La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Rebel without a cause


A condition de savoir qu’on entre dans une allégorie et qu’il est donc vain de chercher un grand réalisme scientifique dans l’album, "Le Transperceneige" est une bien belle œuvre d’anticipation.

Ecrit en 1984 par Legrand et Lob et dessiné par Rochette, "Le Transperceneige" est un grand classique que je n’avais encore jamais lu. Omission corrigée.

Futur indéterminé. Au début d’une guerre, la bombe climatique a éclaté, plongeant le monde dans une glaciation sans fin. Comme le répète en boucle le texte, « le Transperceneige aux mille et un wagons, dernier bastion de la civilisation » parcourt sans trêve ni répit les étendues glacées à la recherche d’un havre peut-être ou simplement car s’arrêter c’est mourir. L’histoire de toute vie.

A l’intérieur s’entassent, pour aller vite, trois classes de citoyens. Les privilégiés, dirigeants et religieux, à l’avant, dans les wagons dorés où le luxe est le norme. Les queutards, qui ont pris le train d’assaut lors de son départ et survivent depuis, dans des conditions de surpeuplement, de famine et de maladie atroces, dans les derniers wagons du train. Entre les deux, les classes moyennes, moins bien loties que les privilégiés mais prêtes à sacrifier les queutards pour protéger leur confort petit bourgeois sans comprendre qu’ils deviendront alors l’unique classe inférieure. Les militaires encadrent le tout avec brutalité, sous les ordres d’un colonel de la classe privilégiée. C'est en effet la « civilisation » qui s'est reconstituée dans le train. Bourgeois, prolétaires, cadres intermédiaires petits bourgeois, plus un appareil d’Etat au service de la domination, le Transperceneige est une sorte de condensé horizontal de la stratification marxiste du monde. On y trouve même une religion de la loco, l’opium du peuple local, néanmoins assez peu répandue semble-t-il. Qu’importe ? Alcool, drogue, et prostitution pourvoient aussi à l’abrutissement des masses. Et si on mange Dieu sait quoi chez les queutards, des souris chez les pauvres, des lapins au-delà, et des mets raffinés chez les privilégiés, les réserves diminuent ce qui va nécessiter des mesures drastiques.

La fuite de Proloff (Prolétaire ?) des wagons de queue et son odyssée jusqu’à la tête en compagnie d’Adeline, une femme middle-class membre d’une organisation de soutien au « tiers-convoi », permet aux scénaristes de montrer la stratification du train et de pointer les comportements qui la rendent possible. De nombreuses scènes sont intelligentes ou émouvantes, soutenues par le dessin parfaitement adapté de Rochette qui participe fort à l’impact de l’œuvre. En noir et blanc, il propose un univers désespérément clos habités de vrais trognes aux visages inoubliables. Les références narratives sont celles de l’univers concentrationnaire, les wagons de queue que Rochette donne à voir sont des wagons fermés dans lesquels les hommes s’entassent autour de grabats superposés, le tout rappelant fortement les images de baraquements des camps nazis ou du goulag. Proloff et Adeline ont le crane rasé dès leur arrestation, là encore on est dans ces deux univers.

Si l’histoire, écrite en 1984, évoque la réalité d’une société fortement stratifiée, elle prend un sens encore plus fort aujourd’hui alors que les 0,01% de privilégiés sont en train de tellement s’éloigner du reste de la société en terme de revenu et de patrimoine qu’ils pourraient aussi bien ne plus faire partie du même monde que le reste des humains, et où les classes moyennes, craignant une redescente sociale, refont des classes laborieuses des classes dangereuses au sens même où l’écrivait Louis Chevalier. On remarquera que les pathologies de la misère rencontrées dans l’ouvrage de Chevalier trouvent une réplique dans l’effet que produit la progression de Proloff dans le train.

Deux questions. Pourquoi faire parler les personnages comme des parigots (anecdotique), et pourquoi Proloff qui commence en citant la Chanson de Craonne semble-t-il aussi individualiste par la suite ? Les transclasses sont-ils toujours des socio-traitres ? Les chances tuent-elles toujours les places ?

Un regret. Pourquoi utiliser encore une fois la tarte à la crème de la sexualité orgiaque des élites (même si le procès du Carlton remet ma question en perspective) ?

A part ce regret, le tout est de grande qualité.
Les deux suites incluses sont plus strictement SF et anecdotiques imho.

Le Transperceneige, Lob, Legrand, Rochette

Commentaires

Vert a dit…
Je me demande si c'est pas sous ton influence que j'ai emprunté les 3 tomes à la bibliothèque en fait xD.
Gromovar a dit…
Ahah, I will rule the world !
Tigger Lilly a dit…
Faut absolument que je lise cette BD.