La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

En quête des dieux humains


"Les Fables de l’Humpur" est l’un des meilleurs romans de Pierre Bordage. Il vient d’être adapté par lui-même en BD et c’est une belle réussite.

Dans un Périgord futur revenu à la féodalité ne vivent plus que des animaux humanisés. Carnivores au sommet de la hiérarchie sociale comme ils le sont de la chaine alimentaire, herbivores à sa base. Dans ce comté de Luprat où débute l’histoire, les loups gouvernent un peuple de gueux porcins (les grognes) qui doivent régulièrement donner certains des leurs en holocauste à leurs maitres lupins (les hurles). Cet impôt du sang est le prix de la sécurité pour les autres.

Devancé par un grogne plus fort et agressif que lui lors de la copulation collective, alors qu’il faisait naïvement des rêves romantiques, Véhir, jeune grogne puceau et bien trop sensible pour son monde, fuit sa communauté. Il rencontre dans les bois un très vieux grogne banni qui l’incite à devenir meilleur et à se mettre en quête des dieux humains disparus. Il se trouve alors plongé dans une aventure bien plus grande que tout ce qu’il aurait pu imaginer, dans un monde de fureur et de mort, aidé par le plus inattendu des compagnons et opposé à des ennemis terribles.

Le roman de Bordage est une petite merveille d’invention. Personnages attachants, société féodale complexe, religion intrusive, prophétie, lutte fondamentale bien/mal, sexe et pouvoir, mort et vengeance, mariages politiques, entre autres, les éléments de l’univers de Pierre Bordage sont là, moins assénés que souvent ce qui les rend bien plus agréables. Ils ont pour écrin un monde passionnant dans lequel chaque espèce animale humanisée combine atavisme et intelligence. Ils ornent une aventure passionnante, résolument adulte malgré son caractère animalier. Et puis il y a la langue, et c'est un feu d’artifice. Français déformé, simplifié, abâtardi, la langue des « fables » a dégénéré autant que le monde lui-même. Toujours compréhensible, elle dégage une poésie véritable qui vient de son caractère « primaire », résolument non conceptuel. Elle participe au plaisir de la lecture, crédibilise le monde, et assure au texte son caractère de fable.

La BD reprend à merveille ces éléments. Adapté par Bordage lui-même (ce qui est un avantage), elle reproduit sans défaut le rythme, le merveilleux, le mystère du roman. Le dessin y est pour beaucoup, tant il montre un néo moyen-âge convaincant et y immerge le lecteur. Réalistes (!) et détaillées, les planches superbes de Roman sont servies par une colorisation de qualité, lumineuse, contrastée, qui donne vie aux lieux en y injectant une lumière réaliste (les sous-bois sont magnifiques).

Une très belle réussite donc et sans doute une des meilleures adaptations de roman en BD que j’ai lue.

Les Fables de l’Humpur t1, Les clans de la Dorgne, Bordage, Roman, Vincent

Commentaires

Je suis justement occupé à lire le roman. Je jetterai peut-être un jour un oeil à la version BD.
Gromovar a dit…
Je n'ai pas spoilé :)
Sandrine a dit…
Pour moi aussi, ce roman est le meilleur de Bordage. Si l'adaptation est réussie, comme je le lis un peu partout, je la lirai (et ne serai donc pas déçue !).
Gromovar a dit…
Je te le conseille.