La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Le Maître d'armes : La Bible vulgaire de Dorison

Xavier “Troisième Testament” Dorison revient avec un album one-shot où la religion est de nouveau au cœur du récit. La religion mais pas seulement. Voyons donc ce qu’il en est de ce "Maître d’armes".

France, 1531. Les guerres de religion qui déchireront Catholiques et Protestants durant de longues et cruelles décennies n’ont pas commencé mais les tensions sont déjà vives entre les deux camps. Persécutions, mises à l’index, condamnations et intimidations se multiplient, et, hors même des voies institutionnelles, il n’est pas rare qu’un coquin quelconque prenne sur lui d’occire un malheureux soupçonné d’être de l’autre camp.

L’histoire commence par un duel dans la neige. Hans Stalhoffer (presque le vrai Hans Talhoffer), maître d’armes du roi François Ier, remet comme chaque année sa charge en jeu. Cette année, son challenger est le comte de Maleztraza. Ambitieux et roué, Maleztraza utilise une rapière en combat, une arme que Stalhoffer considère comme déloyale et indigne, l’arme des combattants sans honneur. A l’issue d’un combat où chacun des deux blesse son adversaire, Stalhoffer rend sa charge et se retire. Les temps changent. Maleztraza devient le nouveau maître d’armes.

Quatre ans plus tard, Gauvin, ancien chirurgien du roi et ami de Stalhoffer, lui demande de l’aide pour faire passer une Bible traduite en langue vulgaire en Suisse afin qu’elle y soit imprimée. Peu désireux de s’impliquer dans le conflit religieux, Stalhoffer se laissera convaincre et aidera, au péril de sa vie, Gauvin et son disciple à accomplir leur mission.

C’est un excellent album que livrent ici Dorison et son compère Parnotte. L’histoire est poignante, pleine de bruit, de fureur, de rebondissements. Elle met en scène un guerrier vieillissant, un intellectuel en quête d’un monde meilleur, un jeune idéaliste prêt à mourir pour sa cause, opposés à un arriviste, un salopard, et une flopée de soudards sans foi ni loi hormis celle du mieux armé. Elle révolte, exalte, réjouit et attriste, à tour de rôle. On y voit la folie d’une guerre civile en gestation (qui culminera dans l’effroyable Guerre de Trente Ans). On y est témoin de la morgue du clergé catholique qui ne veut ni perdre ses privilèges ni soumettre les textes du dogme au libre examen par la traduction et la dissémination de ceux-ci. On assiste, hélas, à la barbarie paisible des seigneurs locaux, guère plus que des chefs de bande oints d’une légitimité qui doit tout à l’ordre social dominant. On parcourt un monde dans laquelle la vie humaine ne vaut rien, tellement rien que quiconque peut techniquement prendre une vie n’a aucune incitation morale ou juridique à ne pas le faire. Tous les hommes meurent, c’est entendu, mais se faire occire, c’est, en ces temps, si banal que c’en devient presque normal. Et que dire des buchers, familiers au point qu’on s’y réchauffe les doigts sans en faire toute une histoire.

Par delà le contexte situé, "Le Maître d’armes" c’est l’éternelle querelle des anciens et des modernes. Catholiques contre protestants bien sûr, mais aussi épée contre rapière, chevalerie contre armée de masse, effort d’une vie et dédication contre apprentissage rapide et dilettantisme. Les anciens finissent toujours par perdre ; la marche de l’Histoire, pour le meilleur ou le pire, ne stoppe jamais.
Mais quand tout est perdu, reste l’honneur. C’est pour cela que Stalhoffer reviendra à la fin, alors que ni lui ni personne ne peut arrêter la marche de l’Histoire vers toujours plus de simplicité et de vulgarité. Sacrifiant aux armes et aux méthodes qu’il réprouve, lâchant sur ses principes pour faire avancer une cause qu’il a appris à apprécier, il obtiendra pour les reformés le droit d’imprimer et de diffuser leur Bible en français.

Aussi bon que le scénario, le dessin est très beau. Paysages de montagne, duels, combats, tout est finement dessiné, tout est dynamique, cadrages et découpage sont très efficaces.
Un très bon one-shot donc que je recommande vivement.

Le Maître d’armes, Dorison, Parnotte

Commentaires

Dionysos a dit…
Il est très tentant, j'avoue. Xavier Dorison a bien souvent droit à du talent au dessin, chapeau à Joël Parnotte.
Gromovar a dit…
Je pense que tu peux y aller sans grand risque.