La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Un pays puissant et prospère


Le titre de cette chronique est la devise officielle de la République populaire démocratique de Corée, plus connue sous le nom de Corée du Nord. Risible si ce n'était tragique.
Un serial killer en Corée du Nord, faute de mieux Jean-Luc Bizien cultive l'originalité. C'est cette particularité de "L'Evangile des ténèbres" qui m'a décidé à l'acheter, sans en attendre grand chose de plus qu'une plongée vaguement instructive dans un pays méconnu et fantasmé. Et c'est bien ce que j'ai obtenu de cette lecture, sans plus.
Disons-le clairement, "L'Evangile des ténèbres" n'est pas un bon roman, et, quand je lis les commentaires dithyrambiques qu'on trouve sur certains forums, je m'interroge fortement sur l'impressionnabilité de leurs auteurs. En 560 pages (250 avec une taille de caractères et un interlignage normaux) Jean-Luc Bizien emmène le lecteur avec lui pour une virée en Corée du Nord. Dans la mesure où tout est dit mais peu est connu sur ce qui s'y passe vraiment (et à condition de faire confiance à la documentation de l'auteur), "L'évangile des ténèbres" permet d'en apprendre un peu sur la régime nord-coréen, son idéologie délirante, son système répressif brutal et paranoïaque. Un peu, c'est mieux que ce qu'en sait la plupart des français (moi compris) mais ça reste peu. Rien à voir avec la qualité de l'immersion qu'on trouve dans Enfant 44 par exemple. Donc Kim-Jong-Il ("Le Cher Leader", jamais présent dans le livre) est fou mais il a été bien malheureux dans son enfance, autocrate sanguinaire, il est le seul tenant mondial de l'idéologie du djoutché que Pierre Rigoulot définit ainsi dans son ouvrage "Corée du Nord, Etat voyou" : Le djoutché est un salmigondis de références et de mots d'ordre, taillé sur mesure pour Kim Il-sung, père fondateur de la nation et père biologique de Kim Jong-il! En deux mots, cette "philosophie" consiste à affirmer la maîtrise de soi-même et l'indépendance par rapport aux influences extérieures. Elle exalte un socialisme "à la coréenne", le "Grand Dirigeant" étant, en principe, celui qui exprime le mieux cette coréanité. Le djoutché traduit une conception organique du pouvoir: chaque individu s'apparente à la cellule d'un grand corps dont le "Grand Dirigeant" constitue le cerveau tandis que le parti et les organes de l'Etat en sont les muscles, la production est agricole, médiévale dans ses techniques, les voies de communication sont dans un état lamentable, de toute façon n'y circulent que quelques voitures officielles et des convois militaires, et de surcroit les déplacements intérieurs sont strictement règlementés, enfin, la disette est permanente, la famine récurrente, l'électricité est coupée plusieurs fois par jour, de même que le chauffage l'hiver (La Corée du Nord apparait noire sur les photos nocturnes des satellites), les opposants sont mis en camp ou fusillés, ainsi que les fous, les déviants, les handicapés, et tous ceux qui menacent la parfaite harmonie et la réussite éclatante du régime ; sur 20 millions d'habitants 1 million et demi est militaire. Tout ceci, l'auteur nous le montre ou, ne sachant pas comment le montrer, nous le fait dire par des personnages informés, notamment les "traducteurs" attachés par le régime aux occidentaux.
Parlant des personnages, nous avons un journaliste américain d'origine coréenne, prétexte à une moitié de l'histoire (il faut aller le récupérer derrière les lignes) qui se traine, blessé et impuissant durant tout le roman. Son mentor, vieux briscard de la presse US, s'infiltre en Corée du Nord pour l'en exfiltrer. Son personnage de ronchon, tête brulée et caractériel, ne devient utile qu'à la moitié du roman environ, et encore, uniquement comme candide ; sa personnalité est rapidement insupportable tant elle est invraisemblable. Il est aidé par une humanitaire qui est plus que ce qu'elle prétend (et qui est, dixit la 4ème de couv', ravissante ; je ne savais qu'on utilisait encore le mot ravissante). Parallèlement à ce sauvetage, un officier coréen enquête sur une série de meurtres qui vont l'amener à mettre à jour un terrible secret impliquant le régime (voila qui est original). Il a peur, comme tous les coréens. Peur de ne pas trouver et de décevoir, peur de trouver et de devenir gênant ; ce qui s'appelle aller de Charybde en Scilla. Enfin il y a le "chasseur", fou à lier, qui tue pour se plaindre de l'arrêt du terrible programme secret. Qu'on sache que tout ce monde va se retrouver, à la fin, dans un camp, où toutes les questions connaîtront leurs réponses.
Enquête trop rapide (les voies de la compréhension sont presque miraculeuses), second fil narratif (le jeune journaliste perdu en Corée) largement inutile (fallait-il accrocher le lecteur occidental avec un héros dans lequel il puisse se reconnaitre ?), personnages peu attachants ou caricaturaux, écriture totalement insipide, voila qui fait beaucoup pour un seul roman. Si on y ajoute une certaine confusion dans les motivations des uns et des autres, et (ça ne m'était encore jamais arrivé) un chapitre qui donne l'impression d'avoir été oublié au montage alors qu'il devait être coupé (pages 312 à 314), ma bienveillance légendaire a fini par s'épuiser. Parler pages me rappelle qu'il y a 100 chapitres dans "L'Evangile des ténèbres", ce qui fait en moyenne 5 pages par chapitre, ou 2 pages de taille normale. Là, on n'est plus dans de la narration rythmée, on est dans un montage clip. J'ai craint d'en faire une crise d'épilepsie.
L'Evangile des ténèbres, Jean-Luc Bizien

Commentaires

Efelle a dit…
Jean Luc Bizien c'est du bon roman de gare qui tâche pour ce que j'en ai lu (le club Van Helsing).
Pas nécessairement mauvais mais pas très profond non plus.
Bref pas ta came ni la mienne ou alors à dose homéopathique.
Quant aux critiques dithyrambiques je m'en méfie depuis mes déboires avec Gemmell. Je ne suis plus que les critiques ou chroniqueurs avec qui je partage des goûts (toi, Guillaume44, Nébal, Hugin et Munin, Lhisbei, certains du Cafard ou de Bifrost) et seulement quand ils arrivent à me convaincre (sur Riverdream, commencé hier, vous avez réussi et c'est à toi que je dois d'avoir lu Armageddon Rag).
Méfiance donc quand je ne les connais pas ou que je sais qu'on n'est pas sur la même longueur d'ondes.
e a dit…
Correction pour ma liste d'avis : principalement toi, Guillaume44, Nébal, Hugin et Munin, Lhisbei, certains du Cafard ou de Bifrost.
Je picore aussi sur quelques blogs de notre petite communauté.
Gromovar a dit…
Je n'en avais jamais lu mais ça correspond bien à ce que tu en dis.

Bizien, checked.
Un lecteur a dit…
@Efelle : Les bons romans de Bizien sont amha "Le Masque de la Bête" et "La Muraille" (réédités et complétés sous le pseudonyme de Scott McFarrell)
Et La Chambre Mortuaire est très sympa. La Mort En Prime Time et WonderlandZ aussi, dans des genres différents, et plus légers.

Le roman du club Van Helsing n'est pas du tout représentatif de son style, bien au contraire.

Par contre, je n'ai pas lu le roman critiqué ici, donc je me garde de donner un avis dessus.