Justine Niogret - Calamity Jane, un homme comme les autres

IL SORT AUJOURD'HUI «  Que vous sert, courtisane imparfaite, de n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ?  » C'est par ces mots que Baudelaire concluait son Remords posthume . Dans un genre et pour une vie largement différents, ces mêmes mots pourraient s'appliquer à la Calamity Jane racontée par Justine Niogret. Calamity Jane donc. Tout le monde la connaît, même ceux, dont je suis, qui ne savent à peu près rien d'elle. Légende de l'Ouest, femme pistolera, Jane est de ces figures dont on sait le nom sans pouvoir se rappeler quand ni comment on l'a entendu pour la première fois, comme Billy le Kid, Davy Crockett ou Buffalo Bill (dont le Wild West Show, auquel appartint Calamity Jane, fit une escale à Marseille en 1905 - sans Jane, à cette date elle était morte et enterrée depuis deux ans) . Calamity Jane donc. Dont le vrai nom était Martha Jane Cannary et qui était née en 1856 dans une famille pauvre de Princeton, Missouri. Première de six enfants, Martha...

Eclosion


Voici une intégrale qui me faisait de l’œil depuis un moment et que je n’aurais peut-être pas achetée si je ne venais pas de lire La loi des mages. Même espace-temps ou presque, même illustrateur, il fallait que j’en ai le cœur net.
Russie, 1894, octobre sans doute. Mais pas la Russie que nous connaissons. Une Russie uchronique, magique et féérique. L’empereur est un dragon très âgé ; il est devenu fou. Il fait tuer, piller, asservir, sans limite ni vergogne. A son service une garde prétorienne de vierges combattantes qui le protègent et accomplissent ses basses besognes (qui sont nombreuses). Quand l’histoire commence, la révolution vient de gagner, elle a pris le pouvoir dans la capitale, et l’empereur est mort. Une guerrière drakh a réussi à fuir avec le dernier des œufs du dragon. Celui-ci devient l’enjeu d’une traque opposant révolutionnaires et fidèles de l’empereur, tous à la poursuite d’un trésor qui peut changer l’issue de la révolution et que sa voleuse/protectrice ne veut plus abandonner. De surprises en rebondissements, le lecteur est balloté dans un pays magique en plein tourment, vers une conclusion qui laissera les acteurs de l’histoire désarçonnés, pour le moins.
Nicolas Pona, le scénariste, livre au lecteur une version revisitée de la révolution de 1917 ainsi qu’un joli hommage à l’imaginaire russe. Il y a donc dans les pages du Cycle des elkins (dont le nom rappelle vaguement les elfes, mais qui peuvent aussi évoquer les métamorphes leshii, les esprits russes de la forêt), une lamia, un mage sibérien et sa magie de glace, un vaisseau-sorcière, avec sa figure de proue vivante comme sur les liveships des romans de Robin Hobb, des fées, des sylvains (qui pourraient eux aussi être des leshii), des streggas (sorcières), des « affamés », une voleuse devineresse, des pénates, etc. Mais il y a aussi des révolutionnaires (des rouges et des noirs), qui s’aiment autant que dans la vraie vie et s’entretuent donc allègrement, des dirigeants cyniques et obscènes, des contre-révolutionnaires, fidèles de l’empereur espérant relancer la dynastie grâce à l’œuf, des assassins amoraux, un asile psychiatrique (spécialité russe) dans lequel avait lieu des expériences atroces, des soldats sacrifiés sans une pensée (comme dans tous les conflits, et en particulier dans les conflits révolutionnaires tant l’enjeu vaut tous les sacrifices, ou pas ; on pourra relire utilement Leur morale et la nôtre, court essai de Trotski que feraient bien de se remettre en mémoire beaucoup de gens aujourd’hui), et enfin un ogre qui mettra fin à la révolution (de la manière dont ce genre de chose finit en général, c’est à dire peu aimable, et c’est un ogre : chacun pourra imaginer qui il représente).
Nouvelle Russie et Russie traditionnelle voire légendaire se mêlent donc pour le mieux dans cette série de BD, chacune interagissant avec l’autre. Le dessin de Christophe Dubois illustre magnifiquement cette épopée, avec des villes grandioses, des paysages immenses, et neige, brouillard, forêt. Dubois donne à voir une Russie légèrement steampunkisée, superbe entre tradition et modernité. Les couleurs ainsi que les lumières sont également très réussies. Je ne formulerais qu’un petit reproche graphique. Il concerne les visages, que j’ai trouvés assez laids dans la première moitié de l’intégrale, avant de devenir de très bonne qualité dans la seconde moitié. Mystère du pinceau.
Cette intégrale est belle, construite, palpitante, et ne coûte que 25 €. Vous êtes toujours là ?
Le cycle d’Ostruce, Intégrale, Pona, Dubois

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