Les Résidents - Lemire - Sorrentino - Le Mythe de l'Ossuaire t3

Avec Les Résidents , tome 3 du Mythe de l'Ossuaire , le cycle BD de Lemire et Sorrentino situé dans un univers mythologique partagé imaginé par les auteurs, on entre vraiment dans le lourd. Lourd d'abord car ce gros volume de 312 pages pèse son poids, lourd surtout car cet opus qui regroupe les dix numéros de l'arc Les Résidents est vraiment impressionnant. Quelques mots de l'histoire, sans trop spoiler. Sept personnes vivent (au milieu de beaucoup d'autres) dans un immeuble d'habitation urbain dégradé mais quelconque. Ces sept personnes – Isaac, Amanda, Justin, Félix, Tanya, Bob et Gary –l'ignorent mais elles sont liées. Liées entre elles, liées aussi à cet immeuble qui est certainement un lieu malfaisant (car sinon ce serait elles qui le sont, et comment le jeune Isaac ou l'aimante Amanda, sans même parler des autres, pourraient-ils être accusés de malveillance ?) . A la mort imprévue de l'un des sept, une clef est tournée et un grand bouleversem...

The Stone Sky - N. K. Jemisin - Tout est écrit et accompli


Avec "The Stone Sky", N. K. Jemisin conclut l’impressionnante trilogie de la Terre fracturée. Un tome nécessaire, qui attrape le témoin que lui tendait le précédent et remplit parfaitement sa mission de conclure et d'expliquer, tout en étant, des trois, le moins agréable à lire.

Quelle est l'origine des Stone Eaters ? Que sont vraiment les obélisques ? Qui les a construites ? Et pourquoi ? Comment, par qui, et pourquoi fut fracturé le monde ? Pourquoi Alabaster a-t-il aggravé la fracture ? Et quel rôle jouent les mystérieux Stone Eaters dans les cataclysmes en cours ?
Il fallait, pour répondre, finir d’expliquer le monde, ce qui impliquait d'en narrer la genèse. C'est ce que fait "The Stone Sky", sur trois fils entrelacés : Essun aujourd'hui agissant, Nessun aujourd'hui agissant, Hoa aujourd'hui racontant un passé quarante fois millénaire.

Dans ce tome, par la voix de Hoa, toutes les explications historiques sont fournies au lecteur. Le Stone Eater raconte une société où, pour paraphraser Clarke, la magie est si avancée qu’elle ressemble à de la science. On voit arriver la fracture de ce monde, on comprend que s'en suivra malheur et désespoir, à cause du cataclysme, bien sûr, mais à cause aussi du substrat d'injustices sur lequel la société d'avant était bâtie et qui ne pouvait que résonner dans l'avenir. On referme le livre en comprenant ce qui a martyrisé la Terre jusqu'à la rendre dangereuse et létale. C'est aussi bien fait que c'était nécessaire.

Mais le passé n'est pas le seul chronos de ce tome conclusif. Des choses se sont passées, certes, mais des choses se passent de nouveau, ici et maintenant. De fil en aiguille, depuis le début du premier tome, la Terre fracturée a progressé jusqu'à un moment décisif, un moment de bascule comme il n'en existe que peu. Sauver le monde ou le détruire ? C'est l'enjeu de ce dernier tome, porté par Essun et Nessun.
Alors donc que Hoa, progressivement, raconte le temps long du monde, la mère et la fille, qu'on avait quittées fort éloignées l'une de l'autre, convergent inexorablement vers le lieu de l'origine de tout pour régler le sort de la Terre et de ses habitants. Elles s'y affronteront pour décider de l'avenir, sous le regard des Stone Eaters impliqués et des lecteurs en témoins impuissants, jusqu'à une conclusion aussi claire qu'ouverte.

Jemisin raconte encore ici une histoire d'injustice, de discrimination, et de servitude. Elle l'épice d'une réflexion sur l’hybris humain et le mal qui en sort toujours, assortie d'une vision qui oscille entre préoccupation écologique et hypothèse Gaïa. Elle y place enfin une réflexion sur l'amour, qui apparaît même entre partenaires improbables, et qui doit se prouver sous peine de n'être qu'un mot. Réflexion sur la peur et la solitude d'une enfant « abandonnée » aussi, sur la culpabilité, ou sur la difficulté presque insurmontable qu'il y a à vivre éternellement.

Il y a beaucoup de finesse dans la manière dont Jemisin traite ces thèmes, dans le fil de la narration, presque sans y toucher.

Explications, finesse, conclusion, tout était nécessaire, tout est accompli. Que m'a-t-il manqué alors ? Sûrement un peu plus de concision. J'ai trouvé que "The Stone Sky" contenait trop de longueurs dans les déplacements des deux femmes et trop de descriptions détaillées. En un mot, trop de mots. Il fallait bien sûr entrelarder pour ne pas sombrer dans le cours d'Histoire, mais un peu moins de paysages et d'architectures m'auraient parus suffisants. Je me suis parfois un peu ennuyé.

Qu'importe, c'est une conclusion satisfaisante que livre Jemisin.

On y assiste tant à ce qu'il advient qu'à ce qu'il advint, on y voit une belle relation se nouer entre Nessun et Schaffa, on y constate que les donnés que sont la folie et la cruauté des Hommes ne peuvent jamais éteindre complètement l'espoir de réparer, de changer, ou de faire mieux (à condition de le vouloir et sans jamais aucune assurance de succès), on y comprend enfin à qui s'adresse ce livre et pourquoi il commence à la deuxième personne.

On y voit Jemisin retourner nombre de codes de la fantasy, en mélangeant les genres et en créant une galerie de personnages blessés faite de héros imparfaits qui nuisent quand ils sauvent, de protecteurs brutaux et dangereux, de mentors peu pédagogues, empêtrés tous autant qu'ils sont dans des relations personnelles incertaines et douloureuses.

Last but not least, la trilogie de la Terre fracturée est le meilleur roman contemporain d'avertissement métaphorique à l'Amérique de Trump.

The Stone Sky, N. K. Jemisin

Commentaires