Tolkien une biographie - Humphrey Carpenter

Sortie récente de la troisième édition de la biographie de Tolkien par Humphrey Carpenter, dont la v1 date de 1977. Juste quelques mots sur un texte qui a déjà été maintes fois commenté dans la presse ou sur des blogs. Enrichi de photos, l’ouvrage raconte Tolkien de sa naissance à sa mort. Il raconte l’homme derrière l’auteur. Et, écrit par un biographe qui a rencontré son sujet et eu accès à pléthore de documents originaux, il est passionnant. La vie de Tolkien est d’abord celle d’un homme de la toute petite bourgeoisie du début du XXe siècle. Né en Afrique du Sud où son père dirige une agence bancaire, Tolkien rentre en Angleterre avec sa mère et son jeune frère car le climat ne convient guère à la jeune femme ni, dit-on, à ses enfants. Son père, qui doit les rejoindre, meurt de maladie avant de pouvoir le faire. Tolkien sera donc élevé par sa mère – avec dans un premier temps un soutien familial –  jusqu’à la mort de celle-ci, des complications de son diabète. Doublement orphelin à

La guerre des bulles - Kao Yi-Feng


"La guerre des bulles" est le premier roman traduit en français du taïwanais Kao Yi-Feng. Il entraine son lecteur dans un monde sensiblement différent de celui des écrivains SF de Chine Populaire.

Dans un village de montagne, l’eau courante, jamais installée, manque depuis toujours en dépit de nombreuses demandes. Quand la sécheresse s’éternise, le problème devient aigu, et les adultes, si sympathiques soient-ils, ne semblent pas avoir pris la mesure des problèmes qui se posent à la communauté. D’autant qu’il n’y a pas que ça, les enfants du district sont aussi victimes d’agressions – parfois mortelles – infligées par une horde forestière de chiens sauvages.
Quand la coupe métaphorique est pleine, il est temps de réagir, et ce sont les enfants du district, sous la direction de l’autoproclamé général Gao Ding, qui vont prendre les choses en main. Passé l’exaltation du début, dont l’acmé fut l’assassinat du responsable local, les enfants vont découvrir petit à petit que, pour gérer le monde, ils devront perdre un peu de leur pureté, beaucoup de leur innocence, et ressembler de plus en plus à ces adultes honnis dont ils ont voulu prendre la place pour améliorer les choses.

Loi d’airain de l’oligarchie, loi éternelle des révolutionnaires qui doivent confronter leurs idéaux non seulement aux contraintes du réel mais aussi à l’opposition politique, les enfants franchiront les étapes inévitables de la transformation d’un mouvement en gouvernement. De la fraicheur à l’efficacité, de la recherche du consensus à l’autoritarisme, de la violence fondatrice à la violence réitérée. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, les idéalistes de tous bords ont toujours du mal à s’en convaincre.

Ce fond, même s’il n’est pas d’une grande originalité, m’a intéressé. Les références claires à Sa majesté des mouches aussi. Et certains passages sont beaux et émouvants (le destin de la mère de Gao Ding par exemple). Mais le traitement fantastique, féérique, allégorique, je ne sais vraiment pas comment le qualifier, beaucoup moins. Appelons cette approche, qui fait appel à l’imaginaire asiatique, manga. Fantômes errants dans le village, sorcière, roi des chiens sauvages, bulles (celles du titre) magiques aux nombreux pouvoirs, rien n’est impossible ; la dystopie prend place dans un monde qui est résolument imaginaire. D’un Imaginaire qui ne me parle guère en dépit de la bonne volonté que j’ai mis à lire le roman, y compris dans ses passages trop longs tels que celui de l’installation du réseau d’eau. Je ne suis sans doute pas le client de ce type d’Imaginaire, je ne suis d’ailleurs guère fan de manga (et je trouve que la quatrième de couverture n’est pas assez explicite sur le contenu exact du roman, l’aurais-je acheté si cela avait été le cas ? Pas sûr).


Première sur ce blog, j’ai soumis certaines de mes incompréhensions à Gwennael Gaffric, le traducteur du roman, qui a eu la gentillesse d’éclairer quelques-uns des éléments qui étaient lost in translation pour moi. Je l'en remercie et m'autorise donc à préciser quelques points avec son autorisation.

"La guerre des bulles" est en effet un roman aussi poétique que potentiellement déroutant, tant par sa construction que par l’Imaginaire qu’il convoque, jusqu’à une fin qui prouve que l’auteur voulait encore emmener son lecteur là où il ne pensait pas aller.
L’atmosphère d’angoisse surréaliste qu’on y trouve peut évoquer l’écrivain japonais Kobo Abe, même si Kao Yi-Feng, pour son œuvre, se réclame plus volontiers d’Angela Carter ou de JG Ballard. Ceci est manifeste dans L’asile des illusions, un long roman complètement barré (donc, potentiellement pour moi, NdG).
L’aspect « manga » de l’Imaginaire du roman est accentué par le choix de Mirobole de marquer des chapitres – inexistants dans la VO – par des dessins.
Le travail de déstructuration de la langue et de la syntaxe de Kao Yi-Feng ne peut pas passer totalement dans la VF en raison du caractère moins plastique de la langue française (sur la difficulté à traduire ou à rendre le chinois, j’ai le souvenir de notes de traduction de Ken Liu sur un autre roman qui allait jusqu'à indiquer pour lecteurs bilingues les tons dont il s’agissait dans le texte VO ; NdG).
Last but not least, "La guerre des bulles" est sorti en même temps que le mouvement étudiant des Tournesols à Taïwan. Certains ont fait le lien entre les deux événements même si le roman a été écrit avant. Zeitgeist peut-être, pas sûr (le nombre de romans qui sortent en ce moment qui soit disant parlent de Trump, jusqu’au putassier bandeau de La servante écarlate en Pavillon Poche…, NdG).

La guerre des bulles, Kao Yi-Feng

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