Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

Pas un pas en arrière


"Stalingrad Khronika", de Bourgeron et Ricard, vient de sortir dans une version Intégrale qui rassemble les deux tomes sous une même couverture. Bonne initiative de l’éditeur.
Et, de mon point de vue de lecteur, "Stalingrad Khronika" fut à la fois un plaisir de lecture teinté d'une légère déception.

Plaisir de lecture car Khronika entraine le lecteur dans une histoire trépidante, qui ne cesse jamais de rebondir au rythme des combats qui agitent et détruisent la ville soviétique de Stalingrad. Point de fixation et lieu du retournement de la guerre à l’Est, Stalingrad, effroyable bataille urbaine qui se termina parfois en duels de snipers fut un calvaire, non seulement pour les deux armées antagonistes mais également pour les civils qui vivaient dans la ville. Premier revers véritable de l’armée nazie en URSS, la bataille de Stalingrad fut l’emblème visible et glorieux de la Grande Guerre Patriotique ; on imagine donc bien son importance pour un Staline au faîte de son pouvoir dictatorial. Staline trouvait ici l’ennemi extérieur crédible, dont a besoin tout pouvoir totalitaire, pour justifier d’amplifier encore le système de répression contre un ennemi intérieur, qui n’existait que dans son esprit malade, et intensifier dans le même mouvement le culte de la personnalité autour du chef héroïque qui sauve la Patrie.
Et nous y voilà ! Car "Stalingrad Khronika" raconte l’histoire, parfois ubuesque, d’une petite équipe de cinéma envoyée à Stalingrad, par la volonté du dictateur même, pour tourner un film à la gloire de la résistance soviétique. Le lecteur y verra le mal de la guerre et la mal du totalitarisme mêlés. Double hiérarchie de l’armée et des services spéciaux, unités de francs tireurs constituées de criminels en roue libre faisant appliquer le mot d’ordre stalinien « Pas un pas en arrière » sans oublier de piller les cadavres et de tuer les soldats amis trop zélés, groupe de cinéastes constitué d’un « échantillon » signifiant : commissaire politique qui doit réussir sa mission de filmage, fut-ce au prix de sa vie, cinéaste raté mais bien en cour, cinéaste de talent sorti spécialement du camp de travail où l’avait envoyé les manigances de l’autre, et jeune soldat soviétique confit d’amour pour le Petit Père des Peuples. Et la peur lancinante du NKVD et de ses agents infiltrés. La guerre donne à chacun l’opportunité de révéler le pire de ce qu’il a en lui (c’est toujours vrai), mais dans le cas de la Russie stalinienne, le système totalitaire et l’exigence absolue de satisfaire tous les caprices du dictateur avait déjà bien préparé le terrain et donné à chacun l’occasion de polir ses compétences en servilité, veulerie, cruauté, et manigance.

La BD est, sur ces points qui étaient ceux de l’auteur, une réussite, en montrant fort justement la folie de la guerre et les tréfonds de l’âme humaine sur un ton caustique. De plus, le dessin, centré sur les hommes et laissant la ville en ruine dans un arrière-plan brumeux, focalise le récit sur la mission cinématographique folle. Le traitement graphique est donc parfaitement adapté au scénario.

Je n’ai pu m’empêcher de ressentir une légère déception car on ne voit pas grand chose de la bataille ou de ses enjeux. Ce n’était pas le point, c’est évident, mais je crains qu’un lecteur peu au fait de l’Histoire ne perde une partie du sens de ce qui se jouait à cet endroit et à ce moment, et que le récit en soit affadi au risque d’être seulement appréhendé comme l’une de ces innombrables histoires militaires qui fleurissent en BD au lieu d’être l’occasion de revisiter un moment important de l’Histoire contemporaine.

Stalingrad Khronika, Intégrale, Bourgeron, Ricard

Commentaires

Escrocgriffe a dit…
Thème original, qui fait froid dans le dos : c'est vraiment d'actualité avec la guerre des images en Syrie…
Gromovar a dit…
Les images, malheureusement le nerf de la guerre.