La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Torr He Brenn


"Dans la vallée des statues" est un recueil de nouvelles (une bonne partie de ce qui a été publié entre 74 et 95) de Robert Holdstock, publié chez Lunes d’Encre en 2004 et que je lis seulement aujourd’hui. Mieux vaut tard que jamais.
17 textes dans le recueil. De la SF, de l’anticipation, et surtout (évident quand on prononce le nom Holdstock) du celtique, plus ou moins directement celtique.

Débarrassons-nous rapidement de la SF :
Cendres, La croix du cimetière, Voyageurs, La caresse d’une main disparue, Un évènement sans importance, Les arbres à charisme, sont des nouvelles parfois agréables à lire, mais qui, comme un tout, semblent souffrir d’un déséquilibre interne, d’une incapacité d’Holdstock à choisir le genre d’histoire qu’il veut raconter, et sur quel ton le faire. On a donc des récits qui fleurent bon les 70’s avec fête, drogue, arts version happening, sexe récréatif néanmoins toujours déséquilibré à l’avantage du mâle, etc… parfois enrichis de fines intuitions post-humanistes. Pourquoi pas, même si le genre fait un peu démodé. Mais, et c’est dommage, ces nouvelles sont engoncées dans les oripeaux de l’âge d’or, dont Holdstock n’arrive pas à se débarrasser. On y trouve donc des « fusées » qui sont des sortes d’avions spatiaux, des ceintures de voyage dans le temps, de la téléportation, des technologies incroyablement et inexplicablement avancées utilisées par des « hippies » du futur ou des petits bourgeois de l’espace. Bof !
La croix du cimetière est la seule qui sorte du lot, avec son héros de retour vers un chez lui qui n’existe plus et une vision bien noire de l’avenir de la Terre.

Anticipation : Vieillir encore est une belle et étrange histoire d’expérience de vieillissement accéléré, menée sur deux cobayes humains enfermés dans une reconstitution et inconscients de leur propre servitude. Deux gâchis s’y croisent : comment ces deux victimes passeront une vie de deux siècles en quelques brèves années sous l’œil impudique d’une équipe de chercheurs, comment ces mêmes chercheurs perdront une partie de leur vie à observer celles de leurs sujets, pour certains jusqu’à la folie. Entre Truman Show, Algernon et Lebensborn.

Fantastique : Dans la vallée des statues est une histoire à l’ambiance parfaitement réussie. Mystérieuse, inquiétante, on y voit un journaliste bien peu éthique se placer, à son insu, dans une position dangereuse lorsqu’il accepte, pour des motifs fallacieux, l’invitation d’un sculpteur de génie qui est sans doute plus qu’il ne parait. On trouve dans ce texte, le sens du mystère, le spectacle de la cruauté, et l’amour de l’art, qui imprègnent l’œuvre d’Holdstock. Un très beau texte, en dépit de son caractère prévisible.

Le temps de l’arbre. Mouaip. Je ne sais qu’en dire.

Reste le celtique, parfois lointain. Et c’est là qu’Holdstock excelle. C’est la celtitude que l’auteur donne à voir. Une celtitude qui s’épanouit (mais est-ce le bon mot) dans les forêts, près des rivières, non loin des tumulus funéraires laissés par des prédécesseurs disparus, dans un wilderness superbement décrit. On y voit des peuples celtes païens, qui le restent même après avoir endossé le déguisement du christianisme, like wolf in sheep's clothing. On y voit des shamans et des mages, détenteurs de secrets anciens, commandant la nature et les formes, des apprentis dépassant parfois leur maitre, des hommes rudes aussi, résistant aux envahisseurs saxons, angles, normands ou finissant par les accueillir dans leur couche et leur pool génétique. On y voit des chevaliers arthuriens, mercenaires, chefs de guerre, loin de l’imagerie classique. On y décèle un Homme vert que le christianisme obligea à se dissimuler mais qui n’abandonna jamais ses droits sur les terres celtes. On y voit enfin des écarts de temps, des communication à travers temps, qui intriguent, inquiètent les personnages et brouillent les cartes pour le lecteur ; Holdstock aime bien cette approche visiblement.

On lira donc avec plaisir :

L’homme-magie. Brillant. Tension, rivalité, trahison, entre un shaman préhistorique et le plus grand chasseur de la tribu. Où l’on voit que la magie peut être mal utilisée, et que tel est pris…

La terre et la pierre. Brillant aussi. Archéologie, voyage temporel, disparition. Intrigant et joliment écrit.

Thorn. Où un sculpteur grave une image païenne dans une église en construction. On y voit les divinités celtes résister à l’invasion chrétienne. Et l’on voit une fois encore qu’il faut une longue cuillère pour diner avec le diable.

Le garçon qui franchissait les rapides émeut par le traitement qui y est fait à un garçon doué d’un étrange pouvoir (et, non, ce n’est pas un X-Man). On y voit aussi que nos sens nous trompent et que la foi peut se nourrir d’elle-même.

Scarrowfell, une inquiétante histoire de dette historique à payer par une vie. Une ambiance à la « Rosemary’s Baby » y saisit le lecteur.

Les selkies, étrange histoire, au traitement weird, lovecraftienne imho, cryptozoologique (avec de biens étranges sirènes), de secret passé, de domination et de sexualité déviante, sur un ilot perdu d’où nul n’entendra hurler les sirènes. On pourra penser à « La peau froide » de Munoz.

Enfin, cet Enfantasme qui décrit la genèse d’Arthur, liée à la rencontre (au pénal on dirait le viol par ruse) d’Uther et d’Ygrain, femme de son adversaire.

En conclusion, zappez la SF (et l’arbre), le reste c’est du bon.

Dans la vallée des statues, Robert Holdstock

L'avis d'Efelle

Ce recueil participe au challenge Mythic Winter Fiction de Lhisbei

Commentaires

Jae_Lou a dit…
Ah, il est dans ma PAL depuis que mon gentil libraire me l'a offert (pour me convaincre de me mettre aux Mythagos).
Tu me donnes l'envie de l'en sortir !
Ha tiens du Holstock. C'est marrant j'en ai chroniqué aussi il y a peu ;-)
Gromovar a dit…
@ Julien : les grands esprits, toussa ;)

@ Jae_Lou : Toute la partie celtique vaut carrément la peine.
Lorhkan a dit…
J'en ai lu une partie, avec le petit volume promotionnel "Thorn et autres récits", que j'ai bien aimé (un peu moins celui sur l'arbre, c'est vrai).

Je comptais me mettre aux Mythagos pour le challenge de Lhisbei, et puis pouf, pas le temps...
Gromovar a dit…
C'est cette Lhisbei qui nous fait des challenges trop courts ;)
Vert a dit…
Ca me rappelle que je voulais relire la forêt des mythmagos pour ce challenge. Ca sera pour une prochaine fois aussi xD
Gromovar a dit…
Next time, maybe...