La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Le livre du long soleil - Gene Wolfe - Retour de Bifrost

Retour de chronique publiée dans Bifrost 79

On ne présente pas Gene Wolfe, auteur de SF américain multiprimé. Mnémos publie aujourd’hui une intégrale du "Livre du long soleil", tétralogie importante de Wolfe, même si un peu moins connue que Le livre du nouveau soleil.

Viron, ville low-tech sur un monde nommé le Méande, ce monde singulier à l’horizon concave et au soleil semblable à une immense ligne lumineuse barrant le ciel. Une ville qui devrait être régie par l’alliance entre un Conseil civil - l’Ayuntamiento et ses Conseillers, l’Eglise – Prolocuteur à sa tête, et un Caldé, le gouvernant légitime de la cité. Mais le dernier Caldé n’a jamais été remplacé après sa mort, il y a vingt ans. Viron est gouvernée depuis par un Conseil corrompu, avec la complicité passive d’une hiérarchie religieuse à la foi chancelante.

Dans ce cloaque institutionnel vit Pater Organsin, responsable d’un mantéion (église et école) et saint homme investi du désir ardent d’aider ses ouailles et de leur apporter la parole divine. Quand Organsin vit une théophanie puis qu’il apprend que son mantéion a été racheté par un ploutocrate qui veut le détruire, le paisible augure se lance à corps perdu dans la mission de sauver son église. Une avalanche d’évènements s’ensuit, conduisant à la guerre civile, à la mise en place d’un nouveau pouvoir, jusqu’à la migration collective vers un monde plus jeune.

Plusieurs centaines de pages à l’écriture serrée. Le début est agréable. Usant d’une multitude de détails, Wolfe décrit finement un monde dont on comprend vite qu’il est plus qu’il ne paraît. Les objets de haute technologie y côtoient des charrettes à traction animale, des « miroirs » permettent de communiquer d’un lieu à l’autre ou avec les dieux. Les habitants bios y vivent à côté des chimios (de moins en moins nombreux). On meurt en partant pour l’Unité Centrale, où semble s’être déroulée une guerre des dieux. La quête d’Organsin implique le lecteur et avance de conserve avec sa compréhension du monde. L’écriture est belle, riche, et l’histoire progresse.

Puis les pages s’accumulent. Et ça devient plus difficile. Construit comme une enfilade de dialogues, le roman déroute parfois son lecteur. Passant de dialogue en dialogue, on suit des conversations parfois hachées au fil de la pensée, ou qui sautent d’un lieu à un autre. Certaines phrases sont interrompues ou cryptiques, concluent une pensée qui s’est déroulée en off ou commentent des évènements censés connus. On se retrouve parfois à relire pour comprendre qui parle ou s’assurer qu’on n’a pas raté un fait important. Sur des centaines de pages. Wolfe est souvent comparé à Joyce, auteur dont on sait qu’il a plus d’acheteurs que de lecteurs finisseurs. Si vous vous sentez assez d’estomac… Il en faut.

Récit prophétique, métaphore tant d’une sortie d’Egypte que de la découverte d’un Dieu unique, l’œuvre est truffée de symbolisme chrétien. Elle est passionnante mais devra être lue et relue pour en tirer la moelle.

Le livre du long soleil, Intégrale, Gene Wolfe

Commentaires

Lorhkan a dit…
Le problème avec Wolfe, c'est que c'est ultra exigeant. Enfin ultra, j'exagère sans doute un peu mais on ne peut pas classer ses récits dans les romans de plage quoi...
Donc faut savoir dans quoi on met les pieds, mais je pense qu'il y a de quoi se faire vraiment plaisir avec une lecture qu'on n'oublie sans doute pas de sitôt (pour les bons comme les mauvais côtés sans doute ! ^^). Et puis pour ceux qui disent que la SF, c'est de la littérature de bas étage, on leur fait lire du Wolfe et ils se taisent. :D

En tout cas pour celui-ci, rien que le "décor" semble passionnant.
Gromovar a dit…
Ah oui. C'est clairement ni un roman de plage, ni de la littérature de bas étage. Une construction fascinante.