Daredevil Redemption - Hine - Gaydos

Redemption, Alabama. Un enfant du coin est retrouvé tué et mutilé. Après une enquête expéditive le shérif et ses hommes mettent la main sur trois suspects qui font des coupables idéals. Deux garçons et une fille du coin, se disant satanistes tous les trois. Dans le contexte explosif de la mort d’un enfant dans une petite communauté l’affaire est pliée, c’est la chaise électrique qui attend les trois jeunes en dépit de leurs protestations d’innocence. Cette affaire désespérée, pourtant, c’est le brillant Matt Murdoch, plus connu sous le nom de Daredevil, qui la prend en charge en défense de l’accusé principal, sur l’insistance d’une mère sure de l’innocence de son fils. En terrain hostile, l’avocat new-yorkais mettra toute son énergie à disculper son client et à découvrir le vrai coupable. Car, dans une ville où le fanatisme religieux règne et où de sombres secrets obscurcissent la vue, seul l'aveugle qu'il est peut espérer y voir clair. Daredevil Redemption est un one-shot réé

Le grand chambardement


"La Bataille d’Occident" est le court texte qu’Eric Vuillard a consacré à la Grande Guerre. Lauréat du prix (franco-allemand) Franz Hessel 2012, il est brillant, pétillant, parfois fulgurant.

Ni roman, ni essai, "La Bataille d’Occident" est une fresque qui raconte la conflagration, de ses germes, quelque part entre la Révolution Française et la guerre de 1870, à ses conséquences logiques, sans oublier d’évoquer le fond colonialiste de l’époque, auquel Vuillard a consacré le récent Congo ; une sorte de long poème en prose, vagabondage intellectuel brillant dans lequel l’auteur, suivant sa pensée, saute d’image en image au fil de digressions improbables qui ne font jamais dilatoires.

Surtout, "La Bataille d’Occident" est le texte de quelqu’un qui connaît parfaitement les évènements, au point d’en restituer une version concentrée qui en contient l’essence même, comme ces restaurateurs qui concentrent la bouillabaisse dans une vérine. Sautant de date en date et de tranchées en capitales, Vuillard amène son lecteur dans tous les lieux qui comptent. Les lieux du pouvoir, bien sûr, où tout se décida, mais aussi, les champs, de fleurs ou de batailles, où vécurent et moururent vingt millions d’homme, victimes de l’imbécillité, de l’insensibilité, et de la rencontre mortifère entre une technique moderne et des superstructures traditionnelles. Il dit l’horreur absolue de la Grande Guerre ; il en dit l’absurdité profonde.

Je n’adhère pas pleinement aux charges antimilitaristes et révolutionnaires de Vuillard que je trouve un peu convenues, prévisibles, parfois proches des caricatures à la Lutte Ouvrière. Je trouve que l’auteur passe trop facilement sous silence la volonté politique de guerre au profit de l’analyse classique de l’enchainement des alliances, néglige la responsabilité écrasante de l’Allemagne dans la survenue du conflit, colporte une fois encore l’image de soldats partant chaud bouillants à la guerre alors que ce fut plutôt une acceptation résignée, est étonnamment succinct sur le ralliement des socialistes à la guerre. C’est son angle, sa vision des choses, son livre ; il fait ce qu’il veut. Et il le fait avec un tel esprit, une telle qualité d’écriture qu’il ne peut qu’emporter l’adhésion esthétique.

Je trouve, en revanche, qu’il montre bien, par de fins artifices de style, que soldats français et allemands furent frères dans le même malheur, pions sacrifiables d’une partie d’échec européenne dont ils n’étaient pas les joueurs. Je trouve brillante et très signifiante l’idée de citer des noms de soldats de base à côté de ceux des généraux ou des politiques qui les envoyèrent à une mort certaine, afin qu’ils soient unis pour l’éternité. Je trouve l’ironie pince sans rire de Vuillard appropriée, ajustée même, à l’absurdité d’un conflit dont tous savaient qu’il n’en sortirait rien de bon pour personne, et que personne pourtant ne voulut empêcher. Je trouve enfin bien vu les parallèles fait entre les systèmes concentrationnaires ou de travail forcé qui furent mis en place pour pourvoir aux besoins matériels de la guerre industrielle et ceux que les Anglais, alors dans le camp du Bien qui est toujours celui des vainqueurs, instaurèrent en Afrique du Sud lors de la guerre des Boers ; nul n’est innocent, on est toujours le bourreau de quelqu’un.
Et surtout, "La Bataille d’Occident" est un efficace résumé de quatre ans de conflit et de quelques siècles de prémisses.

"La Bataille d’Occident" est donc un bien beau texte, documenté, cultivé, souvent drôle, à lire au second degré en se souvenant que l’ironie est la politesse du désespoir.

La Bataille d’Occident, Eric Vuillard

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