a de moins en moins (et surtout pas de cette ampleur).
Je viens de l'acheter, trop curieuse de découvrir cette adaptation d'un texte qui m'avait transporté. C'est d'ailleurs surtout ce coté "terra incognita" que tu mentionnes que j'avais trouvé fascinant !
L'objet en tout cas est superbe ;)
Gromovar a dit…
Oui, une belle histoire, et un très bel objet (le fond - journal, carnet de notes - rejoint la forme). Laisse-toi tenter.