La grande muraille de Mars - Alastair Reynolds

La grande Muraille de Mars est la version française du méga recueil d’Alastair Reynolds intitulé en VO  Beyond the Aquila Rift . Dans des traductions de Pierre-Paul Durastanti, Laurent Queyssi et Florence Dolisi, ce sont pas moins de 16 textes (2 de moins que dans la VO) qui s’étalent sur 640 pages. Au fil de ces milliers de signes c’est l’avenir imaginé par Alastair Reynolds qui se dévoile aux yeux ébahis du lecteur amoureux de SF. Car c’est bien de SF qu’il s’agit ici. Toujours. Même quand ça peut ressembler à autre chose. Certains de ces textes appartiennent au Cycle des Inhibiteurs , ce cycle bien connu de notre club qui raconte l’histoire future d’une humanité spatiopérégrine et divergente dont les différentes branches, souvent en conflit armé, se distinguent par leur degré de fusion avec les machines. C’est le cas notamment des deux premiers, La grande muraille de Mars et Zéphyr qui racontent, de transhumanisme en tentative de génocide, les débuts de la divergence et les ...

Le dernier assaut - Tardi - Une saloperie faite par des salops


"Le dernier assaut" est le dernier album en date de Tardi sur la Grande Guerre. On peut penser que le titre nous dit que ce sera le dernier opus de l’auteur sur ce sujet qui l’aura tellement inspiré. Le texte le laisse supposer en tout cas.

"Le dernier assaut", c’est la brève pérégrination du brancardier Augustin (un genre d’alter ego de Tardi lui-même) avant de monter à l’assaut. Parce qu’il n’aime pas tuer, Augustin est devenu brancardier. Il transporte vers l’arrière des blessés qui, parfois, n’y arriveront pas vivants. Qu’importe ! L’humanité impose d’essayer.

Dans "Le dernier assaut", son blessé et son collègue morts dans les premières pages, Augustin doit retourner seul vers son unité, en crapahutant au milieu du champ de bataille, des destructions, des cadavres regardables et des morts déchiquetés. Au milieu des animaux aussi – auquel l’album est dédié, signifiant bien qu’aucun homme ne fut innocent de la guerre -, tués par des combats dont ils comprenaient le sens encore moins que les humains.

Dans un long pourpenser déambulatoire, Augustin rappelle en voix off pour son lecteur tout ce que Tardi sait de la guerre, dans une longue scansion récapitulative et hypnotique.

Les hommes qui combattirent et s’entretuèrent, arrivés de la Terre entière. Certains de leur propre chef, enthousiastes même parfois comme pour une virée entre potes, d’autres – les troupes coloniales – expédiés à l’abattoir manu militari par une institution étatique qui les méprisaient et les considéraient comme encore plus dispensables que les poilus autochtones.

Le mépris pour les hommes, les mises au pilori, les exécutions pour l’exemple.

Les victimes « d’obusite ». Les gueules cassées. Les mutilés volontaire pour fuir l’enfer des combats. Les médecins qui traquaient les mutilés volontaires.

Les industriels que la guerre enrichirent. Les profiteurs de petit niveau aussi.

L’absurdité de la guerre de position où on se faisait tuer pour rien, pour quelques mètres reperdus le lendemain. Où on tuait avec rage et férocité car on était devenu fou, de peur, de colère, de vengeance, au canon, au fusil, à la baïonnette, à la pelle… Au gaz aussi.

La Grande Guerre comme matrice des totalitarismes à venir – à l’Est comme à l’Ouest – et des massacres organisés qu’ils conduisirent. La mort de masse ayant été actée comme acceptable, on pouvait passer de la « bonne franquette » de l’extermination en plein air à la rationalisation wébérienne du meurtre de masse, des tranchées et du génocide arménien au génocide juif et aux divers goulags.

L’échec du pacifisme à empêcher l’horreur. Il y eut des fous de guerre, Allemands exaltés ou Français shootés aux dépouilles de guerre.
Et même Augustin tuera. Parce qu’il a peur, pour sauver sa vie. Il sera tourmenté mais il tuera. Et la fois où il ne tuera pas, il laissera vivre un jeune caporal allemand au sinistre avenir. Ethique de conviction contre éthique de responsabilité. Décision micro / effet macro.

Et puis, le dernier assaut. Six pages sans texte. Les hommes, les canons, la boue qu’explosent les obus. Puis les têtes arrachées, les membres arrachés, les mâchoires emportées, les entrailles exhibées.
Graphiquement c’est du Tardi à l’intensité maximum. Yeux écarquillés, visages hallucinés, corps démantibulés.

Texte et dessin se rejoignent sur un mode ironique, cynique, désespéré. Rien de bon à tirer de l’expérience. L’album est un long cri de rage. Et les seules « vraies » victimes sont les animaux.

Le dernier assaut, Tardi (avec un CD de chansons de Dominique Grange et Accordzeam)

Commentaires