The Strange - Nathan Ballingrud

  Mars, New Galveston, 1930 environ. Annabelle Crisp vit avec son père loin de son monde d'origine, sur une planète rouge qui est occupée depuis la Guerre de Sécession. 70 ans de présence humaine chiche sur un monde désertique vide de toute vie autochtone. Trois aller-retours annuels assurés par des « soucoupes ». Un mode de vie qui ressemble à celui laissé sur Terre : petite ville communautaire habitée par de braves et bonnes gens (étonnamment, pas de pasteur) , shérif et adjoints, mineurs (ils vivent non loin, à Dig Town) qui extraient un étrange minerai phosphorescent (the Strange) envoyé sur Terre et utilisé aussi localement comme source d'énergie tant pour les soucoupes que pour les Machines (des robots plus ou moins humanoïdes qui assistent les humains dans quantité de tâches, de la plonge jusqu'à la guerre) . Sans oublier des cultistes dingos dans le désert, et même, maintenant, des bandits. Car c'est ainsi que commence le roman, par l'intrusion de trois vo...

The Warren - Brian Evenson - Et Schopenhauer sont dans un bateau


Sur Terre, peut-être, mais si oui, où ? Dans longtemps, sans doute, mais quand ? Après une apocalypse, on dirait, mais rien n’est sûr.

X – il n’a pas d’autre nom – se réveille/s’active dans le Warren – le Complexe/Dédale. Il est le dernier de son espèce. Seule compagnie, un ordinateur en train de rendre l’âme et qui ne l’aide guère.

X veut comprendre s’il peut survivre, si ceux qui l’ont précédé et dont il a le souvenir sont encore vivants, s’il peut trouver le nécessaire surtout pour en produire d’autres comme lui. Pour poursuivre. Poursuivre quoi ? A part la Vie elle-même, on ne voit guère quoi. Espérer aussi, peut-être, de pouvoir vivre – un jour – à l’extérieur, de pouvoir vivre plus donc. Car aujourd'hui l’extérieur est toxique, on ne peut y déambuler qu’en scaphandre et pour peu de temps. C’est pour cela sans doute qu’il veut tellement savoir si ceux qui l’ont précédé sont sortis et s’ils sont revenus.

X sort. Dans le danger. Il cherche. Il en trouve un autre. Plus ancien. Blessé. Semblable à lui mais différent aussi. D’une espèce proche mais pas techniquement la même. L’Autre parle. Ils se confrontent. D’un côté l’Autre. De l’autre, X.
Mais qui est X ? Réceptacle des personnalités de ceux auxquels il a succédé, X n’est même pas sûr de son identité. Quand au lecteur, il n'est même pas sûr qu'existe une chose qu'on puisse appeler l'Identité de X. Qui est acteur quand X agit sur le monde ? Un corps physique, une personnalité, une autre ? Laquelle est la bonne ? Y en a-t-il une de bonne ? Et quel bût poursuit l’inconnaissable X ? Perpétuer la vie, peut-être, sans bût second.

"The Warren" est un texte de questions plus que de réponses. De la vie, du danger, de l'ignorance, des questions, de la volonté de perpétuer la vie. Si on résume : de la Vie et rien d'autre.
Dans un style précis comme un laser, Evenson introduit monde et situation en quelques mots, quelques lignes de dialogue, qui montrent au lecteur sans s’adresser à lui. Il questionne aussi, son personnage comme son lecteur. C’est très finement fait. C’est glacé aussi.

"The Warren", c’est Le Monde comme Volonté et comme Représentation en novella futuriste.
« Un désir de vie aveugle et sans but » : la Volonté qui anime X.
La compréhension qu’a X de son monde et de l’histoire qui l’a conduit là, la compréhension qu’a le lecteur de X, de son monde, de l’histoire qui l’a conduit là, soumises à la Représentation, jamais connues directement ni de façon certaine.
La Chose en Soi nous est aussi inaccessible qu’à X. Devant le voile de la Représentation ne s’exprime de manière claire que la Volonté, aussi absurde que la danse d’Azatoth au centre de l’Univers.

The Warren, Brian Evenson

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