La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Uzumaki - Junji Ito


L’univers du manga est celui des jeunes lycéennes aux culottes trop visibles et aux robots dont le seul poids devrait les faire s’écrouler sur eux-mêmes. Ou pas. Et comme je le fais trop peu régulièrement, en obéissant à la fois à de rares impulsions et à la permissivité de Maître Gromovar, permettez-moi de signaler à votre attention un classique de la BD japonaise. Il s’agit de UZUMAKI. Écrit et dessiné par Junji Ito, ce manga d’horreur bizarre est normalement ciblé YA, comme pouvait l’être Tales from the Crypt dans un autre contexte culturel. 

"Uzumaki" est donc une série graphique hebdomadaire écrite entre 1998 et 1999, et vous devez vous la procurer et la lire. Pourquoi ? Parce qu’elle est probablement le meilleur regard dans la culture japonaise et dans le paradoxe qu’elle représente tant son éloignement et sa proximité avec nos systèmes de références sont constants. Mais aussi parce que c’est simplement une putain de bonne BD de fantastique et d’horreur.

Pour vous lecteurs de SFFF Européens, tous dans "Uzumaki" sera compréhensible et tout sera néanmoins inattendu. L’histoire tourne mollement autour de l’amourette très platonique entre deux lycéens. La trame est habituelle. La fille naïve ne comprendra jamais vraiment ce qui se trame et restera la Belle au Bois Dormant, candide et positive. Le garçon, lui devient reclus et fuit les moindres problèmes qui s’accumuleront jusqu’à une apothéose apocalyptique. Le lieu de l’action est une ville portuaire, elle pourrait être sur la côte Bretonne à peu de choses près ou une version de Plus Belle la Vie qui partirait un peu en vrille… Tout cela ne vous surprendra guère. La dimension horrifique elle-même est traitée de façon hitchcockienne, par une lente montée en puissance, étape par étape, incident mineur par incident de moins en moins en mineur. La trame narrative répétitive est celle d’un pulp bas de gamme : un incident va dévoiler une nouvelle facette de l’horreur, la fille ne comprendra qu’au dernier moment, le garçon lui aura déjà tout compris et essaiera d’alerter sans y parvenir.

Mais la partie insidieuse, la faille maligne, le miroir étrange va vous apparaître de plus en plus avec évidence et prendre le pas sur le format de supermarché avant que vous ayez eu probablement le temps de ne pas vous faire attraper…

Car cette BD de gare pour adolescents n’en est pas une. C’est un glissement lent et résolu dans un univers autre. Celui du roman d’abord où le signe de la spirale est prétexte à une métaphore convenue mais néanmoins efficace de la folie lente et inexorable qui va en s’accélérant. C’est aussi un glissement dans l’imaginaire nippon et sa capacité à ne pas avoir de barrière là où nous les attendrions. Le Japon est une culture du signe et la spirale semble pouvoir y déployer une logique y compris dans la trame narrative qui avant que nous ayons pu reprendre notre souffle dans un conduit au-delà de ce que Dali ou Bosch auraient jugés lisibles. Et la magie néfaste opère car la suspension d’incrédulité fonctionne à merveille et nous suivons. Nous suivons jusqu’à la grande révélation de la fin, qui vient par paliers et qui ne nous intéresse déjà plus depuis la moitié de l’ouvrage.

Non, ce qui nous intéresse c’est le prochain choc visuel, la prochaine idée graphique qui sera traitée sans distance et de façon littérale par l’auteur. C’est cette absence de second degré dans le traitement du pitch « Et si on disait que le signe de la spirale rendait fou un village ? », qui vous claquera le plus. Ou pas. Mais dans ce cas il se peut que vous sachiez alors qu’il n’y aura rien d’autre à chercher pour vous dans la culture de l’horreur japonaise, car elle ne vous parlera probablement jamais. Mais je parie le contraire, car pour ma part, j’ai retrouvé chez Junji Ito à la fois du Stephen King de Christine et du Lovecraft de La Couleur Tombée du Ciel.
Il me semblait important de vous en parler.

Uzumaki, Junji Ito

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