Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

Invasion - Luke Rhinehart - Retour de Bifrost 93


Luke Rhinehart est l'auteur cultissime du très anarchiste et libertarien L'homme dé. Son dernier roman, "Invasion", est traduit et publié aujourd'hui aux Forges de Vulcain ; un événement éditorial, sans le moindre doute. On y retrouve l’essentiel de ce qui faisait la pensée de l'auteur, un peu calmé néanmoins par l'âge, sur le plan sexuel notamment. Quoique...les Protéens ont de la ressource dans ce domaine.

Ici et maintenant. La Terre est progressivement « envahie » par une horde de créatures extra-dimensionnelles qui ressemblent à des boules de poils grises, bondissantes, et polymorphes. Et singulièrement, dans le roman, la maison de Billy Morton, vieux pécheur anar marié à une avocate latino en rupture de ban. A priori peu agressifs et même plutôt sympathiques, les Protéens (c'est leur nom) ne souhaitent que jouer, sans responsabilité ni conséquence. Ils professent et mettent en œuvre une philosophie du jeu et du plaisir qu'ils appliquent à tous les aspects de l'existence, et ils tentent d'y convertir le plus d'humains possible. Ils montrent aussi à une humanité sans doute trop crédule en quoi le système institutionnel censé les libérer et les protéger a surtout pour fonction de leur dissimuler la vérité sur son fonctionnement et ses buts ultimes. Développant et encourageant le mouvement Pasquecérigolo, ils appellent donc implicitement les humains à remettre en cause ce système pour reprendre en main leur vie et leur destinée, en se débarrassant de facto d'une technostructure illégitime et de représentants en déficit de représentativité.

Bien sûr, suggérant une insurrection paisible, piratant banques et services secrets, remodelant le système productif, empêchant les bombardements vertueux d'imposition de la démocratie par la force (en Irak par exemple), les Protéens se font vite de puissants ennemis au cœur de l'Etat, et du complexe militaro-industriel en particulier.

Le roman raconte la traque des Protéens par les agences américaines, ainsi que les actes de résistance de la famille Morton pour protéger les facétieux aliens et faire connaître leur pensée. Le tout finira en insurrection populaire et proclamation d'un Manifeste citoyen visant à rendre le pouvoir au peuple, à promouvoir l'égalité réelle, et à soustraire les activités socialement utiles aux forces du marché.

Ouaip ! Tout ceci est bel et bon.
Et, au début, Rhinehart est drôle, tant dans le style que dans les situations qu'il imagine. Néanmoins, le roman pêche à mon avis sur au moins trois points qui finissent par rendre sa lecture pénible.

D'abord, Rhinehart est engagé dans la vie politique de son pays et le discours est donc très américano-centré ; sans être trop provincial, un Français pourra trouver que certains débats ou piques ne le concernent pas vraiment.
Ensuite, l'humour, sur 500 pages, c'est difficile. Rhinehart ne tient pas vraiment sur la durée et il fait rengaine ; un texte plus court n'aurait pas eu le temps de s’essouffler.
Enfin, le marxisme tendance Groucho de l'auteur tend à la longue, comme beaucoup des critiques radicales de cette hypothèse à démontrer qu'on nomme « le système », à tangenter une forme de poujadisme qui ne peut satisfaire l'intellect et met parfois mal à l'aise.

C'est donc, sur la durée, une déception qui me rappelle que Francis Kuntz disait que le travail d'un humoriste est d'abord de ne pas utiliser 99% des idées de blague qui lui viennent.

Invasion, Luke Rhinehart

Commentaires

Baroona a dit…
Ce retour de chronique tombe à pique, je me demandais justement si je devais le tenter. Je vais donc m'en passer, merci.