La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Quand on veut tuer son chien...


Entre la couverture de gauche et celle de droite il y a neuf ans. Pourquoi Corbeyran et Bouillez ont-ils mis neuf ans pour conclure leur histoire. Je l’ignore. Si quelqu’un sait, je suis preneur. En tout cas, il aurait été dommage de ne pas donner une fin à cette histoire tant elle est intrigante et joliment réalisée. C’est enfin fait.

Une ville, Spleen City. Où ? Quand ? On ne sait pas. Une terrible épidémie a frappé ; beaucoup moururent, de nombreux autres furent envoyés croupir dans des lazarets, un état d’urgence sanitaire fut instauré, très attentatoire aux libertés publiques. Dix ans plus tard, la PEST n’est toujours pas éradiquée malgré des recherches intenses ; l’état d’urgence est toujours en vigueur ; la vie à Spleen City est morne et sans espoir, d’autant plus qu’on est plus bas dans l’échelle sociale, la PEST étant réputée toucher préférentiellement les strates inférieures.

C’est dans ce contexte qu’Abélard Tournemine, citoyen lambda chargé de prélèvements dans les eaux des marais pollués entourant la ville, fait une découverte surprenante. Les eaux sont redevenues pures ; il serait donc théoriquement possible de quitter la ville meurtrie. Etonnamment, il s’avère vite que cette information dérange en haut lieu plus qu’elle ne satisfait, d’autant que tout n’est pas clair non plus concernant la PEST.

Corbeyran crée ici un monde clos limité à une seule ville d’où on ne peut s’enfuir. Spleen City est une cité inégalitaire, hiérarchisée, divisée en niveaux en fonction du statut social des habitants. Elle est dirigée par une administration corrompue, autoritaire, et ploutocratique qui garde un terrible secret. A la chape de plomb qu’imposent la police, les « détecteurs », et les « régulateurs », s’ajoute le contrôle moral qu’assurent une religion ad hoc et sa milice armée.

Dans ce monde régulé, l’auteur fait d’un citoyen de base un héros malgré lui qui conduira la résistance à l’oppression et fera éclater la vérité. Confronté à des dirigeants sans scrupule, il devra, à grands peines et avec une aide inattendue, se débattre entre les mensonges colportés par les institutions, lutter pour rester en vie, et obtenir les preuves de la corruption qui gangrène la société, obérant toute possibilité de développement pour la population.

Le récit est servi par un dessin très intéressant. Les personnages ont des trognes (sans souci de réalisme), ils sont souvent liés à des extensions mécaniques à l’aspect très lo-tech. Les costumes, ainsi que certains véhicules, évoquent une France du début du siècle matinée de sociétés secrètes. Les bâtiments (pavillons, hôtels particuliers, petits commerces) se situent quelque part entre le Délicatessen de Caro et Jeunet et la « France éternelle » d’Amélie Poulain (et de Jeunet tout seul). Disons pour finir que des systèmes mécaniques délirants occupent la plupart des images, remplissant des fonctions diverses et parfois obscures. L’ensemble est étrange mais vraiment agréable à l’œil, participant au caractère « hors du temps » de Spleen City.

A noter pour les amateurs qu’on rencontre dans PEST un personnage nommé Aristide Nix, régulateur, le héros de Régulateur.

PEST 1 et 2, Le défosseur et Les boites noires, Corbeyran, Bouillez

Commentaires

Tigger Lilly a dit…
J'aime bien les couv' et ça a l'air sympa. Je me le note.
Gromovar a dit…
C'est sympa et futé à la fois.