La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Strange Fruit - Waid - Jones - Inutile


Après Superman chez les Soviets, voici que je lis Superman chez l'Oncle Tom.

1927, Mississipi. Le fleuve, gros comme jamais, n'est contenu qu'à grand peine par des digues faiblissantes. D'immenses inondations menacent les villes et les plantations. Il faut renforcer les digues, sans grand espoir de réussite ; se résoudre aussi à la perte de certaines propriétés. Le malheur des catastrophes naturelles.
Mais le Mississipi de 1927 est aussi le lieu d'un malheur très humain, car, sur les digues, les ouvriers noirs travaillent de gré ou de force pour un salaire de misère.

Une ségrégation complète frappe la population noire, pourtant libérée de l'esclavage depuis plus de 60 ans par le XIIIème amendement. Les Noirs des Etats du Sud forment une population méprisée, raillée, victime de toutes les petites vexations du racisme ordinaire, et aussi des immenses torts qui résultent de l'inégalité scolaire, professionnelle, judiciaire. Une population dont la fraction blanche, dominante, attend qu'elle soit aussi soumise que du temps de l'esclavage. Pour ces dominés, résister c'est risquer d'être battu, emprisonné, voire pendu lors d'une de ces expéditions punitives que mène le Ku Klux Klan et dont la visée est clairement la domination par la terreur. Strange fruits.

Dans ce contexte rieur, non loin de Chatterlee, en pleine inondation, s'écrase un engin spatial qui transporte à son bord un colosse aussi noir que mutique. Ce mystérieux géant, un Superman sans le moindre doute, sauvera la ville de l'inondation attendue.

On ne fait pas de bonnes littérature avec de bons sentiments. On le vérifie une fois encore ici.
Que nous dit ce comic ? Rien que nous ne sachions déjà. La domination blanche, le KKK, les pendaisons, tout ceci est connu sauf à avoir passé toute sa vie dans une grotte.
Sur le plan narratif, il ne se passe pas grand chose de palpitant ; pour tout dire on s'ennuie à la lecture. Même la construction est étrange, avec des fils tirés dans plusieurs directions sans être jamais pleinement développés.
Les personnages sont, au mieux, cookie-cutter. Le très méchant gars du Klan qui passe son temps à être méchant. Le sénateur local, sage et largement impuissant. Le Noir forte-tête, qui tourne un peu en rond et sert de lièvre au gars du Klan. L'ingénieur envoyé par Washington, un Noir pour que ce soit un peu croquignolet (on croit au début que les interactions de ce personnage avec les Blancs racistes seront éclairantes, en fait même cette idée tombe à l'eau). L'enfant disparu puis retrouvé (clairement le fil de trop). Le pasteur noir qui fait de la figuration. Et j'en passe.
Fils peu ou mal suivis, personnages inconsistants, on dirait que Waid s'est lancé dans une histoire qui ne l'intéressait pas.

Et que dire de ce Superman muet ? Que dit-il ? Que nous dit-il ?  Rien. Tout simplement rien. Il n'est même pas un modèle ou un moteur pour les Noirs de Chatterlee. Et que fait-il ? Il traverse l'histoire sans avoir l'air d'y comprendre grand chose, sauve la ville (on se demande bien pourquoi, et comment il comprend quoi faire), puis disparaît, emporté par le courant. Voilà. Fin de l'histoire. La vie reprend son cours comme avant. Ce Superman noir n'aura été qu'une étoile filante. A quoi servait toute cette histoire ? Je l'ignore.

Finalement le seul moment intéressant de tout le comic est la toute fin, où l'on voit comment la vérité des faits est passée sous silence et comment ce que relate la presse c'est la visite du « sauveur blanc », en l’occurrence Herbert Hoover. L'histoire noire, non documentée.
Si l'on doit, pour finir, nommer une qualité, il y a ces graphismes absolument superbes, peints, qui rappellent Rockwell.

Inutile.

Strange fruit, Waid, Jones

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