La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Nouveaux droits civiques


Rappelons très brièvement que Brunschwig et Hirn commencèrent, il y a bientôt vingt ans, une excellente série de BD d’anticipation politique en 5 tomes intitulée « Le pouvoir des innocents ». Presque dix ans après la fin de la série, ils revinrent avec deux séries suites : « Car l’enfer est ici », immédiatement après les évènements du Pouvoir des Innocents et l’arrivée à la mairie de New York de la très sociale Jessica Ruppert, et « Les Enfants de Jessica » qui démarrent dix ans après, alors que Ruppert est entrée au gouvernement américain et qu’elle va tenter d’y mener la même politique qu’à NY, mélange de Care et d’Empowerment, inspirée par les nécessités d’une nation ravagée par les effets d’une crise économique autant due aux effets de la globalisation combinée à la perte du leadership technologique qu’aux dépenses exorbitantes de plusieurs interventions extérieures au Moyen-Orient.

Dans le tome 2 des Enfants, "Jours de deuil", Jessica propose un plan de révolution institutionnelle en 200 réformes. D'occultes groupes de pression travaillent avec énergie pour l’empêcher d’y parvenir, y compris en l’éjectant de la vie politique, manipulant sans vergogne groupes paramilitaires et dirigeants politiques.
La violence règne dans les rues d’une Amérique de plus en plus divisée entre ceux qui ont et ceux qui n’ont rien, et une nouvelle forme de « lutte des classes » a remplacé la « lutte des races » (avec un choix de personnages fort judicieux). Et la violence politique, plus policée, n’est pas moindre. Une nouvelle marche vers Washington permettra-t-elle de forcer la transformation d’une société de plus en plus inégalitaire ?

Le récit de Brunschwig, solidement charpenté, est aussi dur qu’il le faut pour faire appréhender au lecteur l’urgence du moment et la division qui fracture les USA. Peu amateur des œuvres trop ouvertement militantes, je suis d’abord tenté de trouver que l’histoire est outrée et que l’auteur en fait un peu trop dans le souci de démontrer. Puis je me souviens de l’opposition violente et haineuse à laquelle se heurte Obama depuis sa prise de fonction, de l’accusation de « communisme » à laquelle il fait régulièrement face, des affadissements qu’il a dû apporter à son projet de « Sécurité Sociale » sous les coups de boutoir d’une opposition vent debout. Et je me dis qu’après tout… J’apprécie donc.
On oubliera juste la première scène, très peu crédible sur le plan économique. Parfois le désir de démontrer conduit à dire des bétises.

Le dessin de Hirn, pastel, est agréable. Très bien encré, il donne des traits expressifs et reconnaissables même aux personnages au second plan ce qui est toujours appréciable. La couverture, superbe, cercueil des victimes d’attentat sur fond de bidonville géant aux portes de New-York, résume parfaitement l’album et ses enjeux.

Brunschwig, Hirn, Les enfants de Jessica, t2, Jours de deuil

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