La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Retour de chroniques : The enemy stars - Poul Anderson

Retour de chronique publiée dans Bifrost 75
Futur indéterminé. La Terre, transformée par le temps et les guerres, est surpeuplée, inégalitaire, gouvernée par un régime central autoritaire nommé Protectorat. Grâce à une technologie qui s’apparente à de la téléportation, elle exploite, au sens propre, des colonies planétaires ; elle entretient pour ce faire un couteux réseau de portes vers de nombreux mondes et des vaisseaux spatiaux en mouvement. Quand le plus lointain de ceux-ci découvre une étoile morte, on expédie quatre astronautes à son bord pour étudier l’objet céleste. Mais, imprudence et précipitation, un accident encalmine le vaisseau. Les naufragés doivent trouver, vite, comment réparer l’astronef, sous peine de mourir de faim dans leur esquif blessé. Il leur faudra, d’abord, surmonter leurs antipathies réciproques et, pour chacun, faire le clair avec ses raisons de vivre.

Écrit en 1958, "The enemy stars" est gros des soucis de l’époque. On y entrevoit une Terre surpeuplée (7 milliards d’hommes, tiens donc !), organisées en castes aux privilèges héréditaires seulement balancés par une méritocratie marginale, dont le centre de gravité s’est déplacé vers l’Asie. Mais surtout, cette Terre est colonialiste ; en pleine décolonisation, Anderson décrit une planète exploitant sans vergogne les ressources de colonies spatiales vers lesquelles des volontaires partent sans espoir de retour, des colonies spatiales où la révolte gronde, réprimée très violemment par la planète mère lorsqu’elle devient révolution.

Mais "The enemy stars" n’est pas qu’un background politique. C’est aussi, et peut-être surtout, une ode à la volonté, au courage, à l’abnégation, au sacrifice. Plus loin dans l’espace qu’aucun autre humain vivant, confrontés à leur mort probable, au vide glacial, à la solitude de l’infini, les astronautes trouveront en eux les ressources de sagesse, de force, d’humanité qui permettront à une partie d’entre eux, au moins, de rentrer à bon port. Et lorsque la femme de l’un, féministe avant l’heure, demandera rageusement au père de son mari pourquoi partir dans l’espace, celui-ci répondra, citant Kipling, qu’on part dans l’espace comme on partit, avant, sur les mers et pour les mêmes raisons. Pour aller plus loin, voir ce qu’il y a de l’autre côté de la colline, car la curiosité et le défi fondent notre nature humaine. Il n’y a pas d’animal explorateur.

Enfin, "The enemy stars" est un pamphlet pour l’ouverture et l’acculturation. C’est le contact fortuit avec une autre civilisation, plus éthique, plus égalitaire, plus décentralisée, et trop grande pour être détruite ou absorbée, qui amènera dans l’espace humain les nouvelles idées indispensables à une régénération de la vieille civilisation terrienne et, partant, à l’ouverture politique de notre monde. L’humanité ne peut rester provinciale dans une vaste galaxie, ne peut pas plus rester anthropocentrée que l’Occident ne put rester ethnocentré. Elle doit s’enrichir de l’Autre comme l’Autre le fera lui-même de l’humanité.

Ecrit en 1958, "The enemy stars" n’est pas exempt des petits travers intellectuels ou rédactionnels de l’époque. Quelques phrases fleurent bon les années 50. Mais l’intelligence du propos fait vite oublier ces incongruités. De même, l’outil technologique au cœur du récit est bien peu fondé scientifiquement. Mais qu’importe, le propos n’est pas d’abord là. C’est la place de l’humanité dans l’univers et la place de chacun, individuellement, dans celui-ci, qui est le point. Comme dans Tau Zero, douze ans plus tard, Anderson impose à ses héros une panne technique extrême qui les force à aller plus loin qu’ils ne l’auraient cru possible. Ces hommes sont debout contre l’univers comme les ancêtres vikings d’Anderson l’étaient contre les flots déchainés. Respect.

The enemy stars, Poul Anderson

Commentaires

Vert a dit…
Encore un Poul Anderson à traduire !
Gromovar a dit…
Carrément. Et il n'est pas très long en plus.