La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Péremption rapide


Voila. J'ai lu mon roman annuel de littérature blanche. Checked.
"Le Roman de l'été" provoque chez moi deux impressions opposées.
Commençons par le positif. Nicolas Fargues sait écrire. Son style est élégant, et il l'adapte sans cesse au personnage en scène. Son roman réunit une collection de personnages caractéristiques de notre ici et maintenant. Du cadre moyen, gonflé de lui-même dans sa cadremoyennitude, à l'ouvrier des chantiers navals envieux et étriqué, en passant par les bobos parisiens rurbanisés, le député maire ambitieux, les djeunz de banlieue en stage, les racistes ordinaires de bistrots, les lolitas en quête de style, et le petit con friqué qui se la joue rebel without a cause, tous sont vrais et sonnent vrais ; les dialogues sont certainement la réussite de cet ouvrage. Mais ils ne seraient rien s'ils n'étaient portés par des personnages ad hoc. Cynique caricaturiste, Nicolas Fargues décrit le banal et il n'en rend que la laideur. Où Baudelaire cherchait la beauté du laid dans une charogne, Fargues la voit partout, sans cesse. Il décrit nos contemporains d'une manière qui ne les grandit pas, et nous sommes tous un peu de chacun de ses "héros". Le voir mettre le doigt sur tout ce qui fait mal amène malaise mais aussi jubilation. Ils nous fascinent car nous sommes tellement mieux qu'eux, et ils nous consternent chaque fois qu'ils nous ressemblent. Le point sur lequel Fargues insiste sûrement le plus est la réalité de la dégradation physique, passé l'âge de 20 ans environ. Dégradation assumée par les prolos et péniblement cachée par les bobos. Mais dans les deux cas, elle est là. Fargues brise le mythe de la belle femme de 40 ans ou de l'homme en forme de 50. Tous deux sont dégradés, ils ne sont physiquement plus que des versions de moins bonne qualité de ce qu'ils étaient à 20 ans. Et la déchéance physique est le reflet des illusions perdues, des voies de garage, des erreurs irrattrapables. Comme le portrait de Dorian Gray, le corps porte inscrit en lui les stigmates de la vie. Et un stigmate n'est jamais beau à voir. Cette laideur est enfin mise en évidence dans la méta position d'observateur désabusé dans laquelle se trouve toujours le personnage principal. Témoin de ses rapports humains et de ses conversations, il les analyse au fur et à mesure de leurs déroulements, et il les joue alors plus qu'il ne les vit.
Sur le plan négatif, il manque à ce roman une histoire un tant soit peu vraiment intéressante. Fidèle à une certaine tradition française, Fargues décrit des situations banales vécues par des gens banals. C'est certes bien vu, mais ça ne va pas bien loin. De plus, son inscription extrême dans la réalité contemporaine fait de ce roman un produit à courte vie. Quand les références ne feront plus sens, il n'en aura plus non plus. Enfin, l'acmé de l'histoire tourne le dos au rafraichissant cynisme pour devenir strictement judéo-chrétienne : c'est la faiblesse qui permet d'obtenir la victoire, le faible vainc le fort au moyen de sa faiblesse ; Nietzsche en aurait fait une syncope.
Au final, un livre agréable à lire mais que j'aurai sans doute oublié assez rapidement. Gouleyant mais court en bouche.
Le Roman de l'été, Nicolas Fargues

Commentaires

Nolt a dit…
"Fargues brise le mythe de la belle femme de 40 ans"

--> Hé, une belle femme de 40 ans, même de 50 d'ailleurs, c'est quand même pas un "mythe", lol.
Quant au fait qu'un stigmate (une ride quoi) ne soit jamais beau à voir, ça se discute. Je crois à une certaine logique des rides (réelles ou littéraires) qui permettent d'illuminer un regard bienveillant ou d'assombrir des yeux fatigués et aigres (parce que suivant que la ride soit sur le côté de l'oeil ou entre les yeux, elle ne raconte pas la même histoire).

"Fidèle à une certaine tradition française, Fargues décrit des situations banales vécues par des gens banals."

--> C'est la tradition qui suppose, à tort, que ce qui est "chiant" est forcément intelligent. Je caricature mais on retrouve ça dans toutes les formes d'art en France. Le côté peu accessible de la forme étant alors supposé garantir l'intelligence du fond. Ce qui n'a bien sûr aucun rapport.

"Nietzsche en aurait fait une syncope"

--> Je crois qu'il n'a pas terminé en très bonne santé justement. Une prémonition peut-être ? ;o)

Article très intéressant en tout cas, comme toujours.
Gromovar a dit…
Mythe : Belle sans doute, mais dégradée aussi au sens propre du mot dégradé ;-)

Tradition française : Tout à fait d'accord. C'est notamment la marque de fabrique du cinéma d'auteur en France qui est le plus nombriliste du monde.

Nietzsche : Merde alors ! Je croyais que c'était Sim qui venait de passer l'arme à gauche ;-)
Aigo a dit…
Le stéréotype du roman que je déteste, quoi, du style pour du style...

Ce que tu appelles de la littérature "blanche", c'est quoi? De la littérature générale, qui ne s'inscrit dans aucun genre?


"Nietzsche en aurait fait une syncope."

Pour si peu? c'eût été donner la victoire au faible, il s'en serait bien gardé.
Gromovar a dit…
@ Aigo : oui pour la "blanche" ; et croisons les doigts pour le grand Fred.
Anonyme a dit…
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