L'Oiseau qui boit des larmes - Lee Young-Do

L’Oiseau qui boit des larmes (tome 1, Le Cœur des Nagas) est un roman de Lee Young-Do, premier tome d’une tétralogie de fantasy. Son auteur serait « Le Tolkien coréen » si l’on en croit le sticker apposé sur la couverture. Diable ! Qu’en est-il ? Le monde imaginé par Lee Young-Do est divisé en deux par une Ligne imaginaire. Au sud de celle-ci vivent les Nagas. Ils s’y sont installés non sans violence dans un lointain passé. Au nord on trouve les autres « humains », qu’ils soient Standards, Rekkons, ou Tokkebis. Les Nagas sont petits. Ils ont le corps couvert d’écailles. Ils entendent mal, ce qui fait qu’ils parlent beaucoup moins qu’ils ne nilhent (une forme de communication par la pensée) . Ils voient en revanche très bien, notamment les différences de température. Ils vivent dans une société matriarcale, sous la domination de matrones qui traitent les mâles comme un cheptel reproducteur – à l’exception des Protecteurs qui ont épousé la déesse et la servent dans un...

Elise et Lise - Philippe Annocque - Avers et revers


"Elise et Lise" est un court roman français contemporain – c'est presque un pléonasme – qui raconte une histoire qui croit qu'elle est une alors qu'elle est autre.

Elise et Lise (ces noms sont-ils fiables ? il est permis d'en douter) sont deux étudiantes parisiennes, qu'on dira sorbonnardes. Qu'importe ! Ce sont deux jeunes filles, vierges non, en couple non plus. L'une devient, par volonté, l'amie de l'autre, qui devient son amie. L'une et l'autre, rapidement, partagent un logement, de l'air, des loisirs, et presque une seule famille, celle d'Elise.

C'est un conte de fées que dit Annocque. Un de ces contes structurels éternels, décrits par Vladimir Propp dans son Morphologie du Conte. Ce conte, d'autres l'ont déjà dit avant lui ; il n'est ici que le dernier locuteur en date d'une histoire qui lui préexiste et qui réside dans la psyché humaine, en attente de manifestation.

Personnages de conte de fées, Elise et Lise enfilent des masques déjà portés par d'autres avant elles. L'héroïne et la fausse héroïne, la gentille et la méchante, l'heureuse et la jalouse, la solaire et la lunaire, Elise et Lise. Autour, il y a la famille, le prince, le monde matériel, un environnement qui n'existe que comme tel tant le projecteur est braqué sur le couple central. Car c'est au sein de ce couple que se joue l'important, l'inversion, le glissement, la substitution progressive, le remplacement de l'original par son doppelgänger. Mais, quand le rideau commence à tomber, la fausse héroïne redevient une simple potentialité, la fin le montre. Le double n'est qu'en attente de son simple, et n'existe qu'en contrepoint néfaste de celui-ci. Spiderman et Venom.

Pour dire, après d'autres, cette histoire, Annocque assonne et allitère. Il livre une temporalité imprécise. Il montre des personnages disant ce qu'ils pensent, ou ce qu'ils disent, ou ce qu'ils croient dire, ou ce qu'ils croient penser. Des personnages à la mémoire incertaine, des personnages dont les actes sont ceux qu'ils font, ou ont fait, ou ont cru faire, ou ont voulu faire, ou ont dû faire. Rien n'est certain si ce n'est le déroulement presque inévitable – mais pas complètement – du conte.
Il en ressort le sentiment fort que les personnages sont des rôles plus que des acteurs, qu'ils sont agis plus qu'ils n'agissent, selon une logique implacable qui les contraint, sans en avoir l'air, à tenir leur rôle dans la pièce. Sont-ils des personnages, leurs manteaux, ou leurs porte-manteaux ? Poser la question c'est y répondre, à fortiori dans ce livre.

S'inscrivant dans une tradition qu'il actualise, Annocque offre un texte qui mérite le détour, bien plus intéressant que ces Once upon a time que propose la télévision. Quel dommage que, contrairement aux frères Grimm ou à Perrault et son fils, Annocque n'ait pas de double, la boucle serait bouclé ; à moins que, à l'insu de tous, Annocque l'original ait déjà été remplacé par Annocque l'imposteur qui s'attribuerait ses œuvres.

Elise et Lise, Philippe Annocque

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