Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

Sykes : les Vestiges de l'Ouest

"Sykes" est un one-shot western. L'album signe aussi la première incursion de Pierre Dubois, scénariste spécialiste des elfes et des revenants, dans ce genre réaliste. Il a bien fait, c’est une réussite.

Deuxième moitié du XIXème siècle, Wyoming, dans les prairies grasses au pied des Montagnes Rocheuses. « Sentence » Sykes, marshal, tireur d’élite, et figure respectée de la loi, chevauche à la poursuite d’une bande de tueurs impitoyables qui écume la région en y laissant une trainée de sang. Braquages, incendies de fermes, viols et meurtres, rien n’arrête ces hommes qui semblent sortis de l’enfer même. C’est pourquoi Sykes conseille aux habitants de la petite ferme où il se désaltère au début de l’album - le jeune Jim Starett et sa veuve de mère - de quitter les lieux ou au moins d’être très prudents.
Hélas, ils n’écouteront pas. Peu après, Jim verra sa mère subir les sept outrages et ne devra sa vie qu’à une fuite éperdue. Il rejoindra Sykes et s’imposera par ruse dans le petit groupe que celui-ci lance aux trousses de la bande de tueurs. Tous partent pour la vengeance autant que pour la justice.

A priori, l’histoire que je viens de résumer à grands traits est celle d’un honnête western. La ferme assassinée, l’homme de loi habité, les adjoints, les bandits, la vengeance, même l’enfant sont des figures du genre. Et honnêtement ce n’est pas mon genre favori, il a fallu la chaude recommandation de Laurent Leleu et de Bertrand Campeis pour me convaincre. Je dois donc dire que leur conseil était de très bon aloi et que l’honnête western dont il est question est parfaitement réalisé.

Mais dans "Sykes" il y a indiscutablement plus. Lisible à plusieurs niveaux, l’album est crépusculaire et tragique. Sykes, hanté par une tragédie personnelle, s’est abandonné à la violence légitime que lui permet la poursuite de la justice. Nietzschéen anti héros qui a regardé au fond de l’abîme et a vu l’abîme regarder vers lui en retour, Sykes se voit aussi en Achab, à la poursuite incessante d’une image qu’il n’atteindra jamais. Passant sa vie sur la route avec son partenaire O’Malley, de bandits en bandits et de gunfight en gunfight, Sykes y vieillira sans jamais s’arrêter, sans jamais vivre vraiment. Il rappelle fortement le Matt Damon de Raisons d’Etat ou le Anthony Hopkins des Vestiges du Jour, passés à coté de leur vie, fonctionnant des années durant en leur propre et unique compagnie, sans jamais connaitre les joies de la vie.

Et pourtant qu’aurait-il du faire ? Raccrocher les flingues ? Comme son ami Jess qui, lui, l’a fait à temps, a cru échapper à toute violence en devenant fermier auprès de sa brave femme mais a fini par succomber à la rapacité des puissants dans un pays en train de se construire ? La violence économique d’un monde en marche écrase les occupants des plaines, pionniers, premiers fermiers, indiens, bisons, tous dans le même bateau, poussés vers la sortie par les puissances d’argent qui vont façonner le pays. A cette violence en répondra une autre plus directe, et le cycle recommencera. Le témoin passe de la main d’un vieillard mort à celle d’un gamin désespéré et vengeur. Tragique, vraiment.

C’est donc une très belle histoire, poignante et riche (même si la mort du Révérend paraît vraiment rushée, problème de pagination ?) que raconte Dubois, et il est très efficacement secondé pour cela par Armand aux dessins et Gérard aux couleurs qui font tous deux un travail magnifique (mis à part les ignobles moustaches noires en aplat qu’on dirait collées). Les paysages sont panoramiques, les prairies ventées et grasses, les montagnes dans le lointain dessinent des objectifs vers lesquels galoper, les cowboys s'affichent en contre jour sous un soleil éclatant entre mésas et vallées. Et puis il y a les petites fermes en bois, les saloons plus vrais que nature avec leurs filles de joie et leurs têtes brulées, les rues en terre brune des villes de l’Ouest. Sans oublier l'époustouflante mort par balle de la page 52, explosive comme celles de Full Metal Jacket. On y est. C’est un film. C'est un western. C’est superbe.

Sykes, Dubois, Armand, Gérard

Commentaires

Baroona a dit…
Je suis déjà à moitié convaincu quand je vois le mot "western", mais si en plus tu lui donnes ta bénédiction, j'en prends bonne note !
Gromovar a dit…
Je crois que tu peux y aller sans grande crainte.