La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

« Un conteur qui ne raconte pas d'histoire n'est plus rien »


Voici qu’arrive le volume IV de l’intégrale Sandman. Toujours écrit par Neil « Neverwhere » Gaiman, toujours dessiné par les uns et les autres, toujours traduit par Patrick « GoT » Marcel. On peut lire les chroniques précédentes pour les détails et le background.
L’histoire continue encore et toujours. On lira d’abord trois récits courts puis l’arc principal, « Vies brèves ».

« La peur de choir ». Gaiman s’y raconte, un peu, indirectement. Mouaip.

« Le parlement des freux » permet de revoir les inénarrables Abel et Caïn et d’apprendre quelques secrets par leur entremise.

« Le chant d’Orphée » est une interprétation du mythe antique par Gaiman ; on sait que le Rêve et Orphée ne sont pas tout à fait des inconnus l’un pour l’autre. On y assiste au mariage d’Orphée en présence de toute la famille des Infinis, puis à tous les malheurs qui suivent ce jour de liesse. On y voit le Rêve et Calliope se séparer - ils se retrouveront dans le passé du lecteur, soit l’Intégrale vol. II - et on voit le Rêve, rigide, laisser son fils meurtri face à ses propres choix et à leurs conséquences.
« Le chant d’Orphée » est lié au « Thermidor » du vol. III.

Enfin le gros morceau, « Vies brèves ». Les Infinis, la famille du Rêve, est divisée depuis trois siècles par la défection de Destruction. Délire, triste et délirante comme de juste, décide qu’elle veut le retrouver car, croit-elle, tout irait mieux si la famille était réunie. Elle parvient à convaincre un Rêve en plein chagrin d’amour de l’accompagner pour une longue quête dans les terres de l’éveil. Il y retrouvera de vieux souvenirs, règlera enfin de vieilles affaires, et aura l’occasion de réaliser qu’il s’est humanisé avec le temps.

Dans ce très bon arc, le lecteur comprend que nul n’est infini, même pas les Infinis, que chacun a son temps et qu’il est le même pour tous : Une vie, et pas plus.

Il voit aussi que le Rêve change/a changé. Le passage du temps, l’expérience. Plus humain, il se soucie, peut-être pour la première fois, de ceux qui l’entourent ou qui interfèrent avec lui, alors que l’arc met en évidence le peu de considération que les Infinis accorde aux humains, fussent-ils des proches.

Le lecteur côtoie, dans « Vies brèves », une Délire absolument chaotique, complètement givrée, et très attachante à la fois. C’est une belle réussite d’avoir réussi à rendre aussi tangible la folie de la petite fille sans provoquer de rejet de la part du lecteur. Certaines des phrases, longues, alambiquées et invraisemblables, prononcées par Délire sont mémorables et suffisent à définir le personnage ; quand s’y ajoutent les couleurs dans ses phylactères…

Le lecteur assiste enfin aux tribulations d’une flopée de personnages secondaires, de la danseuse nue à la déesse chat égyptienne, qui mettent en évidence diverses facettes du changement et de la destinée, et prouvent qu’à la fin des fins, l’entropie gagne toujours. Nul n’y échappe.

Gaiman réussit encore une fois à tangenter sans cesse le délire (le vrai) dans sa narration sans jamais tomber du fil sur lequel il évolue en équilibriste. La capacité à aller aussi près que possible du bord de la falaise sans jamais chuter est, je crois, ce qui caractérise le mieux la série.

Enfin, pour ouvrir les nombreux « Extras » qui closent le volume, petit bonus avec une histoire tragique en neuf pages dans laquelle on reconnaît le peintre Dante Gabriel Rossetti, sa malheureuse femme Lizzie, et le scandaleux poète Algernon Swinburne.

Sandman, L’Intégrale tome 4, Neil Gaiman

Commentaires

Vert a dit…
Je viens de l'acheter, je sens que ça va être que du bonheur à relire. Delirium est vraiment un sacré personnage !
Gromovar a dit…
Yep. Je le fréquenterai volontiers.
Lorhkan a dit…
Aïeaïeaïe, j'ai du retard, toujours pas acheté le troisième !
En tout cas, ça semble toujours aussi bon.
Quelqu'un sait en combien de tomes Urban Comics va finir la série ?
Vert a dit…
@Lorhkan
Je crois qu'ils mentionnent 7 volumes sur le dernier en date. Je sais pas trop comment ils vont s'organiser pour les derniers ceci dit, on oscille entre le tout fin et le gros pavé au niveau des histoires xD
Gromovar a dit…
Oui. A surveiller pour pas se taper un ramassis de merdes dans les derniers.
Lorhkan a dit…
@Vert : ok merci pour l'info, je vais suivre ça de près. ;)