Espèce invasive - Christophe Esnault

Sortie chez Milagro Editions d’un petit opuscule qui, comme on dit, ne donne pas envie de danser, Espèce invasive , du poète Christophe Esnault. Quoique… Où mieux danser que sur le volcan ? Une espèce invasive, si on en croit la définition que donne le Muséum d’histoire naturelle est « une espèce vivante dont la prolifération provoque des dégâts dans le milieu dans lequel elles s’installent » . Le Ministère de la transition écologique etc. est plus explicite, précisant que « ces espèces représentent une menace pour les espèces locales, car elles accaparent une part trop importante des ressources (espace, lumière, ressources alimentaires, habitat…) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Elles peuvent aussi être prédatrices directes des espèces locales. » et « sont aujourd’hui considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité. Elles constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à près de la moitié des extinctions connue

Retour de chronique : Chants du cauchemar et de la nuit - Thomas Ligotti

Retour de chronique du Bifrost 78

Thomas Ligotti est une star de l’horreur psychologique et/ou philosophique dans le monde anglo-saxon, si connu et si nihiliste qu’on a accusé les créateurs de la série True Detective de lui avoir piqué des idées. Il n’était toujours pas traduit en France. Omission coupable réparée grâce aux Editions Dystopia et à la traductrice Anne-Sylvie Homassel.

Cette dernière a composé "Chants du cauchemar et de la nuit", un recueil VF inédit de l’auteur, comptant onze nouvelles, issues de divers ouvrages VO, et une préface de la traductrice. Judicieusement choisies, ces nouvelles offrent une vision globale des facettes du travail de Ligotti. De la presque classique Petits jeux, qui ouvre le recueil, au Tsalal qui le ferme, en passant par les lovecraftiennes L’art perdu du crépuscule ou Nethescurial, la diversité des textes présentés est la grande qualité de cet ouvrage.

Dans la lignée de Poe pour une certaine esthétique gothique, et plus encore de Lovecraft pour un matérialisme et un nihilisme absolus, Ligotti crée une horreur, gothique un peu, cosmique beaucoup, dans laquelle l’individu - on est tenté d’écrire la victime - se trouve confronté, à son corps défendant, à une vérité que l’illusion de la réalité lui avait toujours dissimulée. Comme chez Lovecraft, l’Homme de Ligotti n’est qu’un atome insignifiant au sein d’un univers qui, au mieux, l’ignore. Il n’y a pas de sens, pas de but, la vie même est superflue. Et la conscience : une erreur tragique de l’évolution. Mort et extinction sont préférables à la poursuite de la pantomime grotesque qui place l’Homme au centre de l’Univers ou de la Création. Comme l’écrit son préfacier Ray Brassier « Life, in Ligotti’s outsized stamp of disapproval, is MALIGNANTLY USELESS ».

La révélation est cruelle, terrifiante ; les yeux humains ne sont dessillés que dans la souffrance. Illusion, révélation, horreur, c’est le triptyque de Ligotti. Il y a toujours un visage derrière le visage, une ville derrière la ville, un paysage derrière le paysage, et c’est insupportable. Guère plus que des marionnettes (image récurrente), incertains de leur identité, les humains ne peuvent vivre sereins que dans l’ignorance. Un mot, un geste, une rencontre, un livre les force, pour le pire, à quitter la dreaming innocence. Voir c’est savoir, et savoir c’est vouloir l’annihilation. Pour illustrer cette philosophie, qu’il décrit explicitement dans l’excellent The conspiracy against the human race, Ligotti oscille sans cesse, dans ces nouvelles, entre des descriptions d’une beauté surprenante et des considérations philosophiques boursouflées au point d’en devenir obèses. Si le fond est passionnant, la forme très irrégulière et la narration bien trop souvent statique peuvent rebuter. Peut-être plus essayiste que novelliste, Ligotti n’est pas un auteur d’accès facile, quand bien même on adhère à sa philosophie. Il est néanmoins judicieux pour le public français d’aller à sa rencontre. Pour voir.

Chants du cauchemar et de la nuit, Thomas Ligotti

Commentaires

Sasha a dit…
J'ai une grande envie de le lire ! Encore plus avec ce billet O____o
Gromovar a dit…
Y a plus qu'à...