Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

Simetierre - Stephen King - Retour de Bifrost 80


Début des 80’s. Louis Creed prend le poste de médecin-chef à l’université d’Orono dans le Maine. Venu de Chicago, il s’installe avec sa famille – sa femme Rachel, leurs jeunes enfants, Ellie et Gage, et Church, le chat – dans une belle maison proche de Ludlow, en bordure de la très fréquentée Route 15. Il y fait la connaissance de Jud, son voisin âgé, qui devient vite plus qu’un ami, une figure paternelle. Peu de temps après, Jud montre aux Creed, au bout du chemin qui part de leur terrain, le charmant « simetierre » dans lequel les enfants du coin enterrent leurs animaux domestiques depuis plus d’un siècle. Au-delà des tombes maladroites, derrière l’énorme tas de bois en équilibre qui barre le coté opposé, on devine la forêt qui appartint aux Indiens Micmacs. Mais impossible de passer l’instable tas de bois pour y aller. Voire.

Quand Church se fait écraser par un camion, Jed, pour bien faire, livre à Louis des secrets qui auraient du rester dissimulés pour toujours. Passé le gain immédiat, c’est pour celui-ci le début d’une lente ascension dans l’horreur ; prisonnier d’un rollercoaster que rien ne peut arrêter, Louis boira jusqu’à la lie le calice de la folie et de l’abomination.

Avec "Simetierre", King écrit un roman proprement terrifiant. Il brise l’un des tabous importants de la narration contemporaine. Il construit une mécanique que rien ne peut arrêter et avance sans relâche vers une issue fatale qu’on espère ne pas voir en sachant qu’on n’y échappera pas. Il décrit finement une famille de la classe moyenne US, avec son amour et ses failles, la fait vivre sous les yeux du lecteur avant de la lui donner en pâture. Et c’était peut-être inévitable. Les Creed sont nos contemporains, enfants d’une civilisation qui a mis la mort à l’écart, l’ignore, et ne sait qu’en faire. Ils sont aussi de vrais citadins modernes, oublieux des puissances ataviques et des lieux de pouvoir. La terre qu’on croit posséder aujourd’hui, d’autres l’arpentèrent  avant ; l’Occident se convainc trop facilement du contraire.

"Simetierre", c’est aussi un King très personnel. On y visite le Maine, où vit l’auteur. On y voit Louis travailler pour l’Université du Maine (King y enseigna en 78), trouver un père de substitution (le père de King l’abandonna), passer l’un des plus beaux moments de sa vie en jouant avec son jeune fils (écho d’une scène similaire dans Christine), se demander ce que ça ferait de devenir aveugle. Et quant aux faits du roman (maison, route dangereuse, cimetière des animaux, chat écrasé – Smucky le chat vraiment écrasé de King a sa tombe dans le roman), King les vécut en 78 avant de les sublimer ici.

Lisons donc "Simetierre", autant pour trembler que pour toucher, à distance, son auteur.

Simetierre, Stephen King

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