La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Retour de chronique : Le village des damnés, John Wyndham

Retour de chronique publiée dans Bifrost 71


« Le village des damnés » et « Chocky » sont deux romans de l’anglais John Wyndham, publiés il y a un peu plus d’un demi-siècle pour l’un et un peu moins pour l’autre. Lunes d’encre a aujourd’hui la bonne idée de les rééditer en les réunissant, en raison de la proximité des thèmes qui y sont abordés.

Le village des damnés : Dans le petit village paisible de Midwich, toutes les femmes en âge de procréer se retrouvent enceintes après qu’un événement inexpliqué ait provoqué l’endormissement de toute la population pour 36 heures. Arrivées à terme, elles accouchent toutes d’enfants apparemment normaux si ce n’étaient leurs yeux dorés. Rapidement, ces enfants « coucous » font montre de capacités mentales étendues et d’une amoralité qui les rendent très inquiétants. Que faire ?

Chocky : Dans une famille tranquille de la middle class anglaise, le fils ainé, Matthew, se met à converser avec ce qui semble être un ami imaginaire, Chocky. D’abord indulgents, ses parents deviennent de plus en plus inquiets et désemparés. Ce qu’ils avaient commencé par interpréter comme une phase régressive transitoire semble s’éterniser, et, de plus, les discussions de Matthew avec Chocky, les questions qu’elles l’amènent à poser, et les réalisations qu’elles lui permettent, rendent de moins en moins vraisemblable l’hypothèse de la pure invention. Comment réagir ?

Dans les deux cas, il est question d’invasion, d’étrangers s’insérant subrepticement dans un lieu auxquels ils n’appartiennent pas - et pour quel sombre dessein ? Dans les deux cas, les vecteurs sont des enfants. On imagine sans peine le malaise que purent susciter ces histoires de cinquième colonne dans un monde en pleine Guerre Froide, et ces atteintes aux enfants du baby boom - les premiers dans l’Histoire à être parés de toutes les qualités, la première étant sans conteste l’innocence.
Leurs tenants et aboutissants éloignent ces deux histoires, leur base contextuelle les rapproche.
Ce qui leur est commun aussi, c’est la manière dont Wyndham les traite. Il y a quelque chose dans ces deux romans d’un bon épisode de Twilight Zone. L’incursion inexplicable d’une réalité autre dans notre univers prosaïque intrigue ceux qui la vivent avant de leur imposer de la prendre en compte, ce qu’ils font de la seule manière civilisée qu’ils connaissent.
Tolkien a dit un jour que ses hobbits étaient les anglais paisibles de la campagne. C’est de ces mêmes anglais que parle Wyndham. Face à l’extraordinaire, des gens ordinaires, dans un lieu qui ne l’est pas moins, doivent s’adapter et réagir, si possible. Ils le font, parfois difficilement, en tentant de préserver au maximum ce qui fait leur mode de vie habituel. L’inconnu est traité dans les deux histoires avec un flegme typiquement britannique et une volonté affichée de préserver décence, discrétion, et dignité.

Si « Le village des damnés » pose explicitement la passionnante question des mesures que doit prendre une civilisation pour survivre, et du conflit entre rationalité machiavélienne et morale judéo-chrétienne(Wyndham y répond comme il le faisait dans « Le jour des trifides »), « Chocky » interroge plutôt la notion de vérité, et les accommodement qu’on doit faire avec celle-ci quand trop de transparence serait néfaste. Dans les deux histoires en tout cas, Wyndham montre qu’il est difficile d’accepter une vérité qui dérange, et comment déni et délusion sont souvent préférés.

Divertissantes, intelligentes, reposantes pour le lecteur, ces deux histoires méritent qu’on leur accorde d’attention. Elles offrent un vrai bon moment d’é(in)vasion.

A noter : Le village des damnés a été adapté au cinéma en 1960 et 1995. Chocky l’a été en série télé en 1984.
A noter aussi : Ecrit avant le féminisme, ces deux romans portent les préjugés de leur époque, notamment sur la psychologie des femmes et leur rapport aux enfants. Drôle.
A noter enfin : Wyndham semble s’intéresser beaucoup à l’origine, innée ou acquise, de l’instinct maternel. On ne peux que lui conseiller « L’amour en plus », d’Elisabeth Badinter.

Le village des damnés, suivi de Chocky, John Wyndham

Commentaires

Nicolas Winter a dit…
J'ai lu le village des damnés et j'ai été très agréablement surpris, c'est assez original, ça se lit vite et bien et le fond de l'intrigue est intelligent. Ah et excellente fin.
Gromovar a dit…
Tout à fait. Tu as lu Le jour des triffides ? C'est futé aussi.