The Nice House by the Sea - Tynion - Bueno - Bellaire

Sortie de The Nice House by the Sea , le premier volume du second cycle de la série Nice House . Le chef d’œuvre (encore un) de James Tynion IV assisté de Alvaro Martinez Bueno et Jordie Bellaire aux pinceaux, le tout traduit par Maxime Le Dain, se poursuit donc, comme annoncé. Cette chronique sera courte car il ne faut spoiler ni ce nouvel album ni la duologie précédente. Que puis-je dire, lecteur, sans lever le voile plus que ne le fait le site de l'éditeur ? Sache d'abord, lecteur, qu'il ne fait pas commencer ce nouveau cycle sans avoir lu le précédent. Il est clairement une suite et donc, sans avoir lu ou relu, tu ne comprendrais sûrement pas grand chose aux enjeux du récit – au mieux tu comprendrais peut-être certains points mais sans toucher du doigt les tensions internes qui existent entre les personnages impliqués. Ceci posé, sache, lecteur, que de nouveaux personnages entrent en scène, dans un nouveau lieu, une luxueuse maison « à la grecque » au bord de la mer....

FightLostWayCrashClub


Tout le monde ici a vu, ou mieux, lu "Fight Club" ; que ceux qui ne l'ont pas fait sortent et ferment la porte. Chuck Palahniuk s'y attaquait à la société de consommation et au mode de vie factice qu'elle offre à tous, en particulier à ces yuppies qui peuvent s'en offrir une grosse tranche. Il mettait en évidence l'absurdité de la vie et des désirs du salaryman contemporain. Il montrait comment ces désirs, une fois extraits de la praxis pure et vocalisés, paraissent étriquées et mesquins. Il rappelait inlassablement par l'exemple que dans "petit bourgeois" il y a d'abord "petit", et que l'homme contemporain, protégé de la guerre, de la maladie, des catastrophes, de sa propre violence et de celle des autres, vit une existence tiède et dépourvue de sensations réellement fortes entre mater/paternité béate, soutien psychologique, et fin de vie sous Nambutal.
Dans "Peste", Palahniuk fait encore du Palahniuk et il le fait plutôt bien. Cynique, caustique, il montre sans jamais juger ouvertement, mais avec le léger décalage d'angle qui met en évidence le côté ridicule, vide, ou contestable d'une pratique. Au fil d'une intrigue relativement inracontable en terme de pitch, il décrit la trajectoire de Buster Casey, un apporteur de chaos. Ecrit sous la forme d'un reportage dans lequel des dizaines de témoignages courts s'entrechoquent, "Peste" se compose de trois parties clairement distinctes. La première nous montre l'enfance et l'adolescence de Buster Casey dans la petite ville trouducudumondesque de Middleton (le nom dit tout). La seconde nous narre ses aventures asociales dans la grande ville. La troisième, fantastique, appuie puis éclaire le mystère du personnage. Des trois, la première est clairement la meilleure. Palahniuk introduit dans une petite ville américaine un élément corrupteur qui remet en cause, par ses actes, les fondements de la communauté. Meurtre des familiers, négation de la valeur de l'argent, détournement des fêtes traditionnelles, amitié avec les nuisibles, rejet de la prophylaxie, priapisme ostentatoire, Casey n'épargne rien à Middleton ; il n'y a donc rien d'étonnant à ce que son ennemi d'enfance soit le shérif de la ville, lui dont la fonction est d'assurer la stabilité sociale. Dans la seconde partie, qui évoque immanquablement "Crash" de Ballard, Casey rejoint, dans la grande ville, un groupe de gens qui veulent ressentir en vrai, et pas par simulation ou ersatz interposé. Ceux-ci forment une sous-culture de l'accident de voiture nocturne, recherché et provoqué, qui leur permet de dépasser les limites sociales. Ironique, cette sous-culture détourne les codes les plus mainstream de la société judéo-chrétienne de consommation à son profit. Chasseurs et chassés se reconnaissent avant les courses poursuites car ils agrémentent leurs voitures de sapins de Noël, de matelas, de décoration de mariage, de mugs de café (voir l'objet code et le reconnaitre, c'est ce qui permet à la flash mob de coaguler). Ils s'identifient ainsi entre eux, tout en restant pour les autres de braves gens qui rentrent d'un mariage ou ramènent chez eux un arbre de Noël ou un matelas après un déménagement. Il forment alors une sorte de cinquième colonne infrasociétale, et en tout cas subliminale. Une colonne dont la société peut tolérer l'existence tant qu'elle n'impacte pas la sienne car quand l'épidémie de rage viendra de cette frange, la société se défendra violemment. En transmettant le virus de la rage et en enflammant son sapin (empêchant par là quiconque de ne le voir que du coin de l'œil), Casey mettra les marginaux en pleine lumière, ce qui forcera la société à réagir par l'éradication. La troisième partie, clairement fantastique, introduit le lecteur à la généalogie de Buster Casey et à la cosmologie de Palahniuk. J'ai pensé à "Lost Highway" de David Lynch, et, par voie de conséquence, à un ruban de Möbius. Qu'apporte cette partie à ce qui a précédé ? Honnêtement pas grand chose.
Au final, "Peste" est un joyeux bordel critique et caustique et un bon moment de lecture intelligente, même si le roman aurait sans doute gagné à être un peu plus court. Après ça il va vraiment falloir que j'attaque "L'homme unidimensionnel".
Peste, Chuck Palahniuk

L'avis d'Hugin & Munin

Commentaires

arutha a dit…
C'est dommage ! J'aurais bien aimé lire ton billet. Mais n'ayant ni vu ni lu Fight Club, je suis sorti et j'ai fermé la porte ...
Gromovar a dit…
Pour toi, je fais une dérogation spéciale.
El Jc a dit…
Il est dans la PAL depuis la chronique de nos deux corbeaux. Ravi d'avoir un second retour de cette nature sur cet ouvrage
Gromovar a dit…
Il est à quelle profondeur géologique ?
El Jc a dit…
Profondeur relative, la chronique est de juillet 2009 ;o)